Le sujet fait débat, Après l’article « Quel est le lien entre le Parc de Bruxelles et la franc-maçonnerie ? » voici une suite « Le parc de Bruxelles est-il un immense symbole maçonnique? D’où vient cette histoire ? » paru sur le site Moustique – La Libre.be
Une théorie voudrait que le concepteur des lieux aurait modelé le parc selon les idées maçonniques. Décryptage.
La fontaine du parc de Bruxelles (ou parc Royal) ©BelgaImage
C’est l’une des rumeurs les plus tenaces de la capitale belge: le parc de Bruxelles, véritable poumon vert du centre-ville, serait… un symbole maçonnique! Vous en doutez? Alors prenez un plan et regardez la disposition des allées. Avec un peu d’imagination, il n’est pas difficile d’y voir un compas. Oui, le même compas qui constitue l’un des symboles les plus connus des francs-maçons! « Oh my God« , diraient les Britanniques, qui ont créé en 1717 ce célèbre mouvement d’organisations fraternelles aux rites initiatiques. Régulièrement, l’histoire ressurgit et alimente les passions. Mais qu’en est-il vraiment? Pour le savoir, il faut remonter un peu dans le temps, lorsque le parc a été construit.
Né sur les ruines du Coundenberg
L’histoire du lieu débute par un drame. En 1731, le palais du Coudenberg, siège du pouvoir brabançon, brûle complètement. Pendant près de 40 ans, il restera à l’état de ruines avant d’être détruit dans les années 1770. Mis-à-part quelques pièces en sous-sol, il ne reste plus rien de ce bâtiment qui correspond aujourd’hui à une partie de la Place Royale et du Palais Royal.
À l’époque, Bruxelles était la capitale des Pays-Bas autrichiens et c’est le gouverneur nommé par Vienne, Charles de Lorraine, qui décide de réaménager tout le quartier sous la supervision de son ministre plénipotentiaire, le prince Georges-Adam de Starhemberg. C’est de cette façon que naît la Place Royale mais le projet ne s’arrête pas là et s’étend sur les anciens jardins du Coudenberg, là où se situe désormais le parc de Bruxelles.
Pour ce dernier, Starhemberg s’entourera d’un architecte néo-classique français, Barnabé Guimard, et d’un paysagiste viennois, Joachim Zinner. Ce sont eux qui vont véritablement dessiner l’allure du nouveau jardin, aux alentours de 1775, avec à ses extrémités le Palais de la Nation (qui abritait alors le Conseil de Brabant) et une série d’hôtels (aujourd’hui intégrés en partie au Palais royal) dont celui du successeur de Starhemberg, le ministre plénipotentiaire Louis de Barbiano et Belgiojoso.
Un compas ou une simple patte-d’oie?
Jusqu’ici, aucun signe des francs-maçons. Oui mais voilà: Starhemberg faisait partie de la Loge de Minerve aux Trois Palmiers (comme cette dernière le revendique aujourd’hui sur son site)! Aurait-il ainsi incrusté un compas XXL en plein milieu de Bruxelles? Probablement pas, tranche l’historien Jean Van Win, auteur de plusieurs ouvrages sur la franc-maçonnerie.
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« Starhemberg s’est chargé du Parc de Bruxelles sous les instructions de Charles de Lorraine – qui ne fut jamais franc-maçon. Son frère François était le mari de Marie-Thérèse d’Autriche, qui était très hostile à la franc-maçonnerie dans son propre pays. C’est elle qui a approuvé les plans du parc de Bruxelles. Si ce parc avait été truffé de symboles maçonniques, elle n’aurait jamais étayé les propositions du Parc de Bruxelles« , fait-il savoir à La Libre.
Il ajoute qu’en réalité, le seul signe des francs-maçons dans le coin, c’est la présence de quelques symboles sur le portail d’entrée du Sénat (œil du grand architecte, compas, équerre, etc.). Quant au plan du parc, il correspond à un motif répandu dans les jardins de la fin du XVIIIe siècle, celui de la patte-d’oie. Son collègue, l’historien d’art Xavier Duquenne, est du même avis: « Je suis certain que cela n’a pas été fait pour l’idée maçonnique. Mais ensuite, cela été récupéré« .
Une théorie inventée dans les années 70
En réalité, comme le précise Jean Van Win, il faut remonter à une époque beaucoup plus récente pour trouver les débuts de cette légende sur les francs-maçons. « C’est un médecin montois, qui a cherché à mettre en lumière le fait que Charles de Lorraine était franc-maçon. Dans la foulée, un certain Paul Saint-Hilaire, devenu ‘de’ Saint-Hilaire, a pondu des bouquins à tirage faramineux : un ‘Bruxelles maçonnique’, un « Brabant maçonnique ». Il a inventé cette théorie à propos du Parc de Bruxelles dans les années 70 en considérant le plan aérien. Selon lui, on y voit un compas. Et c’est là le début d’une erreur fondamentale« , explique-t-il.
La légende s’inscrit ainsi dans l’engouement populaire pour les théories du complot maçonniques. Une longue tradition héritée de l’animosité de l’Église catholique pour un mouvement qu’elle ne contrôlait pas et qu’elle a accusé dès le XVIIIe siècle d’être responsable d’événements qui lui étaient défavorables, à l’instar de la Révolution française. À noter toutefois qu’il existe à Bruxelles de véritables signes de la présence maçonnique, mais beaucoup moins spectaculaires. C’est le cas des temples comme celui de la rue de Laeken (qui abrite le musée belge de la franc-maçonnerie), une statue de l’avenue Franklin Roosevelt ou encore une colonne tronquée sur le fronton du château royal de Laeken.