Editorial de la revue Alpina de la Grande Loge Suisse Alpina qui évoque cette belle idée du Grand Architecte de l’Univers (GADLU).
Sujet inépuisable que celui-ci, dont personne n’aura le dernier mot puisque cela est impossible. La notion de Grand Architecte de l’Univers est définie de manière plus ou moins précise selon les appellations maçonniques et nos textes fondateurs. Le fait est que l’on ne peut se passer de cette dénomination, ou d’une autre qui lui ressemblerait. En abandonnant toute référence à un principe supérieur la franc- maçonnerie deviendrait incomplète, se couperait de toute transcendance et ne serait qu’une société philosophique.
À l’autre bout du spectre, une notion trop explicite de ce même Architecte pourrait aboutir à des certitudes comparables sinon semblables à celles des religions établies. Là aussi, notre Ordre manquerait à son identité profonde.
Le franc-maçon est donc un éternel funambule, soumis aux dures lois de l’équilibre parce qu’il est libre et revendique son indépendance d’esprit comme un bien particulièrement précieux, sans accepter ni rejeter d’emblée toute forme de pensée. Sachant la variété des opinions exprimées dans les loges sur la question spirituelle il serait pour le moins déplacé de fixer des bornes en matière de croyance ou de non-croyance.
À défaut de pouvoir se prononcer sur l’inconnaissable nous pouvons en parler à l’envi. L’exercice de la liberté s’avère particulièrement difficile vu qu’il oblige à considérer plusieurs réalités, parfois contradictoires, et les devoirs que l’on s’impose à soi même sont plus astreignants que ceux émanant d’une institution puisque dictés par la conscience. C’est pourquoi, d’entrée, la franc maçonnerie fait le pari de l’humain en évoquant un Grand Architecte qui sert moins de guide général que de dénominateur commun dans le domaine qui nous occupe, chacun ayant toute latitude de le considérer en fonction de sa sensibilité et de suivre parallèlement aux travaux de loge le culte qui lui convient. Historiquement, ce n’est pas la maçonnerie de tradition qui a manqué de souplesse face aux institutions religieuses, mais l’inverse.
Concluons en citant l’historien et jésuiste espagnol José Antonio Ferrer Benimeli : «D’une manière symbolique, on fait remarquer que désormais la cathédrale à construire ne sera plus un temple de pierre, mais que l’édifice qu’il faudra élever pour l’honneur et la gloire du Grand Architecte de l’Univers sera la cathédrale de l’Univers c’est-à-dire l’Humanité».
Jacques Tornay (Alpina 12/2012)