Que faisons nous en loge ? Que fais le franc-maçon dans son atelier ?… Il taille sa pierre brute certes, mais encore… c’est une question qui nous taraude certains soirs d’après tenue… Gageons que la lecture de cette planche nous éclaire…
Certains Frères comparent parfois le Franc-Maçon à une «pierre de sa Loge». Cette notion semble vide de sens. Qu’y a-t-il de commun entre une pierre à bâtir et une pierre à tailler ? Or le Franc-Maçon « taille sa pierre brute ».
La Loge, cet Atelier où le Maçon œuvre à l’édification du Temple intérieur- dont elle se veut d’ailleurs le modèle – serait-elle un conglomérat de «pierres», une bâtisse résultant de la somme des Frères qui s’y réunissent ? Et qui se réunissent pour faire quoi ?
S’ils veulent mener à bien la taille de la pierre jusqu’à en dégager sans altération le Centre, s’ils veulent effectuer ce travail sur soi, si particulier qu’il faut des mains pures (gants blancs), l’Apprenti et le Compagnon doivent apprendre à se discipliner, à agir avec tact et respect. Dès ses premiers pas en Loge. Le Franc-Maçon doit être « juste » dans ses expressions, précis dans ses affirmations et dans ses gestes.
Le tact est l’une de ses premières qualités. Il s’agit en quelque sorte du sentiment exact de ce qui convient ou ne convient pas. Par son tact, le Franc-Maçon fait preuve de véritable culture, laquelle inclut la politesse, la prudence, la connaissance de l’homme, la présence d’ esprit, la modestie, la réflexion et la maîtrise de soi. Le terme « tact » vient de « toucher » : il indique qu’on est au courant, qu’on est informé. Il y a manque de tact lorsqu’on s’exprime par curiosité, par indiscrétion ou par flatterie. Il n’est cependant pas toujours facile d’établir à partir de que moment l’intérêt se mue en curiosité, l’amabilité en indiscrétion et la courtoisie en flatterie.
Parmi les diverses formes de politesse, la salutation – cette marque d’attention qu’on accorde à autrui et à plus forte raison à un F∴ – est de loin la plus importante. C’est si vrai, que l’on n’attendra pas d’être salué pour salué à son tour ; au contraire on éprouvera une légitime satisfaction à saluer le premier. Signe d’estime, le salut ne peut être que cordial. Il exprime la bienvenue et doit comporter et susciter la certitude d’une amitié réciproque : regard aimable, parole bienveillant, sourire empreint de compréhension. Le salut maçonnique est un signe d’union.
L’attitude du Maçon envers le Vénérable et ses Officiers mérite également qu’on s’y arrête. Le Vénérable Maître en Chaire est bien davantage qu’un simple président : il est à vénérer au sens maçonnique, par des hommes qui dépassent l’homme, qui ne vénère aucun homme, contrairement à ce qui se passe chez les profanes. Si le Franc-Maçon qualifie le Maître en Chaire de Vénérable, c’est qu’il voit et vénère en lui « le Fils (de la Lumière) » qui est censé l’avoir absorbé et l’avoir ainsi « élevé à la maîtrise », à sa Maîtrise à lui, raison pour laquelle il est en droit de retenir l’attention des Frères de la Loge.
Le Vénérable Maître s’est chargé d’une lourde responsabilité : il doit pouvoir compter sur le respect et sur l’obéissance des FF∴. Il est foncièrement indécent de le prendre à partie ou de le critiquer en Loge. Ces égards s’adressent moins à la personne qu’à la fonction, ou qu’à l’autorité profonde qu’elle représente.
Il en va naturellement de même, par extension, pour le Maître Député et pour les deux Surveillants. En effet, la vie de la Loge dépend, dans une large mesure, de l’autorité que les FF∴ reconnaissent au Vénérable Maître et aux premiers Officiers.
L’intérêt porté à l’acquisition des connaissances est primordial dans une Loge. Au cours des échanges et discussions, le FM évitera en toutes circonstances de blesser un Frère ;il s’agit de distinguer nettement entre le fond de la discussion et la personne qui s’y engage. Toutefois, on se gardera de tomber dans l’excès contraire en manifestant une susceptibilité qui, imitant la liberté de parole, menace la vie intellectuelle de l’Atelier et démontre une maturité maçonnique fort incomplète. En toute occasion en effet, le Maçon sacrifie tout à la Vérité, en premier lieu soi-même et sa vanité.
Il est beau et bon, voire bénéfique à tous points de vue que les Frères prennent part au bonheur ou au malheur de l’un des leurs.
Ils seront aussi serviables en toutes circonstances l’un envers l’autre, aussi bien en Loge que dans le monde profane. Le degré d’entraide ne dépendra pas de la plus ou moins grande amitié qui nous lie à un Frère ; en faite sa seule appartenance à l’Alliance maçonnique – alliance moins entre les FF∴ qu’entre chacun d’eux et l’œil de l’Univers – doit le transformer en Frère, en être aimé auquel nous devons assistance. La trahison, figurée par la tromperie et par désir d’exploiter, serait la chose la plus répugnante entre deux Franc-Maçon.
Et que dire du serment ? La Franc-Maçonnerie, par l’engagement qu’elle requiert serait inconcevable sans serment. On peut décrire ainsi la différence entre la conception profane et la conception maçonnique du serment : on assermente le profane afin de pouvoir compter sur lui afin qu’il ne déçoive pas la con fiance placée en lui : en revanche le Franc-Maçon prête serment pour que lui-même sache pouvoir compter sur soi, afin d’éviter de dévier dans la voie de son propre accomplissement. Le caractère social, c’est-à-dire profane du serment n’a rien à faire ici.
L’esprit de conciliation conditionne la vie maçonnique communautaire. D’autre part le Franc-Maçon aura la probité et le courage de reconnaître ses erreurs en s’en excusant et chaque Frère doit être prêt, avant même que son interlocuteur ne fasse le premier pas, à rétablir la paix et la concorde menacées.
De toute façon, il faudrait que les Frères apprennent dès leur entrée dans notre Ordre que « les usages sociaux » sont absolument désuets à nos yeux et qu’ils ne doivent en rien inspirer le FM dans son comportement en Loge, face à ses Frères. Il en va comme de notre conception du Maître et de la Maîtrise, par rapport à celle qui cours dans le monde profane, profanateur du sacré qui habite l’homme : la nôtre implique une « élévation », une vision désintéressée, et par là-même inspiré et opérante, des choses.
Le profane peut devenir a tous égards un maître : son maître, le maître de sa colère, de sa peur, de ses inhibitions face à autrui, de son envie, de sa jalousie, de sa haine ou de sa propre vie. Le Franc-Maçon, par contre, accède à une Maîtrise, à une maîtrise qui se rapporte à un Art dit royal de par sa participation à l’autorité royale du Grand Architecte de l’Univers sur l’ensemble et le détail des données constitutives de l’Univers. Il y parvient en s’ouvrant à plus grand que lui, en s’adjoignant un Guide intérieur régulièrement mieux informé que lui sur ce qui est.
Le plus bel outil requiert un ouvrier qui sache s’en servir. L’outil par excellence du Maître Maçon est ce Guide, celui-ci figurant le condition de son succès. Encore faut-il qu’il sache lui donner la parole, lui accorder dans la tourmente la place nécessaire, toute la place abandonnée par L’Ego défunt.