Le Dieu des francs-maçons
de André Kervella (La Pierre Philosophale – février 2019)
Les francs-maçons se querellent sur l’obligation de croire ou de ne pas croire en Dieu pour être reconnus orthodoxes. Un athée peut-il pratiquer l’entraide fraternelle envers un croyant, et réciproquement ? Les réponses sont contradictoires, et aucune ne peut prétendre être définitive.
En s’interdisant une position dogmatique, André Kervella observe que, depuis leur apparition au dix-septième siècle, les francs-maçons ne se sont pas donné la même image de Dieu et n’ont donc pas conçu de la même façon leur rapport à la religion.
Il invite à reprendre en main les écritures bibliques et les principales interprétations qui en ont été données, afin de replacer le travail des loges maçonniques dans le contexte historique et philosophique de son évolution jusqu’à notre époque. Dès lors, comment affronter l’avenir ?
D’où, sur la fin, la question cruciale de la laïcité et du combat à mener contre les intégrismes et fondamentalismes liberticides et mortifères.
Extrait De L’ouvrage
Voyez l’enluminure que réalise Jean Fouquet vers 1465 pour illustrer une édition des Antiquités juives de Flavius Josèphe. Elle représente des ouvriers en train d’édifier le temple de Jérusalem, mais un temple gothique et des ouvriers agissant comme au pied des cathédrales. À gauche, bras levé, sur un balcon de son palais, Salomoncouronné explique à un visiteur agenouillé ce que sera l’édifice fini. En bas, des hommes presque tous de gris vêtus s’affairent autour des blocs de pierre, tandis que des visiteurs en robes longues colorées ne sont que de passage, comme ceux qui gravissent un escalier pour entrer dans le palais. À un étage au-dessus de cet escalier, posté à une fenêtre, est un homme seul, peut-être l’architecte (Hiram ?), peut-être un clerc chargé de la surveillance, peut-être aussi un clerc architecte, en tout cas un homme à l’écart de la poussière et des chocs. Le gris des habits, pareil au plomb, contraste avec l’or dont les façades du temple sont peintes. L’œuvre vaut bien plus que l’ouvrier. On dirait qu’elle résulte d’un processus alchimique de transmutation, et celui qui en a la maîtrise demeure le clerc dont la science vient des livres, du secret des livres. Les besogneux n’en sont jamais que les agents ignorants. Existe-t-il un alchimiste qui ne sache pas lire ? Salomon passe lui-même en ce temps comme le maître des sciences occultes, l’expert en savoir supérieur et caché. Ce que l’image impose aussi, c’est la multitude des statues. Elles sont partout, et derechef vêtues à la façon bourgeoise, c’est-à-dire des clercs. Statues de saints assurément, qui prient mains jointes ou devisent ensemble. Pas une n’évoque le maçon, le sculpteur, en chausses et robe courte, bonnet ou chapeau sur la tête.