Voici la contribution de Vabadus à notre nouvelle rubrique “loge libre et insoumise”
Vous connaissez probablement Vabadus par ses nombreux articles sur le blog de “La Maçonne” qui visent à la Liberté d’expression et d’une façon plus générale défendent les valeurs humanistes de la Franc-Maçonnerie.
LE LANDMARK, L’ÉQUERRE ET LE COMPAS
En 1953, et depuis des décennies, certaines loges de la GLDF plaçaient une Bible sur l’autel des serments, d’autres, un livre blanc ou les Constitutions d’Anderson. Un vote au Convent en 1953 décide de rendre obligatoire la présence de la Bible. Cette décision est toujours présentée par les personnalités de l’obédience, dignitaires, historien et blogueur « maison » comme un acte « historique » : la présence dans le Temple de la Bible, SOURCE DU RITE, relève de la Tradition immémoriale des Loges écossaises.
Un vrai débat au Convent sur cette décision sous l’angle idéologique aurait été logique et sain. Or parmi les motifs qui ont conduit le législatif de la GLDF à prendre cette décision il ne fut jamais question du REAA ! D’ailleurs, prudent, le passé Grand Maître Alain Graesel dans son « Que sais-je ? » sur la GLDF (2014), n’évoque pas les motifs qui ont conduit à cette décision. Le débat n’a pas eu un caractère idéologique autour de la « Spiritualité Écossaise » mais « politique » car consacré aux RELATIONS INTERNATIONNALES de l’obédience.
Aussi, la version officielle marquée par le « storytelling » du REAA, est totalement contredite par la réalité lisible dans les documents officiels de l’obédience. Découvrons cela ensemble.
LE CONTEXTE HISTORIQUE QUI ÉCLAIRE LA DÉCISION
La GLDF depuis sa création en 1894, a toujours été considérée comme « irrégulière » par la GLUA. On peut penser qu’il en sera toujours ainsi car elle souffre depuis l’origine, de deux tares rédhibitoires :
-1) elle ne respecte pas les Landmarks de Londres
-2) elle est soumisse à une juridiction de hauts grades ; c’est ce qui fut signifié à la GLDF par un dignitaire de la GLUA en 1899 :
« Dans ces circonstances, je suis chargé de faire ressortir que, s’il est hautement désirable que la merveilleuse entente s’établisse entre tous les corps maçonniques du monde, cette Grande Loge (la G.L.U.A.) n’a jamais reconnu puissance comme souveraine une Grande Loge soumise d’une manière quelconque à un autre corps et extérieur, tel qu’un Suprême Conseil ».
Dès 1945 les dignitaires de la GLDF relance cette quête de la « reconnaissance », sans succès. Pire, en avril 1951, la Grande Loge Suisse Alpina refusa, sur la pression de la GLUA, l’entrée de son Temple à la délégation de la GLDF, lors de son convent.
Il fallait donc faire une avancée vers le respect des Landmarks de Londres. La démarche en 1953 de rendre obligatoire la présence de la Bible sur l’autel des serments se situe dans ce contexte.
André Combes dans son ouvrage « Les trois siècles de la franc-maçonnerie « écrit ceci :
« La Grand Loge, depuis 1945, était écartelée entre une tendance qui s’alignait sur les positions philosophiques du Grand Orient, dans la tradition de Gustave Mesureur et de l’ancienne GLSE et une tendance spiritualiste et apolitique qui aspirait à être reconnue par la maçonnerie anglo-saxonne et scandinave. Elle rappela après guerre que l’invocation du Grand Architecte de l’Univers (considéré comme symbole) avait été redue obligatoire à l’ouverture des travaux et que cette décision devait être respectée. Le courant pro-anglais remporta une seconde victoire au convent de 1953 où, à la demande du Grand Maître Doignon, une majorité se prononça pour la présence de la Bible en loge. Elle était simplement considérée comme un « symbole de la plus haute spiritualité », « sans aucun caractère religieux particulier ». Cette définition restrictive ne pouvait plaire aux Britanniques. » page 213
UNE DÉCISION « OPPORTUNISTE ET CHOQUANTE » !
Voici l’histoire de cette démarche basée sur les textes officiels de la GLDF qui sont accessibles aux chercheurs.
En 1953 le GM Doignon lance une consultation auprès des Loges sur le projet de rendre la Bible obligatoire sur l’autel des serments. Ce changement proposé déclenche l’incompréhension de nombreuses loges et députés. Le frère rapporteur de l’étude les met en évidence dans sa communication au Convent.
Actes officiels du Convent de la GLDF- extraits
« Nous devons indiquer, cependant que cette attitude « opportuniste » est apparue à plusieurs comme choquante ». « Il n’est pas très franc ni honnête, estiment La Persévérance Écossaise, Le Contrat Social, Baboeuf et Condorcet, Isis d’admettre sur l’autel, pour rétablir nos relations avec les Anglo-Saxons, un livre auquel ils attribuent un caractère révélé, alors que nous sommes nullement disposés à lui reconnaître ce caractère »
Le débat qui eut lieu au Convent fut mouvementé, long et finit par énerver le député de la loge 89 « La Jérusalem Écossaise » à savoir Richard Dupuy futur Grande Maître (13 fois). Il indique que, dans sa propre loge, la Bible n’est pas présente et que tout va bien ainsi. Il déclare :
« il s’agit de transformer cette faculté en obligation. Nous ne le ferons pas sans nécessité impérieuse et même les Ateliers qui travaillent avec un Livre Sacré ne prétendraient pas obliger les Ateliers voisins à faire comme eux. Si nous le faisons c’est parce que nous désirons être reconnus par les autres obédiences. Alors au lieu de discuter comme nous l’avons fait depuis plusieurs mois, voulez vous que nous demandions à notre Grand Maître de nous dire quelle modification ou addition à notre Constitution serait à ses yeux nécessaire et suffisante, non pas pour nous assurer une reconnaissance, il ne peut en prendre l’engagement, mais pour que nous puissions espérer cette reconnaissance? ».
A la fin des débats le GM Louis Doignon s’adressa ainsi aux députés :
« Mes Frères il faut choisir,
Je le répète, le Maçon est libre dans sa Loge Libre. Il peut être un athée ou un croyant, mais il ne sera jamais un athée stupide, ni un croyant stupide.
SI le Convent adopte le Livre symbolique, je le dis bien symbolique de la Loi sacrée, surmonté de l’équerre et du compas, il aura réintégré notre chère Grande Loge dans la Maçonnerie Universelle. ».
Suite au débat les députés passèrent au vote sur deux résolutions.
Première résolution
« Le Convent de la Grande Loge de France,
« Considérant que la Franc-Maçonnerie, religion réelle de tous les hommes de bonne volonté, ne saurait limiter ses postulats aux cadres d’une seule conception définie;
« Considérant que la Franc-Maçonnerie doit pouvoir contenir tous les postulats sans entrave et sans abdication pour aucun de ses membres;
« Considérant que les Maçons de la Grande Loge de France (Rite Ecossais Ancien et Accepté) travaillent en Loge, dans la plénitude de leur liberté de conscience « A la GADLU »
« Considérant que les principes inscrits dans la Constitution de la GLGF sont aussi ceux de la Grande Loge Suisse Alpina (décision de l’Assemblée des délégués du 21 mai 1949 à Winthertur, sauf celui relatif au « Livre de la Loi Sacrée »)
« Décide que « les obligations seront prêtées sur l’Equerre, le Compas et un Livre de la Loi Sacrée, ce dernier étant considéré sans aucun caractère religieux particulier, comme symbole de la plus haute spiritualité dont s’inspire le Maçon qui s’engage à œuvrer éternellement à dégager l’Ordre du Chaos »
« Fait confiance au Conseil Fédéral pour élaborer une déclaration de principe et pour en réaliser les buts »
Le vote sur ce texte de résolution donna le résultat suivant:
Votants: 190 – Pour: 132 mandats – Contre: 57 mandats – Abstention :1
L’IMPORTANCE DE L’ADOPTION DE LA DEUXIÈME RÉSOLUTION
Le résultat du vote sur la première résolution montre que le changement proposé était loin de faire l’unanimité des députés. Méfiants, ces députés ont compris que ces rapprochements recherchés avec les GL anglo-saxonnes allaient fatalement entraîner une rupture avec les GL françaises et ils vont d’une certaine façon verrouiller ce risque à l’aide d’une deuxième résolution.
Deuxième résolution
« Le Convent de la Grande Loge de France fait confiance au Conseil Fédéral pour maintenir les relations actuelles et fraternelles avec toutes les Obédiences maçonniques du monde avec lesquelles la Grande Loge de France est aujourd’hui en rapport ».
Ils avaient raison d’être méfiants car à peine le Convent terminé, 5 GL européennes « régulières » (les mêmes qui signèrent l’Appel de Bâle) demandèrent à la GLDF à rompre ses relations avec le GODF dans un délai de 5 ans ! Sans succès ! Dans les FAITS les relations GLDF-GODF n’ont JAMAIS été interrompues à ce jour.
Le paradoxe de cette affaire c’est que Doignon était athée et opportuniste alors que Dupuy était catholique et « politique » !
La présence obligatoire de la Bible dans le temple n’a JAMAIS servie à obtenir la « reconnaissance » de la GLDF par la GLUA ! À partir de 1953, la GLDF tentera à plusieurs reprises un rapprochement avec la GLNF et l’obtention de la « reconnaissance » de la GLUA, sans succès. Ces actions provoqueront même deux crises graves en 1964 et en 2012-2014 avec perte d’effectifs.
Laissez-les: ce sont des aveugles qui conduisent des aveugles; si un aveugle conduit un aveugle, ils tomberont tous deux dans une fosse.
Matthieu 15-14
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J’ME VOYAIS DÉJÀ
J’me voyais déjà Grand Maître par Londres reconnu
Sous voûte d’acier et maillet battant j’étais accueilli
J’me voyais déjà dans tous les pays reçu
Par le duc de Kent et le Grand Maître de Miami
J’étais le plus grand des Sérénissimes
Même les 33° du Suprême Conseil m’accueillaient debout
J’étais tout en haut de la pyramide
Nul ne portait mieux que moi ce sautoir pendu à mon cou.
J’ai tout essayé pourtant pour monter en reconnaissance
J`ai fait tous les convents et j’ai loué l’anglo-saxonne maçonnerie
Si tout a raté pour moi, si je suis en déchéance
Ce n’est pas ma faute mais celle des Loges qui n’ont rien compris.
- Remerciements au « Momasite » pour ses chansons « maçonneuses » qui m’ont inspiré – http://momasite.com/chansmaconeu.htm
View Comments (1)
Je préfère les landmarks ... qui chantent !!!