Voici une petite explication de la théorie du complot par Patrice Bertin, dans chronique « A Première vue » sur France Info.
[audio:https://www.gadlu.info/audio/theorie-du-complot_2011-06-14-15-28-28.mp3]
« A première vue, il y a des gens qui voient des complots partout et ils sont même de plus en plus en plus nombreux. Au tout début de l’affaire DSK, les sondeurs de l’institut BVA avaient recensé 57% de Français croyant à une machination. Quand Ben Laden a été éliminé par les soldats d’Obama, des cohortes d’incrédules se sont répandues sur internet pour affirmer qu’il était encore vivant. Et il y a toujours une noria de béotiens irréductibles pour oser affirmer que les attentats du 11 septembre étaient un complot ourdi par les Américains eux-mêmes.
Cette théorie du complot a une double fonction sociétale. Dans un monde ou l’information circule trop vite, sans hiérarchie ni contrôle, l’incrédulité apparaît comme une réaction immunitaire. Du genre : « moi, on ne me la fait pas, je ne gobe pas tout ce que disent les médias ». Cette même incrédulité permet de se sentir à l’abri d’une société perçue comme un tissu de mensonges cousu par et pour les puissants.
La théorie du complot a un héritage culturel, notre tradition cartésienne qui érige le doute en vertu intellectuelle. Elle a aussi des racines historiques. Dans les années trente, les ligues d’extrême droite avaient inventé le concept du « chef d’orchestre clandestin » qui était censé comploter contre la société française au profit de l’ennemi intérieur, c’est à dire, je cite « les francs maçons, les juifs et les métèques ».
Bref, pour quiconque adhère à une théorie du complot, le comploteur, c’est l’autre, le malin, le diable, le méchant absolu, les médias pourris, l’Américain brutal ou l’ennemi intérieur. Cette notion de « chef d’orchestre clandestin » est suffisamment fumeuse pour frapper les esprits faibles et les masses imbéciles. La « complotite » agit alors sur le corps social comme la paranoïa sur le corps humain. A entendre les tenants de ce révisionnisme malsain et systématique, pour qui internet est un formidable champ de manœuvre, on finit par comprendre que ce sont eux qui complotent. Contre l’intelligence.«