Source : Grande Loge Traditionnelle Initiatique
La symbolique de la crèche
A quelques jours de la Saint Jean d’Hiver et de Noël beaucoup d’adultes et d’enfants ont fait leur crèche au pied du sapin. Pour beaucoup elle est un symbole chrétien, ce qui la rejette d’ailleurs de l’espace public. Mais quelle est-elle en réalité ? N’y a-t-il pas derrière les images un peu naïves et exotériques véhiculées par la religion, quelque chose de plus spirituel et universel ? Comme un témoin de la Grande Tradition ; comme un archétype, nous aurait dit Jung.
Penchons-nous un peu sur cette crèche, sur cette grotte, où tout ne pourrait être finalement que symbole.
SYMBOLISME DE LA CRECHE
Le mot « crèche » vient du latin « cripia » qui désigne la mangeoire, réceptacle dans lequel l’enfant Jésus aurait été déposé. Mais où ? Dans une étable, dans une grotte, peut-être une grotte aménagée en étable ? Sur les quatre évangélistes, seuls Luc et Matthieu évoquent la scène en disant que Marie « mit au monde son premier-né, l’enveloppa de langes et le coucha dans une crèche, parce qu’il n’y avait pas de place pour eux dans l’hôtellerie. » (Matthieu). De son côté, Luc évoque une étable à Bethléem.
C’est dans les évangiles apocryphes entre le 2ème et le 4ème siècle qu’on va évoquer une grotte.
Les représentations de la naissance de l’Enfant-Jésus, avec ses bergers et ses Rois Mages, datent bien des débuts de l’ère chrétienne ; on trouve des sarcophages du ive siècle ornés de ces scènes.
On trouve trace de l’âne et du bœuf dans l’évangile du Pseudo‑Matthieu (premier quart du viie siècle) dit « l’évangile de l’enfance ».
On peut penser qu’il y a une réalité dans cette représentation de la nativité ainsi évoquée dès les premiers temps. Ce n’est pas en tout cas une invention du Moyen-Age. Bien sûr il reprendra et perpétuera ce thème qui devait sûrement parler aux paysans. La cathédrale de Chartres pour ne citer qu’elle possède des sculptures et des vitraux de la nativité.
A moins qu’au lieu de parler de réalité de la nativité on pense que les apocryphes l’évoquent en termes de symbole pour voiler la connaissance ?
Réalité ou pas, mise en scène ou pas, la nativité a une portée indéniablement symbolique et de continuité de la Tradition.
Le Moyen-Age quant à lui, empreint de superstitions et de la prégnance encore forte des traditions polythéistes, allait mettre en scène la Nativité dans les églises et sur leurs parvis où la population pouvait allègrement mélanger la parole de l’Eglise et ses plus ancestrales croyances. On raconte que ce soir-là, les animaux des étables pouvaient parler ou que le foin de la crèche guérissait. Les jeux théâtraux ont parfois perduré jusqu’au XIXème siècle. Plus tard on remplacera tout ceci par des crèches avec figurines et des chants de Noël.
Mais quoi qu’il en soit la Nativité est le symbole perpétué de la renaissance de la lumière le 25 décembre, 4 jours après le solstice d’hiver. Peut être même la crèche garde-t-elle d’autres symboles.
Les douze coups de minuit viennent de sonner. L’Enfant-Dieu repose entre Marie la Reine du Ciel et de la Terre et Joseph, « le Charpentier ». L’Homme et la Femme, le Masculin et le Féminin sont ainsi réunis autour d’un creuset où repose un Christ, un Christos, un Cristal, une pierre ou un œuf philosophal.
Cette mangeoire qu’elle ait existé ou non ne serait-elle pas d’abord un symbole alchimique ?
La crèche : l’athanor alchimique ?
Ce sont les Rois Mages qui vont nous faire entrer au laboratoire alchimique. Venus d’Orient en suivant l’étoile (Cf. Matthieu), leur nombre a été fixé à trois au cours des siècles pour se caler sur le nombre de présents offerts d’après l’Évangile : l’or, l’encens et la myrrhe. On les voit eux aussi sur des représentations des 1ers siècles (sarcophage d’Arles) : l’Enfant est au centre dans un berceau, la Vierge assise près de lui sur la gauche, l’âne et le bœuf derrière le berceau et sur la droite, debout, un berger. Au niveau inférieur, les trois mages sont habillés parfois comme des Perses et portent en tout cas des noms perses : Melchior, Gaspard et Balthazar. Parfois ils sont représentés comme les trois âges de la vie. Mais la constante principale est de les représenter comme venant des trois continents connus (l’Europe, l’Afrique et l’Asie) ; c’est ainsi qu’ils sont de trois couleurs différentes selon leur continent d’origine : un blanc, un rouge ou jaune et un noir.
Mais ces trois couleurs sont aussi et surtout celles de la réalisation alchimique du Grand Œuvre.
Les Rois Mages sont en effet de la couleur des trois Grandes étapes de transformation de l’Œuvre alchimique durant laquelle l’opérant tente de séparer le soufre du mercure depuis la materia prima. Si l’on voulait résumer ces étapes on pourrait les qualifier ainsi :
- L’œuvre au noir : la première étape est celle de la mort et de la décomposition, la dissolution du mercure et la coagulation du soufre.
Cette décomposition est suivie par une recomposition consistant en une union des deux polarités féminine et masculine ; c’est une histoire là aussi de mort et de résurrection !
- L’Œuvre au blanc : purification, élimination des scories, ce deuxième stade est symbolisé par la lune. Jung dit que l’ensemble des couleurs (symbole de la queue du paon) conduit à une couleur unique, le blanc qui contient toutes les couleurs.
Ici se termine le petit œuvre, la « spiritualisation du corps ».
- L’Œuvre au rouge : Passant d’abord par le jaune, associée au soleil et à l’illumination, il y a union du mercure et du soufre. L’alchimiste obtiendrait l’or alchimique…
Le rouge et le blanc, le soleil masculin et la lune féminine, peuvent, au moment où le feu atteint son acmé, célébrer leurs noces chymiques.
“Il est l’âme du monde qui met le Tout en mouvement et qui soutient le Tout. Sous sa forme terrestre primitive il est impur. Mais il se purifie progressivement au cours de son ascension dans les formes aquatiques, aériennes et ignées. Dans la quintessence enfin, il apparaît en son “corps clarifié”. Cet esprit est le secret qui fut caché depuis les origines.” Jung |
Les Trois Mages
alchimiques nous rappellent ainsi que le Christ qui rayonne dans sa mangeoire est la réalisation alchimique, celle que nous devons réaliser en nous puisque notre but est cette réalisation du divin intérieur. La crèche c’est aussi notre grotte, notre temple intérieur, et nous avons à réaliser la divinité comme si nous réalisions l’Anthropos des gnostiques, l’image primitive de l’homme parfait, androgyne, instruit par la gnose et ayant réalisé son unité.
LA CRECHE ROYALE
Les Rois Mages ont offert à l’enfant Jésus de l’or, de l’encens et de la myrrhe car le Christ est à la fois messie, prêtre et roi du royaume intérieur et extérieur.
L’or est symbole de richesse et d’abondance, de la royauté et du pouvoir temporel, l’aspect social, EXTERIEUR.
L’encens est symbole de la divinité, de contact avec le ciel par les volutes qui montent ; c’est le côté spirituel, le prêtre, l’INTERIEUR.
La myrrhe, symbole de la passion et l’amour donc de la vie pour son parfum représente aussi la mort car elle sert à l’embaumement des morts. Chez les Juifs elle est aussi l’un des principaux composants d’une huile d’onction sainte, c’est pourquoi elle est aussi offerte à l’Enfant. En cela elle annonce et représente la résurrection et l’éternité du Christ.
Nos rois Mages sont passés à la postérité au point de les inscrire dans la voûte céleste. Dans la constellation d’Orion, trois étoiles forment le « Baudrier d’Orion », aussi appelé « les Trois Rois » qui, selon la tradition populaire, représentent les Trois Rois Mages.
Alors puisque que comme ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, levons enfin la tête pour observer le ciel le jour de cette Nativité royale alchimique.
Le ciel au-dessus de la crèche
Une hypothèse avance que les Rois mages auraient été des astronomes babyloniens, à une époque où cette science est florissante en Mésopotamie et influe beaucoup sur les prises de décisions aussi bien publiques que familiales. Et l’on sait que nos mages ont suivi une étoile très brillante qui les a menés jusqu’à la mangeoire royale.
Il faut regarder la scène de la nativité et de la crèche comme une allégorie astronomique et astrologique.
Ce qui est en haut étant comme ce qui est en bas, la crèche est donc une carte du ciel le jour du 25 décembre (jour où le Soleil renaît après le solstice du 21).
« Le moment de la naissance est arrivé. Les puissances supérieures après avoir formé en nous par l’esprit de la conception de notre fils spirituel, ont décrété selon leur sagesse que le moment est venu de lui donner le jour. Nous allons donc sortir de ces abîmes dans lesquels nous avons séjourné, dans lesquels, le saint par excellence n’a pas craint de descendre tous les jours pour en arracher les victimes, et pour libérer les esclaves ; nous allons recevoir dans la nouvelle atmosphère où nous arrivons, des affections plus vives et plus douces que celles de cette région ténébreuse d’où nous sortons et qui dès lors est censée morte pour nous. »Louis-Claude de St-Martin, « Le Nouvel Homme » |
Ainsi, autour du Soleil (Jésus), se rassemblent dans une conjonction les constellations de la Vierge, des ânes (le Cancer) et du Taureau. La Vierge, un âne et un bœuf, sous l’œil d’un charpentier : un grand architecte ?
L’époque est empreinte d’astronomie et d’astrologie et on est en présence de mages astrologues ; ces données ne sont donc pas à négliger quand on sait que les évènements étaient annoncés et attendus avec des phénomènes célestes. Et on annonçait bien l’arrivée du Messie, roi des Juifs, dans des circonstances particulières. Sa venue devait être précédée par un lever héliaque de Jupiter (l’étoile des Rois dans l’astrologie gréco-romaine) et Saturne (l’étoile du Messie dans l’astrologie juive), dans le signe zodiacal de la « Maison des Hébreux ». Et cette prophétie se réalisa en l’an 7 avant notre ère, date probable de la réelle naissance de Jésus. Or ce lever héliaque et cette conjonction entre Jupiter et Saturne se fit dans la constellation…des poissons.
Ainsi s’ouvrait une nouvelle ère après celle du Taureau (bien visible en Egypte ou le bœuf Apis était l’emblème de Râ le Soleil), après celle du Bélier (le culte du Bélier Amon remplaça celui du taureau), venait celui du Poisson dont allait se parer la chrétienté.
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Mais ce qui est à retenir tout particulièrement c’est que cette année, c’est d’abord une grande conjonction, elle se déroule le jour du solstice (jour où les planètes sont le plus proches) et elle se déroule dans la constellation du VERSEAU. Ce qui fera dire bien sûr que c’est un signe du changement d’ère : après celle des Poissons vient l’Ere du Verseau.
En guise de conclusion
Chacun selon sa sensibilité croit ou ne croit pas. Pour Jésus il y a différents degrés de croyance. Personnellement je pense qu’on ne peut pas remettre en question son existence réelle, son passage sur Terre. L’homme a existé et il fut, c’est certain, un des grands éveillés comme le fut le Bouddha. L’autre niveau de croyance est sa résurrection qui tient de la religion et de la foi de chacun.
Quoi qu’il en soit, comme on l’a vu avec les symboliques de la crèche, il est certain que cette scène de la nativité, du masculin et féminin rassemblés autour d’un cristal qui se trouve au fond d’une grotte, s’inscrit dans la Grande Tradition qui se perpétue depuis « La nuit des Temps ».
Cette crèche est aussi un symbole que chacun peut méditer pour faire naître dans la grotte de notre intimité l’Enfant divin en nous. Ceci est l’éveil, la révélation et tout ce qu’elle emporte avec elle lorsqu’elle est réalisée.
Bien sûr, comme le chien accroché au mollet du Mat, comme Hérode cherchant à tuer l’enfant, bien des embûches se dresseront sur le chemin du cherchant qui se dirige vers la lumière qui renaît un 25 décembre illuminant une crèche ou un cœur dans lesquels cherche à se déployer l’unité.