LA RÉVOLUTION FRANÇAISE : UN COMPLOT MAÇONNIQUE ? est un dossier paru sur le site HEConomist – Le journal des étudiants HEC Lausanne :
out au long de l’Histoire, les théories du complot ont été développées pour dénigrer certains événements historiques importants comme les révolutions américaine, française et russe. Dans ce deuxième volet sera traitée la Révolution française.
Des Templiers aux attentats du 11 septembre, les francs-maçons furent associés à de nombreux évènements historiques, mais de tous, la Révolution française a été le plus souvent imaginé comme leur œuvre. Avec la fin de la monarchie absolue française, la Révolution a changé le monde, inspirant des mouvements révolutionnaires et étant précurseur d’idées comme les droits de l’Homme, les libertés fondamentales et la souveraineté des nations, avec la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Cet événement historique est-il donc un tournant pour l’humanité, ou serait-il en réalité la conséquence d’un complot des francs-maçons ?
LES ORIGINES DU COMPLOT
L’idée que la Révolution française soit un complot des francs-maçons n’est pas une idée nouvelle. Cette pensée existe déjà avant la fin de la Révolution-même, et l’on pourrait dire que c’est l’une des premières théories du complot de l’Histoire. Cette idée fut reprise par de nombreuses personnes à travers les siècles.
Ce sont notamment les auteurs catholiques qui lient la Révolution aux francs-maçons pour s’attaquer aux deux en même temps.
On considère souvent que le fondateur de cette théorie est le jésuite Augustin Barruel, qui défendait que la Révolution ait bien été planifiée par les francs-maçons, afin de détruire la monarchie et d’établir un nouvel ordre mondial. Selon cette thèse, la destruction de la monarchie, de la religion et de l’ordre social serait visée et un plan très précis pensé avec tous ses détails aurait été conçu bien avant la Révolution dans ce but. D’après Barruel, les francs-maçons auraient été infiltrés par un groupe nommé les Illuminés de Bavière, beaucoup plus discret, et qui aurait incité les loges françaises à comploter contre la monarchie. Cependant, cette thèse n’était à l’époque pas nouvelle : l’abbé Lefranc mentionnait déjà un « complot maçonnique » en 1792 dans ses textes.
La Révolution française a considérablement diminué le pouvoir de l’Eglise ; il n’est donc pas étonnant que des auteurs catholiques aient associé l’organisation de la Révolution à un groupe ayant pour principe le latitudinarisme, c’est-à-dire le libre choix de religion pour chacun. La franc-maçonnerie pouvait être facilement perçue comme hostile à la religion, et, en considérant la nature secrète de la franc-maçonnerie, elle devint ainsi un bouc-émissaire parfait pour discréditer la Révolution.
Au XIXe siècle, Louis Blanc reprend la théorie et établit un lien entre la franc-maçonnerie et la devise Liberté, Egalité, Fraternité. Au siècle suivant, Augustin Cochin continue sur ces idées, avec cette fois une approche plus sociologique.
En parallèle, les entourages franc-maçonniques, et notamment Gaston-Martin, ont également longtemps réclamé que la Révolution fût largement leur œuvre, en vue de s’attribuer ses mérites et afficher une image plus républicaine. Il est ainsi intéressant de noter que cette théorie complotiste ait été également reprise par les francs-maçons et les anti-maçons, tantôt pour attaquer, tantôt pour s’associer.
LES ÉLÉMENTS DE LA FRANC-MAÇONNERIE DANS LA RÉVOLUTION
Bien que les théories citées précédemment puissent paraître invraisemblables, elles ne sont néanmoins pas tout à fait déconnectées de la réalité. Vers la fin des années 1780, on compte environ mille loges actives en France, comprenant des personnalités pouvant être considérés comme clés de la Révolution.
Parmi ces personnes se trouve tout d’abord Mirabeau, qui fut l’un des leaders de la Révolution française (surtout vers ses débuts). Même si l’identité maçonnique de Mirabeau est parfois contestée, il affirme dans une lettre faire partie de la confrérie, et beaucoup s’accordent sur son appartenance à la loge de Neuf Sœurs.
Louis Philippe d’Orléans était député pendant la Révolution et a voté la mort de son cousin, le roi Louis XVI. Ce prince, aussi connu sous le nom du duc d’Orléans, était un franc-maçon avide, qui a servi la loge Grand Orient de France en tant que grand maître.
Commandant militaire de la Révolution, Choderlos de Laclos, dont l’appartenance à la loge L’Union est certaine aujourd’hui, atteint de hauts grades dans la franc-maçonnerie.
Quant à Lafayette, commandant de la Garde nationale jusqu’en 1792, qui a également participé à la révolution américaine et a pris part à la rédaction de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, est initié à la franc-maçonnerie à l’âge de 18 ans.
Rouget de L’Isle, compositeur de la Marseillaise, était également franc-maçon depuis 1784.
Le symbolisme maçonnique est par ailleurs présent dans la propagande révolutionnaire : on retrouve l’œil de la providence et l’équerre dans des pamphlets officiels de la Révolution.
LES CONTRE-ARGUMENTS
Les thèses complotistes ne restèrent pas sans réponse : Jean-Joseph Mounier, qui joua un rôle important au début de la Révolution, essaya de réfuter la thèse de Barruel.