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LA PORTE DU BOUT DU MONDE…

Très loin d’ici, il y a un royaume, traversé par un long chemin. Et au bout du chemin, il y a… devinez quoi ? Le bout du monde !

Un jour, le roi de ce royaume fait venir ses trois fils, Robin, Martin et Benjamin. Il leur dit :

– Mes chers enfants, je commence à devenir vieux, je veux laisser mon trône de roi à celui qui saura me dire ce qu’il y a au bout du monde.

Aussitôt Robin, le fils aîné part. Mais depuis qu’il est enfant, il est très méfiant; il se méfie des choses et des gens. Alors pour partir au bout du monde, il décide de s’entourer d’une superpuissante armée. Il avance très lentement, en regardant derrière, en regardant devant, quand tout à coup un arbre l’arrête.

L’arbre lui dit :

– Aîné du roi, là où tu vas, il fait froid. Tu auras besoin de bois pour faire du feu. Prends cette graine, elle t’en donnera. Mais Robin est très méfiant. Il se dit: « Une petite graine comme çà? Mais il faudra des années avant qu’elle donne du bois. A peine l’arbre est-il abattu que tout son bois a disparu. Il ne reste qu’un tas de cendres. Alors Robin continue d’avancer, entouré de toute son armée. Plus ils avancent, plus il fait froid. La terre est gelée sous leurs pieds et aussi loin qu’ils peuvent regarder, tout est blanc, presque transparent. Quand le fil aîné rentre au palais, il déclare :
– Au bout du monde, il y a un désert de froid qui n’en finit pas.

Le lendemain matin, c’est Martin, le fils cadet, qui doit partir au bout du monde. Mais depuis qu’il est tout petit, il est très peureux et c’est surtout quand il fait nuit que sa peur s’accroche à lui. Alors il dit :

– D’accord, je pars, mais je dois à tout prix être au bout du monde avant ce soir. Il attelle les mille chevaux les plus rapides du royaume et les fouettent pour qu’ils filent vite. Il les fouettent sans s’arrêter. Il traverse très vite le grand désert glacé et il arrive au bord d’une falaise. Au fond de la falaise, il aperçoit la nuit qui commence à monter. Un vieil oiseau s’approche en murmurant :
– Si tu veux trouver la lumière, il te faut plonger dans la nuit. Monte sur mon dos, je te guiderai. Mais Martin a trop peur, il n’écoute même pas. Il commence à fouetter ses chevaux pour rentrer au palais au galop. De retour chez son père, le fils cadet déclare :
– Au bout du monde, il y a un grand trou et ce trou est rempli de nuit.

Le lendemain matin, c’est au tour de Benjamin, le benjamin de partir. Il part tout seul, il est à pied. Il prend le temps de tout regarder. Quand il arrive au bord du grand désert glacé, il voit l’arbre réduit en cendres, mais il voit aussi la toute petite graine que son frère aîné a fait tomber. Alors il ramasse la graine, il creuse un petit trou et il la plante délicatement. Quand il a fini son travail, il s’endort d’un profond sommeil.

Quand Benjamin se réveille, il ne sait pas combien de temps il a dormi, mais un bel arbre a poussé. En coupant quelques branches, il peut faire un bon feu pour se réchauffer. Alors plein de courage, Benjamin reprend son chemin. Quand il arrive au bord de la falaise, le vieil oiseau l’attend pour lui proposer la même chose qu’à son frère aîné. Benjamin n’est pas rassuré, mais il monte sur son dos pour plonger avec lui dans la nuit. L’oiseau vole dans le soir, il avance sans rien voir, et petit à petit, il traverse la nuit. Ils arrivent enfin tout au bout de la nuit. Le vieil oiseau dépose Benjamin devant la porte du bout du monde. Quand la porte s’entrouvre, c’est beaucoup plus clair, beaucoup plus beau, beaucoup plus gai qu’un jour nouveau.

Benjamin a envie d’aller vers la clarté, mais il a promis au roi de venir pour tout lui raconter. Alors de retour au palais, il dit simplement à son père :

– Je n’ai jamais vu autant de lumière que de l’autre coté de la porte du bout du monde. Le vieux roi se lève et il dit :
– Le chemin de la méfiance mène au désert, le chemin de la peur mène à la nuit, le chemin de la confiance mène à la lumière. C’est le chemin de Benjamin que je préfère. C’est donc lui qui sera roi.

Contes pour petits et grands

A.S.:

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  • Merci pour cette contribution qui me renvoie à ce conte persan "Les Trois Princes de Serendip", à la sérendipité, un pas de côté bien avisé en quelque sorte.
    Il me semble important, pour connaître l'éveil et à la grâce du "Benjamin" en soi, d'expérimenter une certaine peur ( terreur et fascination de Ce qui nous dépasse, traversée des enfers... ) et d’exercer une méfiance permanente (dans le sens d'une vigilance permanente sur nos propres démons )...
    Bizzz varoises