Vous allez me dire que tous les trésors sont recherchés. C’est vrai, mais il est des trésors particulièrement rares. Des trésors que même l’imagination la plus fertile n’a pas osé inventer.
Ainsi par exemple, qui aurait pu imaginer qu’un sac de baisers inépuisable se trouvait là, juste à l’endroit où la petite fille un soir l’avait trouvé ? Dans quel endroit ? Mais dans le cœur, tout près de la tendresse et de la passion d’être d’une petite fille tout étonnée de sentir, un matin, ce trésor en elle.
Le jour où elle fit cette découverte, elle fut transportée par une grande joie, si vivante qu’elle aurait pu se croire immortelle. Elle se sentait généreuse et se voyait immensément donnante.
Pensez donc, un sac de baisers inépuisables ! Des baisers qui peuvent se renouveler sans cesse. L’un appelant l’autre, l’autre donnant le goût du suivant, le suivant se précipitant pour s’offrir et ouvrir ainsi plus d’espace à tous les baisers à naître, lesquels se bousculaient les uns derrière les autres, impatients d’exister.
Je vous vois songeur. Oui, il faudrait que je vous parle quand même un peu de la vie d’un baiser.
Pour cela j’ai besoin de choisir mes mots. Qu’est-ce qu’un baiser ?
Un souffle, une douceur légèrement humide, la palpitation de deux lèvres, un élan de tendresse ou d’amour déposé au coin d’une joue, d’une lèvre ou même sur tout le corps de l’autre.
Un instant arrêté aussi éphémère que la rosée d’une émotion.
Un baiser, c’est comme le clin d’œil d’une étoile dans l’immensité du cosmos. C’est bon comme la mie d’un pain doré par l’amour.
Aussi la vie d’un baiser est-elle très courte, même si chaque baiser paraît contenir chaque fois une part d’éternité. C’est pour cela d’ailleurs qu’une vie entière ne suffirait pas pour décrire l’existence d’un baiser. Entre toutes les ouvertures et les possibles qu’il recèle, un baiser est une tranche d’infini qui va relier deux êtres pour les réconcilier avec le meilleur d’eux-mêmes.
J’ai dit deux êtres ?
Oui, car j’arrive au plus difficile. Un baiser porté, tel un éclat de lumière déposé, doit pour s’accomplir être reçu, amplifié.
Je ne sais si je peux continuer à vous décrire tant de béatitudes, car déjà vous pouvez imaginer tous les drames, toutes les déceptions et les frustrations au-delà des émerveillements possibles, quand vous passez à côté d’un baiser.
La petite fille avait donc trouvé un sac de baisers inépuisables, certes, mais qui peut accueillir l’inépuisable ? Qui peut accueillir, s’ouvrir, s’agrandir pour recevoir l’abondance, la générosité infinie d’un tel trésor ?
Ce que ne savait pas cette petite fille, c’est qu’elle allait passer une partie de sa vie à rechercher quelqu’un qui aurait aussi découvert en lui un trésor semblable.
Si vous connaissez celui ou celle qui pourrait avoir fait cette découverte, n’hésitez pas, avertissez-la d’urgence. Mais peut-être allez-vous garder cette découverte pour vous !
Ainsi va le monde. Beaucoup d’entre nous, plus qu’on ne l’imagine, découvrent des trésors, en oubliant que la qualité première d’un trésor est de pouvoir être partagé. C’est cela le plus difficile. Mais quand on sait qu’un tel trésor s’agrandit en se partageant, peut-être est-ce moins difficile.
Jacques Salomé