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LA PESTE CORDINITEUSE

J Y M, un lecteur de GADLU.INFO avait publié dans un commentaire ce texte « humoristique« , en indiquant :

  • « Voici une pastiche de Jean de la Fontaine. Toute ressemblance avec le texte de l’auteur d’origine est voulu et n’a d’autre but que d’exciter« 

Je le retranscris aujourd’hui dans un article à part entière !


LA PESTE CORDONITEUSE

Un mal qui répand la terreur

Que l’Architecte en sa fureur

Inventa pour punir les crimes de la terre

La cordonite étant son nom,

Dans le temple de Salomon

Faisait aux Francs-Maçons, la guerre.

N’y succombant pas tous, tous en étaient frappés

Et l’on n’en voyait plus, de vraiment occupés

A rédiger de planche, ou à toute autre envie,

Même le Ri-tu-el n’exitait plus leur vie.

Il semblait que chacun s’égarait sur la voie

En n’ayant plus d’amour, et partant plus de joie,

Le Grand Maître – en conseil – déclara « mes amis,

Je crois que le ciel a permis

Pour nos péchés cette infortune

Que le plus coupable de nous

Se sacrifie aux traits du Céleste courroux

Peut-être obtiendra-t-il, la guérison commune.

L’histoire nous apprend qu’en de tels accidents

On fait de pareils dévouements,

Ne nous flattons donc point, voyons sans indulgence,

Mais par ordre de préséance

En respectant toute allégeance,

L’état de notre conscience

Pour moi, satisfaisant mes appétits de Gloire

Dans un poste, il est vrai tout à fait provisoire,

Je me suis revêtu de mon beau sautoir blanc

Et de mon tablier, brodé d’or et d’argent,

Allant de-ci, de-là, jouer à la vedette

>Y compris chez ceux de « Condorcet-Brosolette »

Il se peut qu’en ces faits réside mon offense

Je me dévouerais donc, s’il le faut, mais je pense

Qu’il est bon que chacun s’accuse, ainsi que moi,

Car on doit souhaiter, selon toute justice,

Que le plus coupable périsse ».

Très respectable Ami, vous êtes trop bon roi, dit le Grand Chancelier,

« Vos scrupules font voir trop de délicatesse

N’allez donc pas vous humilier.

Vous visitâtes tant de sotte espèce

de petits maçons de Province,

Vous êtres leur Prince,

Allant de leurs travaux jusqu’à faire l’éloge,

Et dans leur propre Loge

Est-ce un péché ? Mais non, vous leur fîtes Seigneur,

Au contraire, à chacun, infiniment d’Honneur »

« Ou bien », – dit le Grand Chancelier –

« Je vais, dans mon propre atelier,

M’accuser d’être aussi, un Cor-do-ni-to-mane,

Moi, qui depuis longtemps, de Brusselles à Lausanne

Transporte mes décors

En argent et en or »

Mais non, dit le Grand Secrétaire,

« Le coupable, c’est moi, voilà mon affaire :

Oui je suis un cordoniteux,

Sans être pourtant vaniteux,

Car en tant qu’inspecteur de nombreux ateliers

Je me dois de venir, revêtu du collier

De ma haute fonction

Mais sans ostentation. »

Ainsi, dit le Cher Frère, et les flatteurs d’applaudir

On n’osa trop approfondir.

Le Conseil Fédéral, tout entier, défila,

Avec cordons, sautoirs et autre falbalas

Le jury fraternel acquitta

Tous les Grands Officiers

Ne retenant contre eux, pas le moindre Iota,

Se comportant ainsi, en parfait justicier.

Ce fut alors le tour des Frères Vénérables

Et chacun, de son mieux, fit amende honorable

« C’est vrai – dit l’un – J’ai cherché les cordons,

Les honneurs même, les présidences,

J’en demande aujourd’hui dix mille fois pardon

En mesurant, hélas, mon degré d’impudence »

« C’est vrai -dit l’autre aussi –

Longtemps sur ma colonne, assis,

J’ai lorgné bien souvent

Sur le premier maillet

Et le fauteuil douillet

Qui se trouve au Levant »

Et je fais, aujourd’hui, devant vous, mille excuses

Car je sais maintenant, combien le pouvoir use »

« Assez, cela suffit – dit le Grand Maître – Enfin

Vous avez fait votre devoir

Et n’avez pas pu décevoir.

Mais nous ne pouvons pas, rester sur notre faim,

Il nous faut trouver un coupable

Dont le délit soit tout à fait indiscutable

Qu’on s’informe un peu mieux par devers ma maîtrise

Car c’est peut-être là, qu’il faut chercher traîtrise ».

Alors un vieux maçon, blanchi sous le cordon

S’approcha de la barre et demanda pardon

De porter dans le Temple un tablier brodé

Et partout frangé d’or, bien qu’un peu trop fripé.

 » J’a i- dit-il un grand tort, devenu vieille cruche

De m’accrocher encore à cette fanfreluche  »

 » Mais non – dit le très cher, très cher, Grand Trésorier –

Tu as bien mérité ce joli tablier

Cinquante ans de travail et de capitations

T’ont largement valu cette décoration »

Un maçon ,Maître

Dit  » J’ai été encouragé

Par quelques-uns, à postuler

Dans les Ateliers Supérieurs

Et j’en ai fréquenté plusieurs

Je me dois de me dévoiler.

J’ai travaillé en perfection

Puis en amour, puis en action,

J’ai porté différents sautoirs :

Bleu, puis pourpre, et rouge et puis noir,

Et maintenant j’en porte un : blanc,

Cela peut paraître troublant ?  »

« Mais non – dit le Grand Orateur –

Tu nous fais beaucoup trop d’honneur.

En apportant au sein de ton Atelier Bleu

Des notions de Sanscrit, de Chinois… et d’Hebreu ».

 » La Maîtrise est blanchie, affirma le Grand Maître

Mais il y a un coupable, et qu’il nous faut connaître.

Les premiers surveillants les trouvent bien mignons

Adressons-nous, alors aux frères Compagnons.

Dans une vieille, et grave, et symbolique affaire

Déjà sur ce degré pesaient bien des soupçons

Qui attristent toujours les Maîtres Francs-Maçons

Quand l’un passe au compas, en délaissant l’Equerre »

 » J’avoue très humblement – dit un Compagnon sage –

Avoir, peut-être à tort, présumé de mon âge

En faisant coudre, ici, sur mon tablier blanc

Une bordure rouge, et puis dans mon élan

De l’avoir ouvragé

Avec la lettre G »

 » Broutille que cela – dit le Très Respectable –

Certes, vous avez fait le pitre

En vous croyant dans un chapitre,

Mais ce qu’il nous faut, c’est un véritable coupable.

Tournons-nous vers les apprentis

Qui sont, paraît-il, si gentils

Mais leur apparente innocence

Peut camoufler leur délinquance

Qu’on fasse donc venir ici

Le plus jeune de ces petits

En le plaçant rituellement

Au garde à vous, face à l’orient ».

Le tout dernier des initiés

Fut donc à la fête associé

Impressionné devant un tel Aréopage

Grelottant de frayeur, la sueur au visage,

Le petit apprenti

Se mit à l’ordre et dit :

 » Je crois bien franchement que c’est moi, le coupable.

C’était pour la Saint-Jean , ou d’Eté, ou d’Hiver,

En tous cas j’en suis sûr, pour des travaux de table

Avec le Grand Architecte de l’Univers

Je me suis revêtu d’un beau cordon de Maître

Qu’en ce jour de festin je croyais pouvoir mettre

Mais, il portait, c’est vrai, l’équerre et le compas

J’avoue bien humblement que je ne savais pas

Qu’il s’agissait pour moi de simple tolérance

E je mérite ici, beaucoup de remontrances ».

Un silence pesant glacé

Suivit ce propos insensé.

Puis très solennellement

Comme pour un enterrement

L’Orateur se leva et dit d’une voix forte

« Chers Amis, que le Grand Architecte m’emporte

– Et que ce soit inscrit dans le procès….verbal,

Si nous n’avons pas là, le coupable idéal.

N’ayant pas vu l’Etoile, ignorant l’Acacia,

Ne sachant pas qu’il n’est, pour l’instant, qu’un paria

Cet Apprenti s’excite et voudrait parader

Et pourquoi pas ? Parler, au lieu que d’É – PE – LER

Ainsi le prescrit notre cher catéchisme

Où allez-vous mon Frère ? Est-ce là nouveau schisme ? »

A ces mots on cria HARO sur l’apprenti

Et chacun déclara, refusant son parti,

Qu’il fallait sacrifier ce maudit animal

Ce pelé, ce galeux, d’où venait tout le mal,

Sa peccadille fut jugée un cas pendable,

Se déguiser ainsi, quel crime abominable

Seule la radiation était vraiment capable

D’expier son forfait : on le lui fit bien voir.

Selon que vous serez puissant ou misérable

Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.

C’est la dure loi, archaïque;

Celle du pavé mosaïque.

A.S.: