La Révolution avait vu le nombre de loges chuter de façon vertigineuse, mais Napoléon favorisa la renaissance de l’institution tout en la contrôlant.
Les loges carcassonnaises, mises en sommeil pendant une quinzaine d’années, réapparaissent à partir de 1805 avec la réunion de Saint-Jean de l’Amitié et des Commandeurs, suivie deux ans plus tard par la naissance d’une loge Napoléon qui se réunissait dans les dépendances du bastion Montmorency, lesquels possèdent encore des vestiges de cette époque.
« Carcassonne. La Franc-Maçonnerie sous l’aigle impérial (1805-1815) » – un article de La Dépêche du 30 octobre 2022
On constate peu de différences avec la période qui avait précédé 1789 : absence de discussion, tandis que se succèdent initiations, élévations de grades, réceptions de visiteurs. Les frères carcassonnais manifestaient le même respect envers le pouvoir impérial qu’ils avaient eu envers la royauté, en évoquant « Napoléon sauveur de la France… le héros qui nous gouverne », et ce d’autant plus facilement que les préfets Barante et Trouvé étaient des leurs. De nombreux maçons sont très actifs dans la vie politique puisque Thoron de Lamée ou Georges Degrand furent successivement maires de la ville.
Sociologie des ateliers
Pour l’ensemble de la période, on décompte à Carcassonne 251 frères dont 108 dans la loge Napoléon, 91 en totalisant les deux loges fusionnées en 1805, plus 52 affiliés à la Persévérance. Au demeurant, l’Orient local semble avoir synthétisé l’expérience des frères initiés avant la Révolution avec l’apport des nouveaux ateliers.
L’étude du recrutement de cette époque montre que les nobles (26 %) sont toujours en tête grâce aux militaires, suivis par les négociants qui se maintiennent à 15 %. Il y a cependant un glissement vers les rentiers et propriétaires, dont des exemples bien connus sont les familles Rolland et Airolles, qui ont délaissé la draperie pour la terre. Les hommes de loi sont en régression, tout comme les boutiquiers et les artisans, à la différence des professions intellectuelles et artistiques. Un trait important est la disparition des ecclésiastiques, l’appartenance à l’Art royal paraissant désormais incompatible avec leur état. Ces différentes catégories sociales ne se mélangent pas toujours : si les militaires sont nombreux dans la loge Napoléon, les Commandeurs et Saint-Jean de l’Amitié concentrent richesse et pouvoir, avec des personnalités comme Jean-Pierre Rolland-Fourtou ou les préfets Barante et Trouvé, ce dernier restant en poste tout au long de la période impériale.
Avec le déclin de l’Empire, des temps difficiles commencèrent pour cette maçonnerie « protégée », et les loges se mirent en sommeil dans l’Aude comme dans toute la France. Mais le nouveau départ qui aura lieu au XIXe siècle fera la preuve qu’au-delà de leur implication dans la gestion des choses matérielles, les maçons recherchaient la vérité lors de leur initiation, puis dans leur progression sur l’échelle des différents grades, la période 1789-1799 apparaissant plus comme une parenthèse qu’une rupture dans la vie des loges carcassonnaises.
Marcoul (N.), La Franc-maçonnerie dans l’Aude des origines à 1815, Bull. Sesa, 1993. Tirand (P.), Loges et francs-maçons audois, 1757-1946, C.P.C.C, 2002.