Midi Libre a publié pas moins de 4 artciles sur la Franc-maçonnerie à l’occasion de 33 ans d’existance de l’atelier nîmois Arche de paix appartenant à la Grande loge de France :
Le Gard, terre protestante et berceau de la franc-maçonnerie, sort de l’ombre
Être franc-maçon : « Sensible à l’amélioration de la condition humaine »
Francs-maçons : l’écho tonitruant provoqué par l’affaire Pradille à Nîmes
Francs-maçons : l’ancien maire de Nîmes, Jean Bousquet et la vengeance des frère
Le Gard, terre protestante et berceau de la franc-maçonnerie, sort de l’ombre
Depuis que les protestants persécutés ont trouvé un refuge dans les loges, la franc-maçonnerie constitue un solide repère dans le Gard qui abrite aujourd’hui les principales obédiences. Au sein de ce monde mystérieux, le meilleur, les idéaux d’égalité et de fraternité, a parfois côtoyé le pire des dérives affairistes. Plongée dans cette société très discrète, objet de fantasmes, de rumeurs et d’idées reçues qui intrigue et fascine. l’heure où les hiérarques de la Grande Loge de France de Nîmes jouent la transparence dans une conférence ouverte à tous.
Le Gard est une terre maçonnique. Et cela depuis déjà de nombreuses décennies. Si aujourd’hui, on estime à près d’un millier le nombre de frères – et de sœurs ! – sur la seule ville de Nîmes, il fut un temps où les adeptes de cette société discrète plus que secrète furent bien moins nombreux mais pour autant leur influence fut prééminente dans l’histoire de la franc-maçonnerie moderne.PUBLICITÉ
Cette influence débuta au XVIIIe siècle à la création de la franc-maçonnerie dite spéculative, celle que d’aucuns qualifient aujourd’hui d’héritière de la franc-maçonnerie opérative créée par les bâtisseurs médiévaux.
Cette franc-maçonnerie née en Écosse et développée en Angleterre au travers notamment la rédaction en 1723 des Constitutions d’Anderson à laquelle participe entre autres le huguenot français Désaguliers, chassé de France à la Révocation et devenu pasteur de l’Église anglicane, trouve écho dans le Gard. Bien qu’elle ne soit pas chrétienne, elle attire de nombreux protestants qui y trouvent « un abri dans un lieu de sociabilité et de réflexion, tout en conservant leur foi et leur identité », souligne Daniel-Jean Valade, franc-maçon et élu à la Ville de Nîmes. Résultat : durant plus d’un siècle, dans les loges nîmoises, les protestants seront très majoritaires.
Ces personnages éminents qui ont marqué l’histoire
La franc-maçonnerie gardoise est ponctuée de personnages célèbres qui ont marqué l’histoire : le révolutionnaire protestant Rabaud Saint-Etienne, très actif dans les débats portant sur la déclaration des Droits de l’homme ; l’avocat Adolphe Crémieux, ministre de la IIe République, auteur du décret qui donna la nationalité française aux juifs d’Algérie ; le journaliste Bernard Lazare, lorsqu’éclate l’affaire Dreyfus, est sollicité par Mathieu Dreyfus pour contribuer à faire éclater l’innocence de son frère. Enfin un héros, modeste Nîmois qui tient à l’anonymat, a fait partie pendant la dernière guerre de l’escadron de chasse Normandie-Niemen. À la Libération, il fut l’un des fondateurs à Nîmes de Paix et Liberté, la première loge de la Grande Loge de France.
Desmons, l’influenceur !
Parmi les premières figures marquantes, on trouve dans le Gard, qui durant de longues années ne connut que le Grand Orient de France comme obédience maçonnique, le Nîmois Henri Guizot, ministre de l’Instruction publique et membre de l’Académie française, qui, selon toutes vraisemblances, fit un passage par la franc-maçonnerie dans sa jeunesse sans pour autant y jouer d’une influence particulière.
Ce qui n’est pas le cas, en revanche, d’un autre Nîmois, Antoine Court de Gebelin. « Fils de pasteur, cet écrivain et professeur de théologie est le fondateur notamment du Séminaire français de Lausanne qui abritera entre autres durant plusieurs années les trois fils de Rabaud Saint-Etienne », précise Daniel-Jean Valade. Pour l’anecdote, on retiendra que cet érudit, reconnu par les maçonnologues comme un franc-maçon ayant grandement contribué à la connaissance de la maçonnerie symbolique et philosophique, fut un membre très actif de la loge Les neuf sœurs qui initia entre autres Voltaire.
Le Gard abrite quatre principales obédiences
Le pasteur Frédéric Desmons, né à Brignon et considéré comme l’un des chefs de file des protestants libéraux, devient, lui, grand maître du Grand Orient de France en 1887. « Il fut un temps pasteur à Vézénobres puis à Saint-Geniès-de-Malgoirès et président du consistoire de Saint-Chaptes », indique Daniel-Jean Valade.
Initié à Nîmes en mars 1863, il fit également une carrière politique exemplaire, élu tour à tour conseiller général, député et sénateur gardois. Son nom restera gravé dans l’histoire de la franc-maçonnerie pour avoir été celui qui introduisit la liberté absolue de conscience dans l’article Ier de la constitution du Grand Orient de France, transformant ainsi celui-ci en une institution pluraliste, laïque, intellectuelle et républicaine. Ce qui eu pour effet immédiat de voir apparaître les premières scissions au sein du Grand Orient et dans la foulée la création de nouvelles loges à la symbolique souvent religieuse.
À ce titre, on notera qu’aujourd’hui, le Gard abrite, entre autres, les quatre principales obédiences que sont le Grand Orient de France, la Grande loge de France, la Grande loge nationale française et la Fédération du droit humain.
La Lozère dans la dynamique maçonnique
Chez nos voisins lozériens, la franc-maçonnerie connaît également depuis quelques années un certain engouement. En effet, cela fait maintenant une cinquantaine d’années que le département le moins peuplé de France voit le nombre de francs-maçons augmenter chaque année avec aujourd’hui plus d’une centaine de membres répartis dans plusieurs loges parmi lesquelles, entre autres, le Grand Orient de France, la Grande loge nationale française, la Grande loge de France…
Une loge féminine
Mais la plus ancienne des obédiences, à l’instar du Gard, est le Grand Orient de France qui a largement participé, au début du siècle dernier, à la mise en place sur le département de l’école laïque et publique. Le Grand Orient compte actuellement deux loges en Lozère : à Mende et à Florac. On notera dans le même temps que la loge mixte Espoir laïque, qui a fondé notamment l’observatoire de la laïcité, est installée à Mende depuis le tout début des années 70. En 2013, après plus de quatre-vingt-dix ans de mise en sommeil, l’Union lozérienne, loge uniquement masculine, a été réactivée à Florac de façon à rayonner sur les causses et les Cévennes. Fort de cette dynamique, il y a tout juste cinq ans a été créée, à Florac, la première loge maçonnique féminine en Lozère avec la Grande loge féminine de France Hannah Arendt qui compte aujourd’hui une dizaine de loges en France.
Être franc-maçon : « Sensible à l’amélioration de la condition humaine »
L’atelier nîmois Arche de paix appartenant à la Grande loge de France (GLF) fête cette année ses trente-trois ans d’existence.
À cette occasion, les responsables ont décidé d’organiser une conférence publique ouverte à tous. « Le but est de permettre à ceux qui le souhaitent de venir découvrir l’univers de la franc-maçonnerie et de répondre aux questions qu’ils peuvent éventuellement se poser », explique Robert-Antoine Serna, membre de la GLF et ancien directeur général des services de la Ville de Dunkerque.PUBLICITÉ
Il s’agit là avant tout d’une volonté de communiquer le plus largement possible car « on nous a trop souvent reproché d’être refermés sur nous-mêmes », souligne Éric, également adhérent à la loge nîmoise. Une ouverture au public qui peut s’accompagner également d’une invitation à adhérer car « nous avons été éprouvés par la crise sanitaire. Cela nous a empêchés de nous réunir et a entraîné une légère baisse des effectifs ».
Spiritualité laïque
Mais quel profil faut-il avoir pour adhérer à une loge ? « On rentre en franc-maçonnerie avant tout parce qu’on se questionne sur sa propre existence, mais aussi parce qu’on est sensible à l’humanisme et à l’amélioration de la condition humaine », assure Éric.
Pour autant, l’image que renvoie aujourd’hui la franc-maçonnerie est souvent celle de l’entresoi, du réseau et parfois même du favoritisme. « On rentre rarement en franc-maçonnerie à vingt ans. Autrement dit, quand on y adhère, nos vies professionnelles sont déjà faites et on n’a pas besoin d’avoir de privilèges. En revanche, la franc-maçonnerie permet de tisser des liens et d’avoir un réseau sans en attendre rien en retour ! »
Notons que l’entrée dans une loge se fait par cooptation et nécessite une enquête de personnalité et de moralité exigeante. Mais qu’en est-il de l’image élitiste que souvent renvoie la franc-maçonnerie ? « C’est une fausse image, déclare Robert-Antoine Serna. Dans notre atelier par exemple, on trouve des frères qui viennent de tous horizons professionnels. Ce qui nous unit, c’est avant tout la recherche commune vers un besoin de spiritualité laïque… mais cela n’empêche pas de parler religion ! » En effet, si la GLF n’a pas de dogme, elle ne s’immisce, en revanche, dans aucune controverse concernant des questions religieuses.
Pas de politique !
En va-t-il de même pour la politique ? « Comme pour la religion, la controverse politique n’a pas sa place au sein de la GLF qui est une institution démocratique et qui ne prend aucune position dans le débat politique. Cependant, chaque franc-maçon est libre de participer activement à la vie politique à titre individuel. «
Francs-maçons : l’écho tonitruant provoqué par l’affaire Pradille à Nîmes
Il y a près de trente ans, une affaire de corruption secoue le Grand Orient de Nîmes.
Il faut certes se garder de tout amalgame. Mais on retrouve régulièrement des « frères » dans des scandales politico-financiers. Nîmes n’est pas en reste. En 1994, deux ateliers maçonniques du Grand Orient, Écho 1 et Écho 2, sont plongés dans la tourmente judiciaire. Un rapport de la chambre régionale des comptes étrille la gestion catastrophique de l’office départemental des HLM, présidé par le sénateur-maire (PS) de Sauve, Claude Pradille, membre éminent de la loge.
Charitable avec l’argent du logement social, l’élu gardois s’est fait creuser une piscine dans sa propriété de Sauve. L’office a passé un contrat fantoche de plus de 1 million de francs avec la société informatique de son beau-frère, par ailleurs vénérable (chef) de la loge Écho 2. Les terrains à bâtir d’un autre frère, patron d’une entreprise de construction, ont été achetés à prix d’or.
Également membre du Grand Orient, un promoteur obtient, lui, une partie de l’important programme immobilier Nîmes Ville active. Celui-ci, pour se concilier les bonnes grâces du conseil général, invite généreusement son vice-président, Claude Pradille, son beau-frère et quelques autres frères chasseurs à des safaris africains. Tout ce petit monde tire le buffle en Tanzanie et au Zimbabwe.
Grande mansuétude
Les mises en examen tombent comme à Gravelotte : « détournement », « corruption », « recel d’abus de biens sociaux ». Fait rarissime, des enquêteurs perquisitionnent dans le temple nîmois de la rue du Cirque-Romain où, à l’évidence, on ne dissertait pas uniquement sur l’avenir des valeurs républicaines. Et où les agapes (repas) qui suivent sont parfois l’occasion d’évoquer certains marchés publics.
Le conseil national du Grand Orient fait le ménage. Des exclusions sont prononcées. Le président socialiste du conseil général, Alain Journet, mis en examen dans le dossier HLM, est touché. L’ordre a aussi eu l’intention de se séparer du député (République et Liberté) Gilbert Baumet, ancien président du département, visé aussi par l’ouverture d’une information judiciaire. « J’ai quitté la franc-maçonnerie car ce n’était pas ce que je croyais », préfère-t-il déclarer aujourd’hui.
L’ancien sénateur, Claude Pradille, eu égard aux états de service de son père qui fut un très haut dignitaire maçon, ne sera suspendu que provisoirement par le jury fraternel. Peu de temps après sa sortie de prison en 1999, il est réintégré dans la loge Écho 1, à la faveur du parrainage de l’ancien président du conseil d’administration de la Sécurité sociale, un influent syndicaliste FO et de son frère, Pierre Pradille. À l’époque cette grande mansuétude fait grincer des dents, à Nîmes comme à Paris.
Francs-maçons : l’ancien maire de Nîmes, Jean Bousquet et la vengeance des frères
L’ancien maire de Nîmes, Jean Bousquet, a eu maille à partir avec deux pontes de la GLNF.