Entretien du Journal LA NOUVELLE REPUBLIQUE avec Georges SERIGNAC, Grand Maître du Grand Orient de France (GODF) de passage à Chinon (Indre-et-Loire) dans le cadre d’un colloque, le patron des francs-maçons : il livre son regard sur l’actualité et la place de la franc-maçonnerie dans la société.
Ce week-end, les quatre-vingt-trois loges maçonniques de la région Centre-Val de Loire étaient réunies en Touraine. En parallèle, le Grand Orient de France organisait ses universités populaires. L’occasion pour Georges Sérignac – grand maître de la principale obédience maçonnique du pays depuis un an – de poursuivre son tour de France.
« Je crois en la force des idées »
Pourquoi avoir choisi la Touraine et plus précisément Chinon comme lieu de rassemblement ?
« Ce n’est pas un hasard. Dans notre système d’organisation, une loge est désignée pour assurer ces réunions. Pour le congrès de la région Centre-Val de Loire, c’est une loge de Chinon qui s’est proposée pour nous accueillir. On a aussi choisi, depuis quelques années, d’organiser dans des villes de taille moyenne des conférences publiques. »
Cibler les villes « moyennes », une façon pour vous « d’agrandir le cercle »…« Absolument. C’est ce que l’on appelle l’extériorisation de l’obédience. Un de nos principaux soucis est de donner l’image la plus juste de ce qu’est la franc-maçonnerie aujourd’hui. De dénouer toutes ces idées fausses, tous ces fantasmes, ces malentendus qui peuvent circuler… Cela permet d’expliquer ce que nous sommes, le plus justement, parce que nous souffrons beaucoup d’un déficit d’image. La franc-maçonnerie n’est pas une secte, des réseaux ou des affairistes… Mon souci est de démythifier. »
Cette année, le thème des universités populaires maçonniques tourne autour des « dignités humaines ». Un terme mis à mal en ce moment, notamment avec la guerre en Ukraine…« Le positif est qu’il y a un grand élan de solidarité. Ce qu’on peut regretter, c’est qu’il n’ait pas eu lieu précédemment avec d’autres. De notre côté, on se pose des questions sur notre rôle, la manière dont nous le remplissons, car on travaille beaucoup dans l’anonymat des loges, la discrétion. Est-ce que notre communication est suffisante aujourd’hui ? »
Justement, cette discrétion n’est-elle pas à contre-courant de l’époque actuelle ?
« Complètement, mais elle est historique. Aujourd’hui, je pense qu’il faut montrer davantage de ce que nous sommes, mais c’est compliqué de trouver le bon dosage. »
Plusieurs loges ont signé un communiqué qui prône la solidarité envers l’Ukraine, mais les actes suivent-ils les paroles ?
« On a une fondation du Grand Orient de France, qui n’est pas assez connue mais qui est reconnue d’utilité publique. Elle consiste à redistribuer des dons que l’on reçoit à des associations qui œuvrent sur le terrain. On centralise aussi les frères et sœurs qui ont la possibilité d’accueillir des réfugiés ukrainiens. »
Vous parlez d’agir pour l’Ukraine. Agissez-vous également ou avez-vous l’intention d’agir dans l’élection présidentielle ?
« Nous ne sommes pas un parti, donc nous ne pouvons pas prendre position autrement qu’en creux. Mais, on se pose des questions, parce qu’on voit aussi la montée de l’extrême droite, les intentions de vote… Il y a un mouvement d’opinion dans lequel on a sûrement un rôle à jouer. On n’a pas de pouvoir occulte, mais je crois en la force des idées. La franc-maçonnerie n’a jamais été un pouvoir. »
On voit aujourd’hui que les valeurs prônées par celle-ci sont quelque peu bafouées. Cela vous inquiète-t-il ?
« Depuis que le monde est monde et l’humanité est humanité, le conflit entre négatif et positif a toujours existé. Je pense quand même que l’on est dans le sens de l’histoire et que nos valeurs triompheront. »