A l’occasion des 150 ans de la Commune de Paris , Pierre-Marie ADAM, le Grand Maître de la Grande Loge de France (GLDF) et sa délégation étaient présents au cimetière du Père Lachaise.
Un hommage vibrant a été rendu à Gustave Mesureur.
Découvrez l’intégralité du discours/ https://gldf.org/obedience-maconnique/actualites.html…#actu#gld
Il était prévu l’année dernière que lors de cette commémoration, nous nous arrêtions sur la tombe de notre Frère Gustave Mesureur, l’un de nos modèles, premier Grand Maître de la Grande Loge dans sa forme actuelle.
Ce ne sera pas le cas aujourd’hui mais je remercie le TRGM Georges Sérignac de me permettre en cet instant de célébrer la mémoire de ce Frère éminent, qui, même si son action lors de la Commune de Paris ne fut pas décisive, fut présent parmi les 6 000 Frères qui participèrent à la grande manifestation dans Paris, le 29 avril, première du genre et que nous avons commémorée à cette même date en visioconférence en notre Hôtel de la rue Puteaux.
C’est aussi, si vous me le permettez l’occasion de rappeler que les Francs-maçons de Rite Écossais se sont pleinement impliqués en ce moment clé de l’histoire, en rupture avec l’Empire et le Grand Orient de France, alors présidé par le Général Magnan.
Gustave Mesureur, c’est cet homme engagé autant dans la vie politique, que dans son parcours maçonnique et dans la vie sociale, avec une volonté constante d’améliorer la société, avec cet humanisme profond qu’il met au service de chacun en étant utile lorsqu’il le peut, dans ses multiples domaines de compétences.
Il représente à la fois cet idéal républicain, nourri par la Commune, précurseur, puisqu’il adhéra dès 1867 au syndicat de sa profession, animé par le futur Frère Eugène Potier, auteur de l’Internationale, dans lequel il fit ses premières armes politiques.
Élu en 1881, au Conseil de Paris, il participe activement à d’importants chantiers parisiens comme la création de la Bourse du Travail, la fondation de la Bibliothèque Forney qui permettra aux ouvriers et employés de s’instruire gratuitement en dehors des heures d’activités professionnelles, l’amélioration de la voirie de Paris, les travaux préparatoires à la création du métro mais aussi dans ce qu’il nous faut retenir, l’organisation de l’exposition universelle de 1889.
1887 est pour lui une année faste. Élu Président du Conseil de Paris puis Député de la Seine le 22 mai, il s’impose comme l’un des grands orateurs du Palais-Bourbon ce qui lui vaudra d’être réélu à cette fonction en 1889, 1891 et 1898.
Nommé dans le cabinet du Frère Léon Bourgeois comme ministre du Commerce et des Postes, pour une durée certes éphémère, il créé en 1901 le Parti Radical dont il devient le 1er Président et qui sera à l’époque l’incarnation même de la gauche républicaine.
C’est cette vision progressiste qui donnera à la France cette spécificité juridique et laïque, inconnue des autres nations d’Europe.
Battu aux élections législatives de 1902, Gustave Mesureur quitte la vie politique et entame une nouvelle carrière dans l’administration.
À la demande du gouvernement, il prend la direction de l’Assistance Publique de Paris, qu’il va totalement restructurer en modernisant des aménagements dans les Hôpitaux de la Pitié-Salpêtrière, de Cochin, de Laennec et en faisant construire l’Hôpital Claude-Bernard.
Aménagements aussi de certains services avec une réelle avancée pour l’époque qui permettent d’isoler les patients de la contagion, l’utilisation de la radiothérapie et des 1ers rayons Roentgen, la mise en place de maisons de retraite et enfin la création de la première école d’infirmières en France, qui lui valurent d’être élu à l’Académie de Médecine : une consécration pour ce nordiste, enfant d’une fille-mère, parti de rien, qui s’est fait tout seul et obtient cette distinction par son seul mérite.
Gustave Mesureur exercera cette fonction jusqu’à sa retraite, qu’il prendra en 1920 en occupant parallèlement de 1912 à 1919 le mandat de maire de La Celle-Saint-Cloud.
Cette implication dans la vie civile, plus encore au sein de cette institution qu’est l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris avec tout ce qu’elle représente : la gratuité des services médicaux, le souci de prendre soin de chacun en permettant à tous de bénéficier des avancées scientifiques qui émergent alors ; c’est tout cela qui entre en totale cohérence avec le cœur de notre démarche maçonnique et cet idéal humaniste qui nous anime.
Cette partie essentielle de sa carrière professionnelle, 18 ans tout de même, est en parfaite conformité avec ce qui nous détermine : porter nos valeurs, les défendre et les mettre en pratique en dedans et en dehors du Temple.
Gustave Mesureur est le parfait exemple de tout cela.
Comme Franc-maçon, il est initié le 2 avril 1869, en même temps que Jules Vallès, au sein de la Loge La Justice 133 de la Grande Loge Centrale Écossaise, auparavant Loge Les Disciples de Saint-Vincent de Paul au Grand Orient de France, passée au Suprême Conseil de France sous le Second Empire.
Un atelier considéré en son temps comme turbulent, avec des positions tranchées voire tapageuses, en particulier contre la référence au Grand Architecte de l’Univers et composé de fortes personnalités : le photographe Nadar, les futurs hommes politiques François Raspail, Charles Floquet, Henri Brisson ou le futur Général de la Commune, Eude.
Cette Loge joua un rôle considérable dans le complexe processus qui conduisit à l’émancipation des Loges symboliques dont Gustave Mesureur est le Vénérable Maître.
Comme dans d’autres aspects de sa vie, il fait le choix de l’indépendance et affirme sa volonté de bâtir une nouvelle entité. Il fonde avec quelques Frères en février 1880, la Grande Loge Symbolique Ecossaise, qui rassemblera par la suite, en 1894, les Loges symboliques de REAA qui dès lors s’administreront seules.
De la fusion de la Grande Loge Centrale Ecossaise, qui était restée au Suprême Conseil de France, et la Grande Loge Symbolique Ecossaise naquit la Grande Loge de France.
En 1903, Gustave Mesureur est élu Grand Maître de la Grande Loge de France par l’ensemble des Députés de l’Obédience en obtenant l’année suivante, l’indépendance définitive des Loges, ce qui fait de lui le 1er Grand Maître de notre institution, telle qu’elle est aujourd’hui.
Il restera ce Frère, accessible à tous, à qui nul ne reprochera jamais un mot ou un geste autoritaire, humble serviteur de l’Ordre, de la République et de la France, toujours fidèle à la devise dont il fut l’auteur et qu’il imposa : Un maçon libre dans une Loge libre.
Gustave Mesureur passe à l’Orient Eternel, le 19 avril 1925 et repose en ce cimetière du Père-Lachaise à Paris, dans la 93e division, auprès de son épouse, la poétesse Amélie Dewailly.
Pour conclure, je le citerai : « En tant que membres de la Grande Loge de France, nous considérons la Maçonnerie des trois premiers grades: Apprenti, Compagnon et Maître, comme la synthèse la plus complète et la plus belle de l’organisation sociale; l’œuvre d’éducation philosophique que nous accomplissons s’arrête au Maçon parfait qui est le Maître, et cette hiérarchie si simple se retrouve partout, parce qu’elle est dans la nature même de l’Homme qui ne peut s’élever que par la lente ascension du savoir, quel que soit le rôle social qu’il est appelé à jouer.
Ces principes, qui sont que toutes les fonctions doivent se donner à l’élection en vertu de la loi de l’égalité, nous montrent suffisamment que le rôle du Grand Maître d’une Grande Loge symbolique se réduit à une direction morale et administrative qui respecte le pacte fondamental résumé dans la formule : le Maçon libre dans la Loge libre.
Le Grand Maître, ou plus modestement et plus exactement le Président de la Grande Loge, doit faire respecter la séparation des pouvoirs ; la souveraineté réside dans les Loges et elles l’exercent par leurs délégués au Convent.
Cette liberté des Loges, leur autonomie et leur initiative, a le mérite de ne pas provoquer les oppositions, de calmer les passions et de permettre à notre Ordre de se développer dans la paix et dans la liberté. Elle répartit les responsabilités, elle respecte toutes les opinions, elle permet à toutes les conceptions philosophiques et sociales de se soumettre à l’épreuve de la contradiction, elle a enfin le rare mérite de faire de la Maçonnerie une grande Ecole de solidarité et de former des citoyens que la République retrouve toujours quand l’heure sonne de la défendre.
Elle est bien la fille des Maçons qui ont donné au monde la formule Liberté-Egalité-Fraternité. »
Ainsi parlait Gustave Mesureur, homme vrai en toutes circonstances et franc-maçon inspiré, dont l’exemple est encore vif dans notre mémoire collective.
Un mot pour conclure sur ce qui nous réunit aujourd’hui :
Nous le savons, la Commune de Paris a été un épisode charnière de l’histoire de France, avec ses moments de luttes héroïques mais aussi ses combats sanglants, « légende noire et légende dorée », réprimée avec une violence inouïe.
En aussi peu de temps, puisqu’elle n’a duré que 71 jours, elle annonce pourtant de profonds bouleversements et des mutations comme l’on en connaît après chaque crise.
Sur la défense des libertés fondamentales, sur l’égalité homme-femme, sur les valeurs non-négociables de la République ; je citerai Louise Michel : « Chacun cherche sa route ; nous cherchons la nôtre et nous pensons que le jour où le règne de la liberté et de l’égalité sera arrivé, le genre humain sera heureux. », ceux qui furent les acteurs de cette époque ont défendu corps et âmes ces idées humanistes, cette volonté de progrès universel.
Alors même si cet événement relève pour certains d’un caractère subversif et qu’il est sujet à des querelles mémorielles voire à la polémique, nous ne devons pas oublier ni renier l’engagement de nos Frères et de nos Sœurs.
Et, dans les temps troublés que nous traversons aujourd’hui, je dirai que nous avons, nous Francs-maçons, le devoir et l’impérieuse nécessité d’assurer la préservation des droits essentiels qui ont été au cœur des enjeux politiques de cette époque.
Nous devons également faire preuve de solidarité car se soutenir les uns les autres, c’est aussi le moyen de créer un monde plus juste à l’image de ceux dont rêvaient nos Frères et nos Sœurs, Louise Michel, Jules Vallès, Jules Ferry, Gustave Mesureur, Léon Gambetta, Adolphe Crémieux et tant d’autres dont nous pouvons être fiers.
Mes Très Chers Frères, mes Très Chères Sœurs, Mesdames et Messieurs.
J’ai dit.