Réflexion sur la régularité maçonnique, donc sur l’identité maçonnique…Quoi qu’on en dise, cela mérite en effet réflexion !
« Êtes-vous maçon ? Mes frères me reconnaissent pour tel ». Telle est la bonne, et sans doute la seule, réponse conforme à la tradition : un maçon « régulier » est un maçon initié régulièrement. Tout le reste manque la première demande maçonnique « régulière » : la tolérance.Dans ses Catéchismes Cohens, Martinès de Pasqually[1] voyant dans ses propres temples l’aboutissement de la démarche symbolique maçonnique, considère les francs-maçons non-Cohens comme des « Maçons apocryphes ». Apocryphe, en ce milieu du XVIIIe siècle devient le meilleur synonyme de notre « irrégularité ». Nous sommes tous, de fait, l’irrégulier d’un autre !
Être « régulier[2] » c’est, selon les époques et les écoles, se rattacher à une tradition imaginaire Cohen, égyptienne, templière ou purement littéraire, rejetée par d’autres. Faut-il suivreJoseph de Maistre, tant révéré dans ce milieu, pour être régulier ? Lui qui propose de renoncer à l’héritage templier supposé dans certains grades, puisqu’ils étaient coupables ; lui qui demande de la même manière d’abandonner « les folies de Memphis » pour s’attacher à l’Évangile seulement. « Régulier » est un label décerné par… qui veut, car il n’y a pas d’Instance de Vérification dans ce monde de la fraternité fait de guerres, de scissions et de fusions, de compromissions et de dissidences, sans cesse depuis sa création.
Puis-je être un maçon catholique « régulier » lorsque je me rattache aux Constitutions d’Anderson et Desguliers (Londres 1723), anglaises… et protestantes ? « Un maçon, s’il entend exactement l’Art, ne sera jamais un stupide athée ni un libertin irréligieux ». Il faut préciser encore que l’original anglais dit « he will never be a stupid atheist » ce qui sous entend que tous les athées sont stupides (un athée stupide), et non un être stupide qui est athée, comme l’exprime la traduction française. Comment puis-je être « régulier » vis-à-vis du Grand Orient en jurant sur l’évangile de St Jean ? Comment même puis-je être un maçon régulier auprès, également, de mon Église après plus de 270 ans de condamnation sans trêve de ma situation ? Dieu, pour le chrétien, ne peut être « un principe créateur », pas plus qu’un « concept philosophique ».
La régularité bien comprise serait-elle encore un gage de sociabilité ou de d’humanisme ? Ainsi Pinochet était un maçon « régulier » au sens français du mot et, comme tel, il fraternise en maçonnerie « régulière » avec Salvador Allende, maçon également[3] comme une douzaine tyrans africains dont les Bongo ne sont pas les pires.
Faudra-t-il arriver à créer un statut qui, comme le demande l’article de Wikipedia[4],« reconnaissent la légitimité des francs-maçonneries féminines et mixtes, […] qui acceptent les athées et autorisent ses membres à visiter toutes les obédiences ? … » et encore, la proposition de l’encyclopédie libre oublie l’acceptation des homos (et les lesbiennes), fait l’impasse sur les noirs albinos, les mangeurs de mouches et les extra-terrestres, la reconnaissance pleine et entière de la maçonnerie américaine etc. Faudrait-il tout préciser pour définir la tolérance ?
Tout n’est que compromis… si l’intelligence le permet.
Concluons ce bref message avec Oswald Wirth (1860-1943) qui, dans son Livre du Maître(Dorbon-Ainé, 1922), nous propose une solution claire et libérale pour définir ce qui est, ou non, régulier : « L’indépendance des Loges et la souveraineté des Maîtres s’affirment dès la fondation de l’atelier. Celui-ci se constitue de par la volonté des Maîtres qui se sont unis en vue de la création d’un nouveau foyer de vie maçonnique. Ces Maîtres exercent en cela un droit imprescriptible de la Maîtrise et ce sont eux qui légitiment la Loge qu’ils fondent, sans qu’ils aient d’autorisation à solliciter de personne. » Et si la confiance faisait partie du deal ? »