Au Portugal, les Francs-Maçons et Francs-Maçonnes sont traditionnellement invités ès qualité aux diverses manifestations de commémoration de la proclamation de la République, en reconnaissance de leur engagement aux côtés des forces démocratiques ayant amené, le 5 octobre 1910, à son instauration….. C’est plutôt bien !
Pour le 103ème anniversaire cette année, ce sont les femmes qui seront particulièrement à l’honneur et c’est sous l’égide de la Grande Loge Féminine du Portugal (GLFP)et du Grand Orient Lusitanien que sera organisé un « 5 OCTOBRE AU FEMININ« , avec une exposition, des conférences, des tables ronde ouvertes au public et, pour clore la journée, une tenue solennelle réunissant Soeurs et Frères.
Comme le souligne la Grande Maîtresse de la GLFP, Mery Ruah, » il est important de porter un regard attentif sur les transformations de la situation sociale, familiale, éducative, culturelle des femmes, depuis la proclamation de la République jusqu’à nos jours, afin de revisiter et de faire revivre leur enthousiasme et leur action « .
- Franc-maçonnerie portugaise par António Henrique de Oliveira Marques
La franc-maçonnerie a été introduite au Portugal en 1727, à l’initiative de commerçants britanniques installés à Lisbonne. En 1733 est fondé un deuxième atelier dont les frères sont pour la plupart des Irlandais catholiques. En 1738, conformément à la bulle de condamnation de Clément XII, la loge est dissoute. Puis un troisième atelier est également fondé à Lisbonne, en 1741, par John Coustos, un lapidaire de diamants que l’on dénonce à l’Inquisition en 1742. Plusieurs des membres de cette loge sont jetés en prison, torturés et condamnés.
La franc-maçonnerie est réorganisée entre 1760 et 1770 grâce à la tolérance du marquis de Pombal. On installe des loges à Lisbonne, Coimbra, Valence, Elvas ou Olivença, Funchal et peut-être, par la suite, au Cap Vert (sur l’île de Santiago), aux Açores à San Miguel et à Porto. Après la chute de Pombal (1777), les persécutions reprennent. L’Inquisition et la police démantèlent pour la deuxième fois la franc-maçonnerie. Cependant, quelques loges recommencent à fonctionnent à Coimbra, à Lisbonne et à Porto à partir de 1793. L’Ordre renaît grâce au débarquement à Lisbonne en 1797 d’un corps d’expédition anglais. En 1798, on dénombre trois loges militaires à Lisbonne, et une quatrième acceptant des civils : toutes sont affiliées à la Grande Loge de Londres.
Au début du XIXe siècle, le besoin d’organiser l’Ordre se fait sentir en Hipólito José da Costa se déplace à Londres en 1802 où il obtient la reconnaissance du Grande Orient Lusitanien. Le juge Sebastião José de São Paio est élu Grand Maître. Huit loges travaillent alors à Lisbonne, ainsi que plusieurs autres le font à Tomar, à Porto, à Coimbra, à Setúbal, à Funchal et au Brésil.
En 1809-1810 a lieu une nouvelle grande vague de persécutions, la troisième, qui démantèle la franc-maçonnerie. On n’assiste à la renaissance de l’Ordre qu’une fois les invasions napoléoniennes terminées puis, en 1817, c’est une quatrième vague de persécutions qui mène le Grand Maître Gomes Freire de Andrade et plusieurs de ser compagnons à la potence.
À l’avant-garde de tous les mouvements progressistes, la franc-maçonnerie veus abolir l’absolutisme. C’est d’une de ses organisations, le Sinédrio (Sanhédrim), que jaillit la révolution libérale triomphante de 1820. Néanmoins, pour la cinquième fois, avec le retour de l’absolutisme en 1823, les francs-maçons sont persécutés, incarcérés et exécutés. De 1826 a 1828, on assiste à une brève renaissance de l’Ordre, qui ne résiste cependant pas à de nouvelles violentes persécutions miguelistes. Presque tous les francs-maçons se rallient à D. Pedro IV, qui était franc-maçon et Grand Maître de la franc-maçonnerie brésilienne.
Le triomphe définitif du libéralisme en 1834 amène les francs-maçons au pouvoir. La franc-maçonnerie portugaise est alors dominée par le Grand Orient Lusitanien, également appelé Grande Orient du Portugal entre 1849 et 1859, et par ses Grands Maîtres élus régulièrement depuis 1802. Elle connaît alors plusieurs scissions et se partage de 1849 à 1867 entre cinq à huit obédiences différents. En 1841, un Suprême Conseil portugais des Grands Inspecteurs Généraux du 33º s’est également mis en place et a autonomisé au Portugal le Rite Écossais Ancien et Accepté (introduit en 1837). La rencontre entre les fonctions de Grand Maître et de Souverain Grand Commandeur devient institutionnelle en 1869, et la franc-maçonnerie portugaise, alors unie, prend le nom de Grand Orient Lusitanien Uni, Suprême Conseil de la franc-maçonnerie portugaise. La période allant de 1834 à 1926 correspond à l’apogée de l’implantation de la franc-maçonnerie au Portugal. Son activité est notable dans tous les domaines de la vie de la nation. C’est à elle que l’on doit les grandes victoires des idées progressistes à cette époque : les abolitions de la peine de mort et de l’esclavage, la création d’écoles primaires et secondaires techniques, la généralisation de l’instruction das les colonies, la création d’orphelinats, la lutte contre le cléricalisme et l’amorce de la laïcisation des écoles, la fondation d’associations en mesure d’organiser l’instruction et l’assistance selon de nouveaux modéles, la campagne en faveur de l’inscription obligatoire sur les registres d’état civil… On lui doit également la création du jury.
En 1869-1870, les francs-maçons sont prés de 500 frères, répartis en 36 ateliers et le chiffre atteint, en 1913, avec 4341 frères répartis en 198 loges et « triangles », son apogée. En 1864, la première loge d’adoption se met en place.
La révolution espagnole de 1868 et le caractère irrégulier de la pratique maçonnique qu’elle entraîne amènent des dizaines de loges de toute l’Espagne et de ses colonies à intégrer la franc-maçonnerie portugaise sous l’autorité du Grand Orient Lusitanien Uni. Des loges roumaines et bulgares font le même.
Au début du XXe siècle, la maçonnerie portugaise peut appuyer la constitution de la carbonaria et déclencher de façon décisive la révolution républicaine de 1910. La politisation dont la franc-maçonnerie est l’objet a pour conséquence de provoquer une multiplication des initiations. Au Parlement, la moitié ou plus de la moitié des représentants du peuple appartiennent à l’Ordre, ainsi que trois présidents de la République. Dans les gouvernements, jusqu’en 1926, de nombreux ministres sont francs-maçons. On doit aussi à maçonnerie quelques-unes des mesures progressistes adoptées par le régime républicain : l’obligation de s’inscrire sur les registres d’état civil, les lois autorisant le divorce et décidant la séparation de l’Église e de l’État. Néanmoins, le rapprochement entre la franc-maçonnerie et le Parti républicain est à l’origine de dissensions au sein de ce parti puis, en 1914, à l’istar de celui-ci, la franc-maçonnerie se divise à son tour. Une nouvelle obédience est constitué : elle est appelée de façon profane Cercle luso-écossais et plus d’un tiers des francs-maçons portugais y adhèrent.
A la fin de l’année 1925, les deus obédiences trouvent cependant un terrain d’entente et se réunissent en mars 1926. Il est toutefois un peu tard pour pouvoir contrecarrer les forces de droite car, deux mois plus tard, survient le mouvement militaire du 28 mai. La dictature est instaurée. Bien que la franc-maçonnerie ait joui d’une totale liberté d’action jusqu’en 1929, les attaques s’abattent sur elle les unes après les autres. En 1929, le Grand Oriente Lusitanien subit l’assaut de la Garde nationale républicaine et de la police, assisté par de nombreux civils. Ce fait marque le début d’une nouvelle et grande persécution.
Les années 1931 à 1935 sont en effet synonymes de discrimination. En 1935, un député du nouveau Parlement présente un projet de loi visant à interdire les « associations secrètes ». En mai, la franc-maçonnerie est légalement interdite. En 1937, une section de l’organisation fasciste Legião Portuguesa (Légion portugaise) est inaugurée au Palais maçonnique qui est confisqué par l’État.
Néanmoins, le Grand Orient Lusitanien Uni résiste et devient clandestin. Le Grand Maître, Norton de Matos, démissionne. En 1937, c’est au Grand Maître par intérim, Luís Gonçalves Rebordão, qu’appartient la lourde tâche de porter le flambeau pendant 37 ans, jusqu’à la fin de la clandestinité. Il empêche ainsi que la franc-maçonnerie portugaise trouve refuge dans le seul exil. Le nombre de loges tombe cependant à 13, puis à une demi-douzaine en 1973. La plupart des organismes paramaçonniques disparaissent ou perdent leur qualité maçonnique. Durant la Seconde Guerre mondiale, le Grand Oriente Lusitanien Uni se trouve pratiquement isolé dans la lutte. Cependant, des négociations sont entamées avec les franc-maçonneries britannique et nord-américaine. En 1941, la constitution franc-maçonnique de 1926 est sur le point d’être modifiée par l’ajout d’une déclaration de principes calquée sur les landmarks de la Grande Loge Unie d’Angleterre. Cependant, les obédiences anglo-saxonnes mettent en marge et ignorent complètement la maçonnerie portugaise en prétextant qu’elle n’était pas reconnue par le gouvernement de ce pays.
Après que le Grand Orient Lusitanien Uni eut survécu à la révolution du 25 avril 1974 et fut revenu « à la lumière du jour », l’état lui restitue le Palais maçonnique et lui paie une indemnité.
En 1984, une scission est menée par les franc-maçonneries anglo-saxonnes dites « régulières » : elle conduit à la constitution de la Grande Loge du Portugal (1986). En 1990 est fondée une nouvelle Grande Loge Régulière du Portugal. La franc-maçonnerie « régulière » instaure également un second Suprême Conseil. De même, on constitue une franc-maçonnerie féminine, dépendant à l’origine de la France, et autonome depuis 1997 sous le nom de Grande Loge Féminine du Portugal ainsi qu’une franc-maçonnerie du Droit Humain (1980) intégrée dans le mouvement international correspondant. Plusieurs loges « anglaises » dépendant directement de la Grande Loge Unie d’Angleterre se constituent également.
(A.-H. de Oliveira Marques, Extrait de la Grande Encyclopédie de la Franc-Maçonerie, Pochotèque)