FRANC-MAÇONNERIE et RELIGION
PAS SOUS LA MEME VOUTE…
Il y a les francs-maçons athées, pour eux, c’est clair : Dieu n’est pas de notre monde, point n’est besoin de s’en encombrer, ils vont eux aussi, à leur façon, sur un chemin de paix, de tolérance et d’amour pour les hommes qui leur est propre et puis il y a des Francs-maçons, qui s’inclinent devant Dieu et vont, en semaine, réfléchir dans le temple et, le dimanche, prier à l’église.
Peut-on associer ces deux pratiques ?
On pourrait le penser puisque Maçonnerie et Religion ont pour sublime espoir de voir l’homme progresser vers le bien et le bon, et ont toutes deux pour objectif de faire émerger un monde de paix, puis, au terme de notre vie, sont là pour nous aider à franchir l‘obstacle de la mort et partir avec sérénité dans l’infini.
Un certain parallélisme des valeurs morales que nous défendons nous met sur une route commune mais… mais si on y regarde de près, on découvre qu’on ne parcourt pas cette route dans le même sens.
La maçonnerie se fait dans un mouvement ascendant, tandis que la religion suit un mouvement descendant…
Il n’y a là aucun jugement de valeur, il ne faut pas prendre les termes ascendants ou descendants dans une acception valorisante d’un côté ou péjorative de l’autre… non, il s’agit seulement d’un sens de circulation.
La « Maçonnerie » part de l’intérieur de la terre en nous faisant émerger du cabinet de réflexion, puis à partir de ce socle, nous progressons vers le haut, vers le jour, vers la lumière.
Là, tout ébloui, au milieu d’un champ de pierres brutes, débarrassés du bandeau, ce n’est certainement pas pour rester inactif ; ces pierres, on le sait, sont le symbole de la roche primordiale des origines du monde, le symbole de notre imperfection originelle et l’on va nous apprendre à les tailler du mieux possible afin de leur donner une forme apte à nos projets de construction, donc d’élévation… et ainsi de pierres isolées et imparfaites qu’elles étaient, elles deviennent temple… temple qui lui-même, on l’a compris, c’est un de nos symboles de base, figure, tout autant que nous en tant qu’individu, la communauté humaine dans son ensemble et représente l’ambition de l’homme de grandir en savoir intellectuel et en découverte des mystères du monde et de la vie.
Le grade de Compagnon, en particulier, déborde d’incitations à se cultiver toujours plus et dans tous les domaines que peut explorer l’intelligence humaine. Nous ne cessons de faire travailler notre cerveau : philosophie, arithmétique, musique, grammaire, architecture, astronomie, etc. etc… Puis l’ascension se poursuit encore en accédant au grade de Maître qui confirme bien le sens de notre mouvement puisqu’appelé cérémonie « d’élévation » là, on s’écarte de la matière, on tend vers l’impalpable, on touche au spirituel.
Tout notre parcours maçonnique est cette tension vers les sommets, l’homme se dégage de la terre, s’instruit, affine son esprit, acquiert tant et plus de connaissances, obsédé par ce besoin d’aller plus-haut pour mieux voir et comprendre.
Pour la religion, ou les religions, qui ont aussi de grands projets pour l’homme, le mouvement est inverse, il est descendant.
Tout part de Dieu, c’est Dieu qui est tout là-haut, dans son royaume, assis sur son trône, son nuage, ou le sommet de la montagne. C’est lui qui décide et ordonne ; c’est de lui que tout procède et c’est de lui que tout va descendre car l’homme est en bas.
Dieu, soit directement, soit, le plus souvent, par le truchement d’un intermédiaire, fils sacré, prophète ou envoyé de moindre rang, fait connaître aux humains le message dont ils doivent suivre scrupuleusement les injonctions ; ce sont les lois divines, lois définitives, plus solides que l’airain, rien ne saurait les remettre en cause : « Tu n’auras pas d’autres Dieux devant moi. Tu ne tueras point. Tu ne voleras point… tu mangeras de ceci, tu ne toucheras point à cela. etc. etc. » On pourrait résumer ces ordres sous l’unique injonction suivante : « Tu feras tout ce que je te commande ! » Pas de recherches personnelles à entreprendre, l’homme, on lui dit ce qu’il doit accomplir ; son talent porte uniquement sur l’application dont il va faire montre pour exécuter fidèlement les ordres venus d’en haut et tout ira bien, et toute la société des hommes s’en trouvera mieux. C’est là-dessus qu’il sera jugé.
Un bel exemple est apporté par le sacrifice d’Abraham, quand Dieu lui impose d’immoler son fils, Isaac : Abraham s’incline. Sa confiance doit être absolue. Il va se soumettre… Il va tuer son fils. Il sera détourné du geste fatal à l’ultime seconde par la volonté de Dieu. Remplacé par un bélier. Peut-il y avoir plus belle preuve d’obéissance ?
Dans la mythologie grecque, Sophocle, aux alentours de 450 avant J.C. rapporte une légende fort proche : Athamas, roi de Béotie, doit immoler son fils, Phrixos, il tend la main, mais Héraclès, envoyé par Zeus, crie à Athamas de l’épargner et un bélier, appelé Chrysomallos, apparaît alors et sera la victime (toison d’or).
C’est que la religion demande à l‘homme d’avoir une confiance aveugle en son Dieu. En suivant la règle, sa vie devient des plus simple. Obéir, tel est le maître mot…
Il est un psaume bien connu, psaume que l’on fait chanter, encore aujourd’hui, à tous les fidèles, qui exprime au mieux la position de l’homme par rapport au ciel : « Tu es mon berger Ô Seigneur, rien ne saurait manquer, où tu me conduis ». C’est clair, si Dieu est le berger, que sont les hommes sinon des moutons ?
L’homme, n’a pas à polir la pierre tant et plus, à s’instruire sans fin ; d’ailleurs dès le départ mal lui en a pris quand on l’a chassé du Paradis pour avoir commis la faute suprême, celle d’avoir mangé la pomme, fruit défendu car fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal.
C’est en se cantonnant à respecter la parole de Dieu que l’homme trouvera l’apaisement de ses angoisses existentielles et une vertueuse raison qui le conduit à marcher, avec espoir, sur le mystérieux chemin de sa vie.
Il faut voir combien les religions, toutes les religions, se sont opposées et, pour certaines, s’opposent encore avec résistance et férocité, au progrès intellectuel et scientifique.
La réponse est dans la docilité face à la parole qui vient d’en haut. Et ayant ainsi vécu, humble serviteur, respectueux de la loi divine, parvenu au soir de sa vie, Dieu, l’attendra, sur le pas de sa porte, dans les fins fonds du ciel.
Alors qui est sur le bon chemin ? Y en a-t-il un plus vrai que l’autre, et pourquoi faudrait-il qu’il y en eût un.
En vérité, peu importe. Il ne nous est pas demandé à nous, Maçons, de décider qui a tort, qui a raison. Nous sommes en Maçonnerie pour apprendre à faire en sorte que tous les hommes se respectent dans la diversité de leurs choix.
Mais on peut s’interroger… Peut-on être dans les deux sens de circulation en même temps : celui qui monte et celui qui descend. Il y a une logique intellectuelle qui s’y oppose. Comme le titrait Musset pour l’une de ses pièces : « Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée » C’est l’un ou l’autre, ce ne peut être les deux. On ne peut monter et descendre dans le même mouvement. Il faut choisir. Un choix excluant nécessairement l’autre. On ne peut être à la fois libres et soumis.
La Franc-maçonnerie n’est pas la religion et réciproquement : j’ai du mal à comprendre que l’on puisse fréquenter conjointement, dans le même temps, le temple maçonnique et les églises, mosquées, synagogues ou tout autre lieu de sacralisation divine… parce que soit on est du côté de ceux qui cherchent sans relâche, soit du côté de ceux qui ont trouvé la parole des bienheureux et la suivent.
La franc-maçonnerie, même celle qui croit en le « Grand Architecte De L’Univers », qui prête serment sur l’autel où sont ouverts l’un ou l’autre des grands livres sacrés aimés par les hommes, même cette maçonnerie-là, n’est pas la religion… et la religion, la révérence absolue due au dogme religieux, la génuflexion devant le tabernacle où palpite le Christ, ou n’importe quel autre Dieu que l’histoire des hommes a inventée, n’est pas, non plus, la Maçonnerie.
Ainsi donc, entre F. Maçonnerie et religion, ce sont deux conceptions de l’homme qui se donnent à voir. La F.M. nous pousse, par ses degrés successifs, dans une quête spirituelle qui ne s’achève jamais, tandis que la religion nous rassure, à travers l’amour de Dieu, dans une apaisante et docile prière.
Pour moi, donc, entre maçons et religieux, on ne fait que se croiser…
Je pense ici à cette anecdote ayant trait à Voltaire : Un jour, marchant dans la ville avec un ami, il se trouve à rencontrer une procession religieuse, aussitôt, il ôte son chapeau et salut bien bas. Son ami s’étonne : « Comment, vous, M. de Voltaire, vous saluez le Christ ? » Alors le philosophe de répondre : « On se connaît, mais on ne se fréquente pas. »
Cependant, franc-maçonnerie et religion, la rencontre demeure fructueuse, car elle nous conduit à étudier, dans un débat pacifique et fraternel, toutes les aspérités qui s’offrent aux humains sur notre chemin commun… qu’on le prenne dans le sens de la montée ou celui de la descente.
J’ai dit.
TRF Jérôme Touzalin. – Grande Loge de l’Europe et de la Méditerranée
Les brebis du berger n’en voient que le derrière ! Aurait-il derrière la tête, le dessin de nous emmener au fin fond de l’Univers ?