La franc-maçonnerie traîne dans son sillage une réputation sulfureuse. Le culte de l’occulte, nécessaire au travail d’alchimie intérieure, engendre lieux communs et fausses croyances. Le journaliste Patrick Lelong démonte ces clichés à coup de truelle et d’humour dans son livre Pourquoi les francs-maçons ont toujours raison. Du spirituel dans le lard !
Voici un entretien avec Patrice Lelong publié sur le site Inexploré
FRANC-MAÇONNERIE – DECONSTRUIRE LES CLICHÉS
Le vocable « spirituel » possède deux sens (l’un renvoyant au trait d’esprit humoristique, l’autre relatif à la conscience, à la spiritualité), irrésistiblement intriqués dans votre ouvrage. L’humour est-il soluble dans l’image austère souvent associée à la franc-maçonnerie ?
En effet, spirituel a deux significations que l’on peut (im)pertinemment confondre pour faire passer quelques idées parfois même abruptes ; c’est ce que je fais dans mon ouvrage. Je le dédie, entre autres, à ceux qui répètent en boucle les mêmes lieux communs sur les francs-maçons. Ce mot « spirituel » nous renvoie à la citation attribuée à Malraux : « Le XXIe siècle sera spirituel ou ne sera pas. » Chemin faisant, je me suis mis à lire des auteurs qui traitent de la spiritualité d’une façon assez drôle, notamment Luther qui dit : « Si on ne peut pas rire au paradis, je n’ai pas envie d’y aller ! » À travers la franc-maçonnerie, une voie ouvertement spirituelle, l’idéal qui me porte est de me rapprocher de cet état de joie de vivre, libérateur. À mes yeux, la spiritualité dépasse la religion. Cette dernière est un sous-ensemble, parfois même une incompréhension de la spiritualité. Dans le livre, je partage une anecdote vécue dans le huis clos d’un taxi, où j’ai répondu à un chauffeur « barbant » qui me demandait ce que je pensais de la religion (sous-entendu la sienne) : « La religion est à la spiritualité ce que le PMU est au cheval. » Dans la spiritualité, il y a une dimension bienveillante qui peut avoir une assise religieuse.
Est-ce cette spiritualité ouverte qui fonde la philosophie maçonnique ?
J’aime bien la définition d’Alain Bauer, qui a été grand maître du Grand Orient de France : « La franc-maçonnerie est une religion avortée. » Par définition, les religions sont dogmatiques, alors que la franc-maçonnerie est adogmatique, sinon elle serait redondante. Pourquoi, en effet, des catholiques, des musulmans, des juifs (etc.) viendraient-ils en maçonnerie, alors qu’ils ont normalement de quoi les satisfaire « en magasin » ?! La franc-maçonnerie part du princfipe qu’un parcours initiatique doit être une expérience intérieure.
Quel est le cap de cette aventure intérieure ?
L’enjeu est de travailler sur soi, d’où les références à l’alchimie interne, car la pierre philosophale n’est ni plus ni moins que la recherche de ce qui est merveilleux en soi… le Soi. C’est un cheminement : celui de l’homme vers la lumière. On désigne les maçons par l’expression « les pierres ainsi taillées ». Il s’agit, à partir du matériau brut de l’humain, de découvrir « qui » je suis. « L’homme cherche à comprendre pourquoi à la naissance, il a été jeté là sans l’avoir voulu », philosophait Kierkegaard.