Sous la présidence de :
Michel PAYEN, Président du Conseil National de la Fédération Française du Droit Humain ;
Avec la participation de :
Yvette RAMON, Président du Grand Conseil de la Fédération Française du Droit Humain
Jean-Michel QUILLARDET, Président de l’Observatoire International de la Laïcité contre les Dérives Communautaires
Jean Luc MELENCHON, Député européen
Ghaleb BENCHEIKH, Philosophe et théologien, Président de la Conférence mondiale des religions pour la paix
Michèle VIANES, Présidente de Regards de Femmes
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L’article 9 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, adoptée par le Conseil de l’Europe et ratifiée par la France, énonce que : « toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, individuellement, en privé ou en public, par le culte, l’enseignement, les pratiques et les rites. » Ce dispositif étend ce qui est énoncé dans l’article 10 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi. » Cet article 9 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, entre en conflit avec la conception de la laïcité qui est nôtre, en France, et qui est une conception de neutralité de l’espace public où l’on cherche à ne pas manifester les particularités qui seraient de nature à heurter les autres parce que relevant de la vie privée. Ainsi, la loi de 1905, dite de séparation des églises et de l’Etat, prévoit principalement que la République assure la liberté de conscience, qu’elle garantit le libre exercice des cultes, sous les seules restrictions édictées dans l’intérêt de l’ordre public, (article 1), qu’elle ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte, (article 2), et l’article 28 énonce qu’il « est interdit, à l’avenir, d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit. » La loi de 1905 met en place le principe de laïcité. En effet, sans y être nommée, la laïcité s’y affirme comme la forme institutionnelle que prend, dans la démocratie française, la relation politique entre le citoyen et l’État et entre les citoyens eux-mêmes, empêchant le développement des communautarismes ethniques ou religieux et les lobbies culturels, technocratiques, scientistes ou économiques, toujours tentés d’occuper l’espace public. Le dispositif républicain français est ainsi complet. L’État se porte garant des libertés de chacun des membres de la société et de l’égalité entre eux. Le principe de laïcité sépare la sphère publique, où s’exerce la citoyenneté, et la sphère privée, où s’exercent les libertés individuelles (de pensée, de conscience, de conviction) et où les différences (biologiques, sociales, culturelles, …) peuvent exister ensemble. Appartenant à tous, l’espace public est indivisible : aucun citoyen ou groupe de citoyens ne doit imposer ses convictions aux autres. Et, conséquemment, l’État laïc s’interdit d’intervenir dans les organisations collectives (partis, syndicats, associations, …) auxquelles chacun est libre d’adhérer et qui relèvent de choix de l’ordre du privé. Le droit d’adhérer à une conviction, d’en changer ou de n’adhérer à aucune est ainsi garanti par le fondement laïc de l’État. L’État s’impose de rester au seuil de la conscience qui est l’affaire de chacun. Devant la loi commune, chacun est comptable de ses actes et non de ses pensées. La laïcité de l’État n’est pas une conviction parmi d’autres. II n’y a pas de clergé laïc ni de religion de la laïcité. La laïcité de l’État est la condition première grâce à laquelle toutes les convictions peuvent exister ensemble dans l’espace public. C’est un principe universel qui permet l’intégration pacifique de toutes les différences. Certes, chacun existe dans l’espace public avec ce qu’il est, avec ses particularités et ses convictions, avec ce qui fait de lui un individu. Comment concilier, alors, la fidélité à soi-même et l’intérêt général ? Cela nous interpelle dans notre liberté et cela nous interpelle dans notre conception de la citoyenneté. C’est une question politique qui engage le devenir de la société que nous souhaitons pour vivre le mieux possible tous ensemble. C’est enfin une éthique à construire et une éducation à mettre en place : une éthique de l’être ensemble, et une éducation à l’égalité. L’éducation travaille dans le temps pour dépasser ce qui est de l’ordre de l’être natif. Elever un enfant c’est bien l’amener au-dessus de cet égoïsme, certes, d’abord indispensable à sa survie de petit être fragile ; mais qui nécessite un dépassement car plus l’enfant grandit, plus il doit se socialiser, plus il doit accepter l’autre sous peine de rester bloqué à un stade psychique infantile, narcissique et mortifère. Alors, il y a les règles de vie en société, il y a la loi. Mais la loi ne s’intègre pas d’elle-même. Il s’agit d’une appropriation progressive dont les étapes suivent l’évolution de l’enfant et de l’adolescent. Il s’agit d’une qualité de relation dans laquelle il n’y a pas d’égalité mais qui, pour autant, vise, à terme, l’égalité. La relation éducative est une relation inégalitaire. Quand l’éducateur et l’éduqué se retrouvent à égalité, l’éducation est terminée, bien ou mal. Cela signifie que l’éducation est une éthique de l’être ensemble. Cela signifie qu’il est nécessaire de mettre l’enfant en situation de remporter de multiple petites victoires dans l’apprentissage de la prise en compte de l’autre, de la compréhension de ce que personne n’est au monde par lui seul et que la valeur de l’autre est la première de toutes les valeurs et la plus universelle. Il s’agit d’une démarche qui travaille dans le temps et qui n’est en rien spectaculaire. Or notre société valorise ce qui va vite, ce que l’on peut s’approprier dans l’instant et rejette ce qui prend du temps et qui travaille en profondeur. Les valeurs s’éprouvent quand on tente de communiquer entre soi, quand on tente de faire partager une émotion, lorsqu’on se reconnaît êtres humains en commun, quand le temps de la parole devient essentiel. C’est là que s’élabore une culture où l’on construit progressivement ensemble, dans le dialogue, dans la communication, dans l’effort pour s’écouter et pour s’entendre, quelque chose qui s’appelle l’Humanité. Mais notre société est montrée, depuis un quart de siècle, davantage dans ce qui la fragmente que dans ce qui l’unit. On parle de cultures au pluriel ; on parle de société multiculturelle et, dès lors, s’impose la question de la culture à transmettre. Y a-t-il une culture qui s’impose ? Et, sinon, comment organiser politiquement cette diversité des cultures ? Le repli identitaire est-il la forme nouvelle qui s’impose à la société d’aujourd’hui ? Toutes les cultures doivent-elles être mises sur le même plan ? Tout est-il culture ? Autant de questions auxquelles il faut tenter d’apporter des réponses, ou qu’il faut, pour le moins, éclairer.