Ayant souvent traité sur les solstices, en tant qu’orateur lors des Saint-Jean d’hiver et d’été, il est temps de parler des équinoxes.
Les solstices marquent les points paroxystiques de l’année solaire quand la nuit est la plus longue ou, à l’opposé, la plus courte de l’année. Les deux équinoxes marquent au contraire les moments neutres où les durées de la nuit et du jour sont identiques.
Les équinoxes et les solstices sont des moments forts qui marquent, qui rythment la vie et peuvent ainsi évoquer symboliquement des messages délivrés par l’ordre cosmique ; ce sont pour le moins des moments de transition dans le temps qui passe au rythme des saisons et de la vie naturelle.
Equinoxes et solstices sont comme les quatre points cardinaux du cycle annuel, et par analogie, du cycle d’un jour ou d’une vie. Si l’on voulait positionner l’équinoxe de Printemps par analogie aux cardinaux géographiques et à la course quotidienne du soleil, elle correspondrait à l’Orient. Dans les temps anciens, l’équinoxe de printemps marquait le début de l’année, et en astrologie, il marque le début du cycle annuel.
[Les mystères d’Eleusis célébraient Déméter dont la fille, Perséphone, revenait chaque année du royaume d’Hadès son mari chez qui elle passait l’Hiver, et faisait ainsi reverdir la végétation. Les mystères d’Eleusis comportaient des rites d’initiation pour ses adeptes précisément aux équinoxes de printemps et d’automne.] L’équinoxe de printemps est donc depuis les temps immémoriaux, la fête du retour de la vie, de la sève montante, de la germination des graines, espoir de récolte. A l’inverse l’équinoxe d’automne est la fête de la récolte des fruits, de la vendange, mais aussi annonce de la chute des feuilles, temps des semis.
L’équinoxe de printemps est un temps particulier dans notre culture judéo-chrétienne avec Pâques. La fête de l’agneau pascal est sans aucun doute une survivance de l’antique rite de passage au nouvel an lors de l’équinoxe de printemps, qui est placé sous le signe astrologique du Bélier.
Notons au passage que l’endroit du ciel astral où se lève le soleil au moment de l’équinoxe, est un moment qui s’appelle fort justement en astronomie, le point vernal. Le signe astrologique du Bélier a été situé à ce point vernal pendant les deux millénaires avant la naissance de Jésus-Christ. Les deux millénaires précédents c’était le signe du Taureau. Ces deux derniers milles ans, le signe astral au point vernal a été le signe du poisson, et pour les deux milles ans qui viennent cela sera le signe du verseau. Ce phénomène astronomique (et non pas astrologique) s’appelle la précession des équinoxes et fait l’objet de considérations assez fumeuses parmi les néo-occultistes, comme les adeptes du New Age. C’est également parmi certains rationalistes obtus, un argument avancé pour dénoncer le caractère non réel de l’astrologie puisque le signe astrologique du moment ne correspond pas à la constellation astrale au lever du jour. Si je peux permettre, je dirais que chacun voit midi à sa porte, ou plus précisément chacun voit le lever du jour qu’il est capable ou qu’il a envie de voir.
L’arrivée du printemps marque le sevrage des agneaux, c’est le moment où l’éleveur peut prélever sur son cheptel des agneaux mâles. Les hébreux étant par tradition des éleveurs de mouton, il n’est pas étonnant que la Pâque juive corresponde à ce moment de l’année et comporte une telle symbolique autour de l’agneau.
La période de Pâques correspond également à une surabondance naturelle d’œufs de poule, après d’ailleurs une période de moindre production, et même d’arrêt de production, qui correspond au carême. Il n’est pas donc étonnant que l’œuf soit autant présent dans les célébrations de Pâques en Europe.
D’un point de vue plus spirituel, la Pâque juive est célébrée à l’équinoxe de printemps au moment où le jour recommence à être plus long que la nuit, afin que la Lumière chasse les ténèbres de l’esprit humain de la même manière que la lumière solaire l’emporte dans la nature. De même que les rabbis soufflent dans une corne de bélier, le sophar, pour annoncer la nouvelle année et la placer sous la protection de l’Esprit, la Pâque juive (Pessah signifie d’ailleurs purification mais aussi passage), commémore la Fuite d’Egypte et prépare à la traversée du désert vers la Terre Promise, le royaume de l’Esprit.
La Pâque chrétienne qui célèbre la résurrection de Jésus-Christ peut être considérée comme le prolongement (ou l’achèvement) de la pâque juive. A cet égard, Jésus-Christ représente l’agneau dit pascal, celui qui par sa mort et sa résurrection ouvre la voie du royaume de Dieu, la Jérusalem céleste, la véritable Terre Promise. Pâques est d’ailleurs la fête chrétienne dont la date est précisément calculée selon les astres, au premier dimanche suivant la pleine lune suivant l’équinoxe de printemps.
Il existe une cérémonie catholique du Samedi Saint dite office des ténèbres où l’on éteint toutes les lumières pour ne conserver que le cierge Pascal caché sous l’autel à partir duquel on rallume tous les autres cierges. Il est également une tradition catholique du Feu Pascal allumé rituellement par le prêtre, la nuit venue du Samedi Saint, qui dans l’Europe germanique est fêté comme une fête de la fertilité. On voit bien le maintien dans le cadre chrétien, sans qu’il y ait une quelconque contradiction, bien au contraire, de la survivance du rite de la lumière de l’équinoxe de printemps qui marque à la fois la victoire de la lumière sur les ténèbres et l’espérance d’une bonne récolte au moment où la végétation reprend force et vigueur.
J’aime personnellement le symbolisme du grain pour donner du sens, faire des liens symboliques entre le cycle solaire annuel et les cycles de la vie humaine. Au solstice d’hiver, on espère que le grain enfoui dans la terre germera. A l’équinoxe printemps, le grain germe, et l’on espère que la plantule donnera un épi. Au solstice d’été, on espère que l’épi donnera de nombreux grains riches que l’on pourra consommer ou garder précieusement pour être semés. A l’équinoxe d’automne, la récolte étant faite et stockée au grenier, il faut préparer le sol puis semer, et constater que le grain doit mourir pour renaître à nouveau.
En ce jour encore empreint de l’équinoxe de printemps, espérons donc que les grains qui germent en nos cœurs donneront de beaux épis que l’on pourra célébrer lors de notre solsticiale de la Saint-Jean d’été.