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Épanouissement maçonnique et sexualité
Jacques Fontaine , l’un de nos illustrissimes blogueurs : « Les empêcheurs de maçonner en rond , nous offre cette réflexion sur :
Épanouissement maçonnique et sexualité
Quel titre racoleur et ridicule ! On ne voit pas bien ce que vient faire la sexualité dans la Voie maçonnique ! Et pourtant la question ne se limite pas à la mixité en loge. Je vais plus loin :il n’y a pas de spiritualité, entre autres, maçonnique, sans un vécu intérieur et souvent inconscient de la sexualité. Et si, comme je le dis dans mes ouvrages, la Voie maçonnique serait « une spiritualité pour agir », il est impérieux de se pencher sur la question et d’y répondre.
La spiritualité, c’est tout et n’importe quoi. Quant à moi, après des décennies de réflexions, j’en viens à dire, en fonction du génie maçonnique, que la spiritualité est un chemin en plusieurs étapes. Toutes mêlées, selon les initié-es, bien entendu. En gros, voici la séquence confuse que nous sommes amené-es à suivre . D’abord le sempiternel et universel « gnothi seauton » du temple de Delphes, le « Connais-toi toi-même » auquel fut ajouté quelques siècles après : « …et tu connaîtras l’univers et les dieux ». Ça, on l’entend dès l’apprentissage, dans le flou pédagogique le plus complet. Puis vient l’époque de la fraternité : « Qui est l’autre et comment l’aimer ? » On suppose alors que les tenues favorisent le compagnonnage. En fait, les tensions et rejets sont plutôt fréquents. Je ne parle pas ici, à, propos de fraternité de la stupide « régularité, qui est un frein, que dis-je, « un frein ? plutôt la négation même de la Voie maçonnique et, ce faisant, d’un parcours spirituel. Celle-ci d’ailleurs pas n’a-t-elle pas pour caractéristique d’être universelle, comme le rapporte notre profond Frère Jean Mourgues ? Arrive alors le temps des plénitudes, celles de la vie, du sens qu’on lui donne, de l’harmonie intérieur…Autre plénitude : le sentiment de la mise en conformité entre ce que l’on prétend et ce que l’on fait. Au-delà des paroles, paroles, paroles qui aplatissent parfois nos tenues. Mais alors que vient faire dans ce chemin, la sexualité. J’y arrive et c’est la quatrième étape, si j’ose dire ; en fait tout est mêlé ; cela dépend de la loge, des individus, de leur profondeur de désir de réalisation…
Rappelons-nous d’abord ce qui risque de mettre bien mal à l’aise nombre d’entre nous, car les mœurs ont changé, du moins les jugements portés sur la sexualité. Pour cela, on sait scientifiquement désormais qu’il y a en chacun de nous hétérosexualité et homosexualité tout en mélange et tout en nuances.
Jusque dans les années 1970-80, les Francs-maçons étaient pour moitié d’entre eux des homophobes patentés : Les « bougres » ‘(la règle des « B » interdits à l’initiation : borgnes, bancals….)Il n’est que de lire la question à l’étude des loges sur les sexualités, travaillée à cette époque. Merci la sainte Bible, merci James et les autres. Moi-même, 50 ans de maçonnerie, je n’ai pas osé évoquer mon homosexualité à mes Frères pendant les premières décennies. Maintenant je considère que c’est une occasion de vie qui facilite parfois la progression sur cette phase de la spiritualité maçonnique. Heureusement la France ne lapide plus les homos !C’est le bon roi saint Louis qui fit brûler le dernier bougre ! Qu’il n’en soit pas béni !;
Alors, vient une étape, mot impropre car la Voie est mélange, amalgame, mixité, métissage….où s’impose, après les trois premiers cheminements, la nécessité d’imaginer un Principe créateur, une entité qui réponde de la planète, des vivants et du cosmos…bref je ne continue pas sur cette piste : Ont paru des tonnes de livres sur Dieu (les saintes Écritures), la Nature (Baruch Spinoza qui revient dare-dare à la mode chanta « Deus sive Natura) et notre inénarrable GADLU Ces ouvrages emmêlent les fils théologico-philosophico, bref apparemment spirituels, dans le florilège de l’apparence des mots et des croyances qui les traduisent. Et c’est là que les chercheurs, des malappris, introduisent la sexualité et ses deux références majeures, l’homo et l’hétérosexualité. Pourquoi : parce que toute Voie spirituelle, la nôtre en particulier ne peut se retenir de déclamer, de sentir débordée, inspirée et aspirée, de défaillir, dès qu’est évoqué :
Le TOUT et l’UN.
Parce que la sexualité qui est un des éléments qui construit grandement notre spiritualité, cogne à la porte de notre conscience : « Si tu m’oublies, tu n’iras pas plus loin ! ». L’inconscient est maître du jeu et la prééminence de la raison, tant adulée des Lumières est un vieil oripeau. Et que se joue-t-il dans le développement sexuel inconscient des hominidés ? Entre autre deux phases à l’entrée et au sortir de l’adolescence : Le désir sexuel pour le semblable d’abord puis celui pour le sexe opposé ensuite. Oui mais voilà : ces deux passages, chez les humanimaux (merci mon bon Daniel Béresniak) que nous sommes ont des destins différents : pour la plupart, la voie vécue est celle de l’hétérosexualité. Pour autant rien de ce qui s’est déroulé juste avant cet aboutissement physique et psychique, n’est effacé et joue toujours un rôle dans notre vie. Je vais choquer : psychiquement, les hétéros ont tous et toutes un soubassement homo. Et heureusement pour la vie en société. Mais je ne vais pas plus loin. Il y faudrait un livre que je n’ai plus l’âge d’écrire !
Problème majeur : les cultures, quasiment toutes, rejettent les homosexualités ; Encore merci la Bible (mais pas les Évangiles). Résultat : la majorité forte des femmes et des hommes, des Frères et des Sœurs se sentent, quoiqu’ils s’en défendent (mais de moins en moins aujourd’hui) , partagéé-es. Que dis-je, ce n’est pas assez fort !. Découpé-es en deux nécessités de vie. Alors ce dualisme nous laisse insatisfait, incomplets,malheureux . Et ce d’autant plus que tel ou telle impose, à titre d’argument, sons propre aveuglement, dans le genre : « je n’ai jamais senti ça chez moi….je le saurais bien quand même … » et autres billevesées rationalisantes. Alors la plupart d’entre nous causons du TOUT et de l’UN, en conversant comme dans un salon philosophique.
Mais j’en connais et plus d’un et plus d’une (j’ai comme l’impression que les femmes sont plus accueillantes d’elles-mêmes) qui cheminent vraiment vers l’Unité dans le Tout. Ils, elles, dans la descente du fil à plomb, sont parvenus à se regarder sans effroi. Pour enfin se réconcilier en soi-même et avec le plus profond de soi-même. Ainsi, faire disparaître les boniments dualistes et commencer à vivre l’UN, le TOUT dans la dimension de tout l’être : physique, émotionnel, conscient.
Alors à chacun-e de rechercher puis de reconnaître en lui, enfoui voire rejeté par la culture homophobe au nom de la normalité, elle, le phallus, lui, l’utérus. Alors tout se réunit dans la lumière du delta ANDROGYNE. Voici bien ce moment le dernier du cheminement mais aussi le premier, car l’androgynie palpite, indifférenciée, dans le ventre matriciel l’union qui devient unité, et la complémentarité se mue en harmonie. Certains sont, grâce à la nature plus enclins, à cette plongée. Je pense à certain-es de mes lecteurs hétéros qui vivent avec joie leur fraternité sexuelle et ; je pense aussi à ces homosexuels qui ont une chance extraordinaire : ceux qui sont plus réceptifs qu’émissifs et celles qui sont autant réceptives qu’émissives. Ceux, celles qui vivent le phallus et l’utérus dans la joie de l’univers et dans l’unité naturelle, quelle que soit la pratique physique. Ceux et celles enfin ceux qui sentent, dans leur intimité, ce que Jean de la Croix cria: « Je suis l’épousée du Ciel ». Nous pouvons être tous et toutes des Thérèse d’Avila, celle du Bernin, à Venise, dans l’extase de l’androgynie.