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ENTRETIEN TRANSPARENCE AVEC LE GRAND MAÎTRE DE LA GLDF : UKRAINE, ORDRE, RITE? ETC…

Le 24 mars 2022 à l’occasion de son déplacement à Cannes Pierre-Marie Adam, Grand maître de la Grande loge de France s’est entretenu avec le quotidien NICE MATIN – Entretien en toute transparence.

Article de NICE MATIN « Être franc-maçon au XXIe siècle, c’est être humaniste »: entretien avec le Grand maître de la Grande loge de France à Cannes

Pierre-Marie Adam, Grand maître de la Grande loge de France à Cannes, à l’occasion de la cérémonie anniversaire de la loge de la Vraie lumière. Ici dans le temple. Photo Patrice Lapoirie

Grand maître de la Grande Loge de France (GLDF) depuis juin 2018, Pierre-Marie Adam était à Cannes la semaine dernière à l’occasion des 150 ans de la loge maçonnique cannoise de la Vraie lumière.

Pierre-Marie Adam a multiplié les postes dans la hiérarchie de la GLDF: élu à trois reprises au sein du conseil d’administration de l’obédience dont il a été Grand secrétaire, puis Grand orateur.

À la veille de passer le relais à son successeur en juin prochain, il évoque son ordre et sa symbolique, la grande réflexion qu’il a lancée sur la place de son obédience dans la société de demain.

Il parle aussi de ses regrets de ne pas avoir réussi à enclencher la réorganisation et le rajeunissement de la gouvernance de son ordre.

Qui êtes-vous, Pierre-Marie Adam?

J’ai 75 ans, et j’ai été fonctionnaire de police aux Renseignements généraux. j’ai ensuite été détaché à la politique de sécurité et de prévention d’une commune dans le Nord, puis dans l’agglomération de Nancy où j’ai terminé ma carrière. Je suis depuis pensionné, comme on dit dans la Fonction publique. Mais, je n’aurai pas pu être Grand maître si je n’avais pas été dégagé de mes obligations professionnelles.

Qu’est-ce qu’être maçon au XXIe siècle?

C’est être un homme responsable, capable de raisonner, un humaniste qui apporte sa contribution solidaire et une réflexion métaphysique sur le sens de la vie.

Quelle est la spécificité de votre ordre?

Notre rite, le rite écossais ancien et accepté qui est la base de notre démarche maçonnique, va du 1er au 33e degré, dont la Grande loge administre les trois premiers degrés. Je ne suis Grand maître que des trois premiers degrés qui comptent 33.000 frères dont environ 10.000 continuent le parcours, au-delà du 3e degré, dans la juridiction du Suprême conseil de France dont le patron est le Grand commandeur de France.

Y a-t-il encore de la place pour ce type de rite?

Il y a une double orientation dans ce que nous faisons. Nous sommes dans un monde de l’immédiat, de l’instantané. On a le nez dans le guidon. On ne se donne pas le temps de se poser pour réfléchir, approfondir nos connaissances. Le fait d’entrer dans cette démarche, dans ce rituel, c’est se couper de la fureur et du bruit du monde. Ici, on réfléchit à ce qu’on est, à ce qu’on vit, comment on se comporte avec les autres. On le fait ensemble. C’est ce dialogue avec les autres qui nous permet d’avancer. Ici, la méthode consiste à écouter dans un premier temps. Un apprenti se tait. Et quand quelqu’un veut prendre la parole, il la demande et attend qu’on la lui accorde.

Cette évolution individuelle a-t-elle un impact sur la société?

Notre credo c’est parce que nous nous améliorons nous-mêmes que nous pouvons être et agir différemment, y compris dans le monde. Outre travailler sur le plan symbolique et initiatique, nous nous intéressons aussi aux progrès du monde, à la technique, la bioéthique, la laïcité, etc. Toutes les grandes questions qui sont la vie en société, l’humanité.

Quelle est l’origine de la Grande loge?

Ce sont des armateurs bordelais de retour de Saint-Domingue et de Caroline du Sud, en 1804, qui ont créé le premier Suprême de France qui administrait les 33 degrés. Et c’est le Suprême qui a accordé la gestion des trois premiers à la Grande loge de France. Ça ne s’est pas fait tranquillement, ils ont été contraints de libérer les trois premiers. C’est comme ça qu’on a deux structures de gouvernance.

Pourquoi êtes-vous à Cannes?

L’une des loges de Cannes, la Vraie lumière qui a été à l’origine de ce bâtiment [les frères, soucieux de discrétion, préfèrent ne pas donner leur adresse. Disons que le bâtiment est situé le long de la voie express] est née il y a 150 ans, nous nous réunissons ce soir [le 18 mars dernier] pour célébrer cet anniversaire et baptiser le temple du nom de son bâtisseur, Louis Lachazette (une histoire que nous évoquerons dans une prochaine édition].

Comment devient-on Grand maître?

Il faut avoir beaucoup de liberté d’action et pas trop de difficultés financières. C’est l’une des réformes que j’aurai voulu engager : essayer de changer notre mode de gouvernance pour que des hommes toujours en activité professionnelle puissent jongler avec les responsabilités maçonniques.

Est-ce si prenant d’être Grand maître?

Oui, parce qu’on cumule deux fonctions: la gestion de la maison qui compte peu d’administratifs et salariés, mais 33.000 frères, 9 millions d’euros de budget et 80 sites comme celui de Cannes, qui sont la propriété de la Grande loge. Sans compter tous ceux dont on aide les frères dans leur gestion. La Grande loge de France compte 925 loges. Il faut s’assurer que tout fonctionne normalement. Et puis la deuxième partie de ce travail c’est aussi être chef de l’ordre. Représenter l’obédience. Participer aux événements maçonniques qui se passent les week-ends et les soirs, comme à Cannes ces deux jours-ci.

Et comment avez-vous utilisé votre temps, vous qui êtes à la fin de votre mandat? Un mandat plus long que la moyenne…

Un mandat, c’est trois ans. En raison de la crise sanitaire et des confinements, nous avons décidé de neutraliser l’année 2019/2020. Pendant cette période de vacuité, j’ai invité les frères à réfléchir à la place que nous devrons avoir dans la société de demain. Ce que nous aurons à dire. Comment construire un monde plus équitable, moins discriminant, plus égalitaire. Depuis un an, on réfléchit sur tous les grands thèmes qui font que nous pouvons être utiles dans la société. On trouvera un aboutissement de cette réflexion en juin, date qui concorde avec la fin de mon mandat.

Une idée de ce que ça donnera?

Il y a eu un foisonnement de propositions que nous classerons par thèmes comme la solidarité, l’égalité, l’exemplarité de la maçonnerie, une communauté qui partage les mêmes grandes aspirations, placer l’Homme au milieu de son écosystème afin qu’il le protège, etc.

Votre position par rapport à la guerre en Ukraine?

Il y a des initiatives locales qui ont précédé l’initiative de la Grande loge de France, en particulier à Marseille ou en Pologne, loge issue du Nord de la France, pour répondre aux urgences et proposer des hébergements. Et la Grande loge a décidé de faire appel aux dons de toutes natures. Nous nous inscrivons sur le long terme. Nous voulons construire quelque chose de durable, en particulier sur les hébergements. Nous transférons les propositions d’accueil des membres des loges aux collectivités locales.

A.S.: