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D’OÙ VIENT LA FRANC-MAÇONNERIE ? SCIENCE ET VIE


La franc-maçonnerie par philosophe, ses symboles et ses rites, multiplie, à la société secrète de la Rose-Croix ou à la confrérie des maçons qui, au Moyen Age, ont bâti les cathédrales. Autant d’emprunts soulignés par Dan Brow, mais la filiation est-elle avérée ?

Source : Science et Vie

Rapprocher franc-maçonnerie, ordre des Templiers, fraternité de la Rose-Croix et bâtisseurs laisserait supposer que l’un de ces mouvements -religieux, mystique ou corporatiste – soit à l’origine de l’une des plus anciennes sociétés initiatiques de l’Occident Pour savoir s’il y a filiation, et avec lequel d’entre eux, la tâche est rude : il s’agit d’extraire les vraies racines historiques, philosophiques et morales du fouillis de suppositions concurrentes et de légendes entourant la naissance de la franc-maçonnerie. Tout d’abord, les Templiers seraient-ils les ancêtres des « fils de la lumière »? Cette thèse présente un point faible. L’ordre du Temple, fondé en 1120 pour protéger les pèlerins se rendant sur les lieux saints, fut aboli en 1312, sous les coups conjugués du roi de France Philippe le Bel et du pape Clément V.

Une filiation relue et reconstruite

Or, les premières loges maçonniques n’apparaissent, en Angleterre, qu’à la fin du XVIIe siècle, soit plusieurs siècles après la fin du Temple 1 Qu’à cela ne tienne, rétorquent les défenseurs de cette thèse. L’ordre aurait persisté secrètement après la mort de son dernier grand maître, Jacques de Molay Reste un problème : il n’existe aucune preuve historique, aucun indice scientifiquement pertinent permettant d’établir une filiation directe et continue. Comment cette hypothèse a-t-elle alors pu voir le Jour 7 Lorsque le mythe templier a repris force et vigueur, à la fin du XVIIe siècle, comme moyen détourné de contestation de l’absolutisme royal et des excès de l’Eglise romaine, « il a trouvé dans le corpus maçonnique naissant un terreau favorable, dit Yves Hivert-Messeca, enseignant chercheur et spécialiste de l’histoire de la maçonnerie. Le chevalier de Ramsay [le philosophe français] évoque en 1737 J’idée d’une liaison entre les deux institutions, mais il s’agit d’une filiation revendiquée, relue et reconstruite, qui fera florès durant tout le XVIIIe siècle dans certains grades (kadosh) ou ordres (stricte observance templière) maçonniques légende atteindra son apogée dans la première moitié du XIXe siècle [ … ] Des ‘blancs manteaux’, survivants des bûchers, auraient fondé, au XIVe : siècle, en Ecosse, la franc-maçonnerie pour venger, quatre siècles plus tard, les martyrs du Temple, en fomentant la Révolution française, régicide et anticléricale. Cette idée court parfois encore, aujourd’hui, [ … ] surtout dans les milieux antimaçonniques ou pseudo-ésotériques »

Une société influente et très secrète

S’agissant de la fraternité de la Rose-Croix, l’affaire est plus corsée. Car de nombreuses interrogations autour de cette société très secrète restent sans réponse. La question de ses origines n’est toujours pas tranchée. Tout commence avec la parution, en Allemagne vers 1615, de trois livres anonymes qui exaltent le désir de voir naître en Europe une chrétienté enfin réconciliée dans la vraie science et la vraie gnose: la Fama fraternitatis, la Confessio fraternitatis et Les Noces chymiques de Christian Rosenkreutz. Pour certains historiens comme Roger Dachez, président de l’Institut maçonnique de France, ces manifestes auraient été rédigés par des étudiants luthériens du « cercle de Tübingen » et se livrant par là à un ludibrium, une plaisanterie de jeunesse. L’absence totale de trace de l’existence d’un mystique allemand nommé Christian Rosenkreutz a poussé d’autres spécialistes à y voir un pseudonyme derrière lequel se cacherait le savant et philosophe anglais Francis Bacon. Une supposition que rien ne vient étayer.

Les choses auraient dû en rester là . . Seulement, ces textes jouissent d’une assez grande diffusion sur le Vieux Continent.  » La Rose-Croix, dès lors, aurait échappé à ses créateurs. Au milieu du XVIIe siècle et au XVIIe, de nombreux érudits se mettent à broder sur les thèmes présents dans les trois manifestes et les enrichissent de considérations alchimiques, astrologiques et kabbalistiques alors à la mode, explique Roger Dachez. Un mouvement littéraire original se crée, en même temps que ce que l’on peut appeler la ‘tradition’ ou la ‘fabulation rosicrucienne’.  » Ainsi les débuts de la Rose-Croix ne sont que légèrement antérieurs à ceux de la confrérie. Ce qui ne plaide pas en faveur d’une organisation et d’une maturité suffisamment abouties de la part de la première pour fonder la seconde. D’autant qu’aucun fait tangible ne vient établir quelque acte fondateur.


A.S.: