Dictionnaire vagabond de la pensée maçonnique de Solange Sudarskis (Dervy – 15 septembre 2017)
L ouvrage restitue, dans un esprit vagabond, quelques 1000 référents de la franc-maçonnerie, symboles, rituels, gestuelle, outils, mythes, fondements philosophiques…, enrichis par leurs interférences avec d autres cultures, spécialement celles des voies de la Connaissance (alchimie, gnose, kabbale…).
Le choix de la présentation alphabétique rend légère sa consultation par tout franc-maçon des loges bleues, mais n écarte ni la profondeur d analyse ni la largeur de vue des expressions. La terminologie retenue aidera le lecteur dans son parcours de recherche des levains intellectuels et spirituels qui fermentent la pensée maçonnique.
Il ne manquera pas de glisser d un élément à l autre dans cet ensemble rayonnant de vocables où, par le jeu des renvois, les affinités de sens réalisent un réseau de concepts concourant à montrer, dans la diversité des rites, la mêmeté ou plutôt l ipséité de toutes les démarches initiatiques.
Ce dictionnaire, qui ne se veut que suggestif dans la transmission de ce qui fait sens pour l auteur, a été conçu pour servir le perfectionnement individuel afin que chacun, par l effort, tisse sa propre toile d accès à une pensée maçonnique.
Biographie de l’auteur
Solange Sudarskis a été maître de conférences à l université Lyon 1-Claude Bernard ; chevalier de l Ordre des Palmes académiques ; initiée en 1977 dans la loge du Droit Humain, « Évolution et Concorde » ; membre fondateur de la loge du Droit Humain, « L arbre de Liberté » ; auteur de plusieurs ouvrages maçonniques.
Cet ouvrage a reçu le 19 novembre 2017 le prix de la maçonnerie française, dans la catégorie Essais (symbolisme), décerné par L’institut maçonnique de France
La pratique du symbolisme en Maçonnerie stimule la conscience par la recherche et la compréhension de la substitution des signes aux choses, du sens aux signes, du symbole au sens. Ainsi, le maillet, le fil à plomb, l’équerre, l’étoile, la lettre G, le blé, l’eau, le feu ne sont que l’expression matérielle d’une symbolique qui se substitue à la chose, cette substitution annonçant une substitution dans le monde des signes, dans l’ordre des concepts (droiture, volonté, équilibre, purification..). La substitution renvoie à un au-delà, à un invisible. Pour atteindre le sens, il faut en référer à un au-delà qui appartient à l’esprit ou qui n’est qu’esprit. Le sens est donc ce qui se substitue à une réalité invisible.
Le travail du symbolisme va précisément d’être attentif à la façon dont les symboles se substituent les uns aux autres par tropes (figures, analogie, métonymie, synecdoque, allégorie, parabole…) Avec la substitution, le sens est ce qui hante énigmatiquement un signe dont il est la substitution imagée, c’est ce qu’on appelle le symbolisme. (http://hautsgrades.over-blog.com/2015/05/de-la-substitution.html)
C’est pourquoi j’ai cherché à rassembler ce qui est épars et ceci en deux temps.
– Le premier a consisté à prélever sur mes expériences, sur les textes que j’ai pu aborder, les récents comme les anciens qu’il fallait vérifier à la source et sur les dialogues avec les frères et sœurs que je rencontrais, les éléments constitutifs de ma base de données des signes de ce que je considère comme une pensée maçonnique. Là intervient le vagabondage, parfois l’errance, ne me refusant aucun écart dans les domaines de toute connaissance connexe qu’un puriste maçonnique aurait peut-être délaissées.
– Le second temps s’est imposé. Entre ces données éparpillées s’est créé un réseau fluide en surface, plus souvent subreptice, qui faisait converger vers une unité, par analogie, congruence, correspondance, opposition, rapprochement, complémentarité, similitude, mêmeté, ipséité, un rassemblement de ce qui était en apparence épars. En ce point focal se trouve la source de ma compréhension. Cette compréhension approfondie et élargie par l’écriture de l’ouvrage est mon secret maçonnique, non parce qu’il y a interdit ou mauvaise volonté de ma part à le transmettre, mais parce que je ne le pourrai pas tant il est indicible : il est mon rapport personnel, au plus intime de moi, avec le Tout qui m’entoure.
Le Dictionnaire a vocation à proposer au lecteur de constituer son propre réseau de compréhension. Je ne lui transmets que quelques cailloux blancs pour lui faciliter ce qui indique le commencement d’un chemin, en aucun cas sa voie que lui seul peut tracer. Comme le bas-relief de la Sagesse sculpté sur le pilier central de Notre-Dame de Paris l’indique en tenant dans sa main deux livres, l’un ouvert, l’autre fermé, la vraie connaissance ne saurait être livresque ; elle ne peut résulter que d’un travail intime mené en soi et sur soi.
Pour ma part, je ne veux qu’être un franc-maçon libre dans une loge libre pour poursuivre cette expérience personnelle existentielle avec le doute fécond et l’esprit agnostique. Je suis sur la voie qui veut s’affirmer par elle-même sans que rien ne lui soit imposé de l’extérieur, celle qui ne condamne pas le choix des autres, celle qui s’est même nourrie de la voie imposant le dogme de la croyance définie à l’anglo-saxonne comme de la voie opposée qui, elle, a rayé de ses constitutions la référence du Grand Architecte de l’Univers. Cette troisième voie consiste à rassembler ce qui est épars en en faisant la synthèse dans la tolérance, en laissant à chacun sa liberté de pensée.
Avec Antoine Kervella, je dis que quels que soient les champs de leur extension, les savoirs se heurtent toujours à des limites et tout ce qui reste au-dehors de ces limites se maintient dans une sorte d’opacité. Pourtant, nous ne renonçons pas à vouloir parler de cet au-dehors ou au-delà. J’aimerais participer à la diminution de l’intensité de cette opacité, mais je sais il y a aussi et avant tout les mystères des émotions, des sentiments, des plaisirs et désirs, des affinités électives. Il y a l’énigme de la vie et de la mort. Il y a les dérives de l’irrationnel. L’initié est celui qui s’aventure dans ce qu’il ne sait pas pour y trouver quelques clairières de sens, qui aident à compenser son ignorance et à vivre en bonne intelligence avec autrui fut-il lui-même.