Fondée en 1772, la loge Thémis est l’une des six confréries de francs-maçons active à Caen. L’exposition proposée jusqu’au 25 septembre retrace son histoire mouvementée.
Des Francs-maçons de Caen se dévoilent au grand jour – Un article de Actu Normandie du 20 septembre 2022 Par Christophe Jacquet
Les Francs-maçons… une valeur sûre pour qui veut trouver un complot facile pour briller dans les repas de famille. Le « complot maçonnique », c’est justement une expression qui fait encore rire Pierre Draï, vénérable maître de la loge Thémis, l’une des six fraternités maçonniques à Caen (Calvados), et Emmanuel Thiébot, l’un de ses membres, historien et responsable du Mémorial des civils dans la guerre à Falaise.
Tous deux sont à l’origine d’une exposition sobre, documentée, retraçant les 250 ans d’existence de la loge Thémis à Caen. Elle est visible jusqu’au dimanche 25 septembre 2022 à l’église Saint-Nicolas. Avec des documents, des objets, des affiches et tableaux, qui révèlent une trajectoire pas si secrète. Pour Pierre Draï, ancien enseignant, « c’est la seule loge qui a existé sans discontinuer » à Caen, de sa formation en juillet 1772 à aujourd’hui.
Avec une parenthèse majeure, un trou noir qui aurait pu provoquer sa perte.
« Sous le régime de Vichy, elle a été dans l’obligation de fermer. »Pierre Draï
La mémoire dans une caisse en fer
Entre l’occupation allemande et les bombardements de juin 1944, ses locaux de la rue Neuve-Saint-Jean ont disparu. Tout comme sa mémoire. Du moins, un large pan. À l’arrivée des troupes ennemies en juin 1940, « un frère [comme s’appellent entre eux les membres des loges maçonniques] cache des archives dans une caisse en fer », explique Emmanuel Thiébot. « Elle a été enterrée chez un éleveur au Molay-Littry. Quand elle a été exhumée quatre ans plus tard, tout s’était décomposé. »
La bibliothèque constituée par la loge Thémis depuis 1808 connaît un sort encore plus rocambolesque. Les Allemands la saisissent pendant la guerre. « Elle est en partie retrouvée par le comité des biens spoliés en 1946 », poursuit l’historien, membre de la loge depuis 25 ans. « Mais des archives ont été confisquées par l’URSS en Allemagne. » Parmi elles, la patente de création de la loge Thémis datée de 1772. Ces archives y sont restées jusqu’au début des années 90. Il a fallu attendre la dissolution de l’Union soviétique pour qu’elles soient restituées au Grand Orient de France.
Des objets et des personnages connus à Caen
Dès sa création, la loge Thémis se réclame de cette obédience. C’est elle qui fournit tous les documents de la première moitié de l’exposition. Une partie didactique balayant en quelques panneaux l’histoire de la franc-maçonnerie en France. « Nous avons fait une demande en mai 2021 pour l’obtenir du musée de la franc-maçonnerie à Paris, au siège du Grand-Orient », précise Pierre Draï.
Il a fallu ensuite près d’un an de recherches à Emmanuel Thiébot pour réunir la seconde moitié de l’expo, peut-être la plus passionnante. En tout cas la plus incarnée. Par des objets, comme, bien sûr, le compas et l’équerre, symboles du travail des francs-maçons, qui trônent dans le chœur de l’église Saint-Nicolas, ou ce boulier de vote, fabriqué après-guerre avec les moyens du bord, à partir d’un chapelet récupéré, qui serait à l’origine du terme « blackbouler ».
L’expo met aussi en lumière des figures maçonniques plus ou moins connues à Caen, tels le sculpteur Charles Jacquier, présent dans la plupart des cimetières, le peintre Georges Deschamps ou le caricaturiste Pierre Lebigre, longtemps à l’ouvrage chez Ouest-France.
Bon courage à tous
FRATERNITE