GADLU.INFO compte un nouveau contributeur en la personne de Jérôme Touzalin.
Jérôme Touzalin est un dramaturge , responsable de la communication et membre du Conseil de l’Ordre, de la Grande Loge Traditionnelle et Moderne de France.
Voici donc la « Chronique (imp)pertinente de Jérome » :
Allez, vous ajouterez bien un peu de Modernité dans votre Tradition !
Maître mot de nos œuvres Maçonniques, mot auquel nous sommes tellement habitués ! Mot qui s’utilise tout autant dans le domaine du religieux que celui du plus pur profane.
Reconnaissons que, quel que soit le milieu qui l’utilise, la Tradition est toujours comprise comme étant le précieux conservatoire d’un autrefois qui aurait recélé toutes les vérités et dispensé tous les bonheurs.
Les hommes d’aujourd’hui n’ayant plus, alors, comme seule mission, que d’appliquer ce qui a été énoncé par la sagesse des hommes d’hier et surtout de n’en plus bouger. Retrouver la Tradition semble aussi confortable que de retrouver son lit douillet, le soir, après une longue journée de travail.
Ainsi deux mots, deux mots qui reviennent sans cesse dans les textes et les discours et qui trahissent parfaitement cette obsession d’un passé devenu référence inaltérable… Même si ces mots sont exprimés avec l’enthousiasme de l’élan, afin de prouver le dynamisme des hommes d’aujourd’hui, ces mots, hélas, loin de redonner des forces nouvelles conduisent bien souvent à faire un bond à reculons.
La Tradition par les racines :
Il y a ceux qui croyant sincèrement exalter la tradition parlent des « racines ». On les entend s’exclamer : « Il faut retrouver nos racines ! »… et l’on ne peut s’empêcher de les voir, armés de pelles et de pioches grattant la terre, cherchant avec une avidité gourmande d’animaux fouisseurs, ces fameuses racines qui seraient censées nous faire retrouver le sens de notre histoire, tel que les hommes antiques en étaient forcément pénétrés dans l’enfance de l’humanité… Et dans ces racines, lesquelles choisir ? Les plus courtes ? Les moyennes, ou les plus longues ? Celles qui vous feraient presque remonter aux temps préhistoriques ? Ou celles qui vous retiennent à quel grand siècle ? Quel est le temps véritable auquel il faut s’arrêter, dans tous ces temps incertains ?
La Tradition par les sources :
Il y a ceux qui parlent de « source(s) ». Ils tendent les bras, et en explorateurs inspirés s’écrient : « Il faut revenir aux sources ! » et les voilà, sac au dos, qui traversent les forêts, remontent les collines, les montagnes, bravent les aspérités rugueuses, et parvenus au sommet de leur quête, plongent enfin leurs mains et leurs gourdes dans le jaillissement de cette onde virginale, apaisant leurs lèvres de cette vérité pure et fraîche qui devait certainement inonder les premiers matins du monde… et ils écoutent d’une oreille apaisée les glouglous de la terre qui racontent la magie de ces temps d’excellence.
On sent bien que les uns, comme les autres, quelle que soit leur détermination à regarder l’avenir se figent involontairement dans le rêve d’un passé paré de toutes les qualités.
L’idée d’un paradis perdu, voire d’un âge d’or, qui nous aurait précédé, est une notion archétypale bien connue qui sommeille en nous tous et prend ces formes d’exaltations nostalgiques…
En appeler de cette manière-là, avec une telle insistance, aux époques mythiques, c’est la momification du temps devant laquelle on se prosterne ! Et cela enfante dans le discours quotidien les expressions dégradées que l’on ne cesse d’entendre, à travers les trop fameux : « Dans le temps c’était mieux ! » « On n’aurait pas vu ça autrefois ! » « Ce n’est plus ce que c’était ! »
Non, ce n’est plus ce que c’était… sans doute parce que ce ne devait pas être si bien que cela, quand cela était !
Si les temps anciens n’étaient que bonheur et enchantement, pourquoi en avoir quitté les règles et les usages ? Pourquoi les hommes intelligents qui vivaient alors n’ont-ils pas su nous transmettre ce monde si mirifique qui était le leur ? Ou pourquoi avons-nous dédaigné ces si belles valeurs, au moment où on nous les transmettait ?
La tradition heureuse que recèlerait le passé est une illusion. On confère à l’enfance de l’humanité le charme mélancolique que l’on attribue souvent à certains épisodes de notre propre enfance, c’est un souffle de la nostalgie qui passe.
Si l’on se prend à feuilleter nos livres d’Histoire, on ne peut pas dire que la paix, la félicité, la juste raison, aient régné entre les hommes, ailleurs que dans leurs rêves, contes et légendes, car leur vie n’a cessé d’être semée de guerres, de violences, de maladies, de famines, et bien d’autres méfaits parmi les plus cruels.
Qu’il y ait eu de beaux élans, des voix superbes, pour dire le bien, voire le sublime, pour faire entendre la sagesse, cela est certain. Cela ne fait pas, pour autant, des racines ou des sources le lieu à retrouver de toute urgence ; cela leur octroie leur seul rôle, mais qui n’est pas négligeable, qui est de donner une direction, et non un temps à retrouver.
L’homme n’est pas là pour réitérer, inlassablement, les mêmes gestes, les mêmes pensées… la terre, les astres, vivent en boucle et reviennent régulièrement par les points où ils sont passés, l’homme, lui, doit aller de l’avant, inexorablement.
C’est pourquoi, il me semble que la tradition, si elle demeure seule est bancale, comme la modernité seule serait creuse… L’une et l’autre ne peuvent être utiles que si on les associe. Ce qu’il faut c’est promouvoir cet oxymore bizarre quand on allie Tradition et Modernité. Mais on sait qu’un oxymore est fait pour que bondisse la pensée dans une direction inattendue, poétique souvent, imagée toujours… association de deux pôles opposés, médiatrice qui trace un chemin nouveau pour l’esprit.
La Tradition dans la Modernité devient affaire de mouvement vers l’avant, comme les générations d’hommes qui se succèdent.
Nous avons tous comme point commun d’aimer la vie, d’en faire le bien le plus précieux qui soit sur notre étonnante planète, alors souvenons-nous de ces mots du poète Blaise Cendrars, cette recommandation qu’il nous adresse : « Quand tu aimes, il faut partir, Ne larmoie pas en souriant, Ne te niche pas entre deux seins, Respire, marche, pars, va-t’en ».
Tradition et Modernité, c’est se sentir dépositaire de l’incandescence créatrice, constater que depuis ces temps lointains l’humanité a parcouru une longue route, mais avoir conscience qu’on ne rebrousse pas chemin sur cette route là ! On ne reprend pas le cours des temps comme on reprend sa page d’écriture. Il faut cesser de s’abandonner à ce vague à l’âme du passé qui nous vide de notre énergie et rend vaine les conquêtes nouvelles. La vérité est devant, pas derrière… la vérité est à trouver et non à retrouver.
Comme le disait le compositeur Gustav Mahler : « La tradition, c’est la transmission du feu, ce n’est pas l’adoration des cendres ! »
Est-il un Frère, parmi nous, qui aurait oublié sur quelles vertus fondamentales d’action, emprunte d’altruisme, d’humanité, de tolérance, d’écoute de l’autre, d’approfondissement de notre culture personnelle, reposent les fondations du Temple que nous avons à bâtir ?… Comment ne serions-nous pas toujours d’équerre avec ces valeurs traditionnelles-là. Notre temple est loin d’être fini, nous le savons, s’obséder dans la tradition c’est en reprendre sans cesse les plans, nous n’en sommes plus là, nous avons érigé des colonnes, la fin du chantier n’est pas encore pour demain, tant reste à faire.
Alors, la Tradition, je la veux bien quand elle affirme que notre foi en l’homme demeure intacte. Et j’attends de l’indispensable Modernité, qu’elle fasse tout pour que notre voyage se poursuive… en marche avant…
Jérôme Touzalin GLTMF Novembre 2016
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Il est temps de construire des ponts entre philosophie et franc-maçonnerie pour aller de l'avant.
Bon courage à tous
FRATERNITE
Retrouvons le sens des mots avant de les utiliser.
La difficulté, c'est qu'en Français, la plupart des mots sont polysémiques... c'est ce qui fait leur charme aussi... ainsi, ils deviennent des valises qui sont emplies de sens différents, qui vont chacun de leur côté, se donnent la main ou s'affrontent... quoi qu'il en soit, on ne cesse de jouer avec eux, pour notre grand plaisir.