Dans le cadre des 40 ans de la Grande Loge Mixte de France, Christiane Vienne, Grand Maître – et ancienne ministre wallone de la santé – donnera une conférence samedi 28 mai à Bastia, sur le thème de « la place de la femme en Corse et en franc-maçonnerie ». À cette occasion, elle revient, pour CNI, sur le rôle de la franc-maçonnerie et sa place dans la société corse.
La Corse est une terre de franc-maçonnerie » affirme Christiane Vienne, Grand Maître de la GLMF – un article de CORSE NET INFO
– Pouvez-vous nous présenter la Grande Loge Mixte de France ?
– Nous sommes, comme notre nom l’indique, une loge mixte. Mais nous allons au-delà, car nous sommes une loge paritaire, peut-être même la seule loge paritaire de France. Cela donne à notre pratique maçonnique une dimension très égalitaire. C’est notre grande particularité. Nous sommes aussi une obédience qui accueille des gens de toutes confessions religieuses, des laïcs aussi. Nous nous situons dans le respect le plus pur de la liberté de conscience, et de la laïcité. Et nous réussissons, non seulement à cohabiter, mais à vivre notre franc-maçonnerie de manière très riche. Si je devais donner un mot pour caractériser ce que nous sommes, je dirais : diversité.
– Et si vous deviez définir la franc-maçonnerie, que diriez-vous ?
– Nous sommes là depuis toujours pour établir des espaces de dialogue entre des gens qui ne se seraient jamais rencontrés si nous n’existions pas. Ce que nous offrons dans l’intimité de nos loges, c’est un espace clos de réflexion où l’on peut à la fois épanouir sa personnalité, et, grâce à l’altérité, mener un travail sur la société. Nous sommes un espace très particulier, qui peut paraître en décalage avec le monde dans lequel nous vivons, mais c’est justement cela qui fait notre intérêt et notre richesse. Dans nos loges, nous pouvons enlever nos masques sociaux et être totalement nous-mêmes et en pleine confiance les uns avec les autres pour apprendre, évoluer et réfléchir. Et ensuite, à l’extérieur, remplir nos tâches en franc-maçon, avec un niveau d’exigence élevé en matière d’éthique.
– Quel est le contexte de votre venue en Corse ?
– Je suis grand maitre de la grande loge mixte de France, et nous fêtons cette année nos quarante ans d’existence, donc je fais un tour de toutes nos loges. Nous en avons 270, et 5 000 membres. En Corse, nous avons 8 loges et 180 membres. Je viens les rencontrer comme je le fais partout en France afin de voir avec eux, dans cette période d’après-covid, comment ils se portent et comment va la franc-maçonnerie dans leur région.
– Que ressort-il de ces rencontres ?
– Avant tout, c’est la difficulté qu’ont eu nos frères et soeurs, pendant cette période de crise, à se réunir. Les visioconférences ont pallié l’absence, mais pas suffisamment. C’est donc un grand soulagement de se retrouver physiquement et de pouvoir recommencer à travailler ensemble. Cette période a été difficile à vivre, parce qu’on ne peut pas être franc-maçon seul dans son coin ! On l’est dans sa loge, dans un groupe où l’on peut échanger. Nous avons perdu un peu de nos membres, c’est loin d’être une hémorragie, mais nous en avons tout de même perdu environ 7 à 8%, et nous retrouvons maintenant à nouveau une activité plus normale, et même plus forte qu’elle ne l’était avant le Covid. Il y a un grand besoin de se retrouver, d’échanger, de partager des réflexions en commun. Le fait d’aller un peu partout me permet aussi de mesurer la sensibilité des régions. Même si la franc-maçonnerie est universelle, c’est clair qu’il y a des nuances entre les territoires.
– La Corse est justement, un territoire singulier, le connaissez-vous ?
– Je ne connais la Corse que superficiellement. Mais j’y ai de nombreux amis. Et ce que je ressens, de l’extérieur, c’est une grande fierté d’être Corse. Il y a beaucoup de solidarité entre nos frères et soeurs de Corse, peut-être même plus qu’ailleurs. C’est un élément qui me touche et qui m’a marqué, ce sentiment d’appartenance à la franc-maçonnerie mais aussi à la communauté corse.
– L’implantation de la franc-maçonnerie en Corse est-elle importante ?
– Sur l’île, la moyenne des francs-maçons de toutes obédiences est de 12 000. Proportionnellement, c’est un peu plus que sur le continent. La Corse est une terre de franc-maçonnerie. Historiquement, il y a depuis le début de la Franc-Maçonnerie des francs-maçons en Corse. Pour notre obédience, nos loges correspondent à ce qu’il se fait un peu partout, avec cette différence qu’elles sont très actives. Elles ont une très belle vie, elles fonctionnent bien. Donc c’est un maillon important de notre chaîne.
– L’île a connu des évènements violents ces derniers temps, la Franc-Maçonnerie peut-elle aider à rétablir le dialogue ?
– Les émeutes ont créé un climat où, bien évidemment, le dialogue devient complexe. Maintenant, il ne faut pas surestimer la franc-maçonnerie. Mais, il est vrai, notre mission, c’est de « rassembler ce qui est épars ». Comme je le disais, nous créons des espaces de dialogue entre des gens qui, sans doute, ne se seraient pas rencontrés. Nos frères et soeurs ont cette préoccupation de travailler au dialogue, donc je crois que nous pouvons avoir à notre niveau, à notre échelle, une petite influence, dans la mesure où les valeurs que nous partageons en loge, nous les partageons aussi à l’extérieur. En tout cas, il ne peut y avoir de solution durable que lorsque personne ne se sent lésé, lorsque chacun se sent respecté dans ce qu’il est, et lorsqu’on arrive par l’échange à trouver un équilibre.
– Un mot sur le thème de la conférence que vous donnerez samedi : « la place de la femme en Corse et en franc-maçonnerie »?
– La Franc-Maçonnerie, si on la prend dans sa toute grande majorité, est masculine et anglo-saxonne. Nous sommes un peu une bulle, la franc-maçonnerie libérale française. Donc, même si la place des femmes est en constante évolution, même s’il y a une grande prise de conscience, malgré cela, la place de la femme dans la Franc-Maçonnerie reste encore un questionnement. Pas pour nous en tant qu’obédience mixte, mais pour les autres, et pour la société. Marie Ferranti abordera la question de la femme dans la société corse, et cela sera mis en parallèle avec la femme dans la franc-maçonnerie. C’est une réflexion intéressante pour nous, pour nos frères et soeurs, mais aussi pour le public.
La conférence aura lieu le samedi 28 mai à 16 heures 30, à l’hôtel Le Bastia.
Contact – Inscription : sambucucciudalando@yahoo.fr