Conte pour Enfants de Sept ans et plus de René-Pierre AMSELLE (05/01/1998)
Il était une fois un grand-père heureux et impatient. Heureux car il avait un petit-fils, le plus beau des petits-fils ; impatient car son petit-fils arrivait pour fêter son septième anniversaire. Sept ans ! Le grand-père attendait depuis la naissance de son petit-fils ce jour important.
Enfin la voiture s’immobilisa dans la cour. Du balcon, grand-père regardait fièrement sa fille Virginie, son gendre Jo, et Jean-Baptiste son petit-fils qui demain aurait sept ans.
Grand-mère enleva le tablier qui lui ceignait la taille, le déposa sur la table de la cuisine et courut embrasser tout son petit monde. Grand-père les rejoignit pour leur souhaiter la bienvenue.
L’on parla de la santé des uns, du travail des autres, de l’école et des choses sérieuses dont les grandes personnes aiment tant discuter. Le repas du soir se passa dans la même ambiance. Jean-Baptiste commençait à avoir les paupières qui se fermaient toutes seules.
Un rendez-vous important et secret. Il n’en fallait pas plus pour aiguiser la curiosité du petit garçon. Il n’avait presque plus sommeil. Pourtant, il alla se coucher sans poser d’autre question sachant qu’il n’obtiendrait aucune réponse supplémentaire.
Le lendemain matin, après le petit déjeuner, Jean-Baptiste et son grand-père chaussèrent leurs baskets et enfilèrent leur blouson. Dans une musette, ils mirent un encas préparé par grand-mère et promirent d’être de retour pour le repas de midi, pour ce fameux repas d’anniversaire.
Jean-Baptiste était tout excité. Il saisit fermement la main de son aïeul et, lui emboîtant le pas, demanda où ils allaient :
Jean-Baptiste ne comprenait pas très bien ce que disait son grand-père. Mais cela n’avait pas d’importance. Il allait découvrir un endroit secret. Alors que pouvait-il exister de mieux pour un jeune garçon ?
Après avoir traversé le pré du père Mac Bena, ils atteignirent la lisière de la forêt. Un petit chemin leur apparut au milieu des buissons. Ils le suivirent et s’enfoncèrent entre les grands arbres aux troncs verticaux, au feuillage verdoyant. Bien que le soleil brillât depuis plusieurs heures, la fraîcheur fit frissonner Jean-Baptiste. De plus, la lumière du jour était atténuée par les feuillages touffus et enchevêtrés. Le grand-père et le petit-fils marchèrent le long du sentier pendant au moins une heure.
Jean-Baptiste tenait toujours fermement la main de son grand-père ; peut-être un peu plus fermement qu’au départ de la maison : il était très impressionné par ces arbres immenses et la diminution de la clarté du jour.
Un petit ruisseau coupait le sentier. Ils le franchirent en marchant sur de grosses pierres plates. De temps en temps, un oiseau s’envolait en poussant un cri aigu ou un lapin détalait devant eux.
Ils continuèrent à marcher et, au détour d’un immense buisson d’épines, le sentier déboucha dans une clairière.
Jean-Baptiste fut ébloui par la clarté de la lumière. Il se frotta les yeux, plissa les paupières et resta ébahi : devant lui au milieu de cette clairière inondée de lumière du jour étaient dressées trois grosses et hautes pierres disposées en rectangle. Sauf qu’il en manquait une pour faire le quatrième angle du rectangle.
Jean-Baptiste avait lâché la main de son grand-père et s’avançait en direction des menhirs.
Jean-Baptiste fit le tour des trois menhirs. Il les toucha, recula pour mieux voir leur taille, enfonça son petit index dans les fissures des pierres dressées ; colla une oreille contre chacune d’elles.
Tout au long du chemin, Jean-Baptiste posa mille questions à son grand-père sur les pierres dressées, les fées, les âmes, la mort.
Comme il n’avait pas pris le temps de manger l’encas préparé par grand-mère, Jean-Baptiste eut un appétit d’ogre. Il dévora les différents plats cuisinés par grand-mère et maman. Au dessert, il souffla les sept bougies traditionnelles et reçut des cadeaux dont une bande dessinée qui expliquait comment les hommes préhistoriques dressaient les menhirs. Sur la première page, grand-père avait écrit au stylo à plume « A tes sept ans et plus ». La signature était ornée de trois petits points disposés en triangle : Jean-Baptiste trouva cela très original.
Les années passèrent. Grand-père vieillissait. Jean-Baptiste grandissait. Il eut un métier puis il épousa Myriam. Et ce fut lorsque le ventre de Myriam commençait à être rond qu’un télégramme arriva : grand-père décédé cette nuit.
Myriam accompagna Jean-Baptiste qui rejoignit sa famille chez ses grands-parents. Grand-mère, bien que très âgée, vint à lui et le serra fort dans ses bras, puis raconta :
Jean-Baptiste la serra contre lui et déposa un baiser sur son front.
Les dernières volontés de grand-père furent respectées ; il fut incinéré ; et pendant la crémation du corps, Jean-Baptiste posa la main sur le ventre rond de Myriam :