Un marchand avait un frère qui s’était retiré du monde pour prier
Dieu durant de nombreuses années, dans le dénuement le plus total de l’ermite.
Un jour, le marchand vit l’ermite arriver à sa boutique en chevauchant un lion.
Tous les passants s’écartèrent terrifiés tandis que l’ermite dit à son frère :
— O mon frère, n’aie pas peur, ce lion est doux comme l’agneau.
Le marchand, ravi de revoir son frère après de si longues années,
lui demanda ce qu’il avait fait, seul, dans le désert durant tout ce temps.
— J’ai prié Dieu, dit l’ermite et celui-ci m’a gratifié de quelques présents.
Tiens, regarde cette jarre, elle contient de l’eau, n’est-ce pas ?
— Oui, lui dit le marchand.
— Va goûter l’eau, mon frère.
Le marchand goûta l’eau et trouva que c’était du vin.
— C’est du vin, mon frère.
— Oui, dit l’ermite, tu vois les prodiges dont je suis capable.
— Mon frère, je suis désolé de te demander cela,
mais il faut que je m’absente de la boutique une minute.
Peux-tu me garder l’échoppe et renseigner les clients s’il en passe, le temps que je revienne ?
L’ermite était gêné et dit :
— Mon frère, crois-tu que je saurais faire ?
— Mais oui, je n’en ai que pour une seconde.
Une fois le frère parti,
une demoiselle d’une grande beauté
décida d’arrêter sa route devant l’échoppe pour y acheter quelque étoffe.
Elle adressa la parole de sa belle voix cristalline à l’ermite.
— Mon ami, pourriez-vous me conseiller ?
L’ermite ne répondit pas, devint rouge et paniqua.
Il renversa la cruche de vin qui se brisa au sol en découvrant de l’eau et le lion,
sagement endormi à ses pieds, lui sauta dessus et le dévora.