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CONNAIS -TOI TOI-MÊME : LE NAVIRE DES VOLEURS


« Je ne suis plus la personne que j’étais. » On entend souvent cette phrase, surtout quand il s’agit de vieillir et, on l’espère, de devenir plus sage. En effet, nous ne sommes plus la même personne que nous étions. Au fil du temps, nos cellules meurent, se régénèrent, s’ajoutent, se suppriment, changent, se métamorphosent, et finalement nous avons toutes de nouvelles cellules. Mais nous conservons notre nom, nos souvenirs, nos vies. Ne sommes-nous plus la même personne ?

On pourrait dire que c’est le cas, bien sûr. Ou le sommes-nous vraiment ?

Nous nous accrochons à notre identité comme des lingettes assouplissantes à des chemises en coton brûlantes. Dans notre esprit, nous sommes ce que nous avons toujours été. Nous sommes cet enfant de douze ans qui nageait dans le lac ainsi que cet adulte qui a eu son premier emploi dans la restauration rapide. Nous nous souvenons d’événements, de créations ou de possessions et nous les affirmons comme nôtres.

À l’inverse, nous prétendons que notre « moi » existe grâce à ces choses. Nous ne changeons pas, ou si nous changeons, c’est à un rythme glacial. Nous fixons notre identité dans le temps et l’espace et, tel un astronaute, nous y plaçons un drapeau et proclamons qu’il nous appartient, qu’il s’agit de notre « véritable » identité : savoir qui nous sommes.

Dans une conversation récente avec un collègue franc-maçon, je parlais du navire de Thésée . Le paradoxe est rapidement expliqué dans cette vidéo :  Le paradoxe du navire de Thésée . En substance, la question est la suivante : à quel moment le navire cesse-t-il d’être le navire de Thésée et devient-il quelque chose d’autre ?

Si l’on retire une planche du navire et que l’on la remplace, on  peut généralement convenir que le navire est toujours le navire de Thésée. Mais à quel moment répare-t-on suffisamment de pièces cassées pour que le navire devienne quelque chose d’autre ? Mon collègue était convaincu que le navire restait et resterait toujours le navire de Thésée. Pour lui, l’idée d’identité reste liée à la « chose » généralement reconnue, même si la somme de ses parties n’est pas originale.

À l’inverse, l’argument est le suivant : si je suis un voleur et que je vole lentement les pièces du navire de Thésée, que je les remplace par des pièces identiques, que je prends les pièces originales et que je les assemble dans mon jardin, à qui appartient le navire de Thésée ? Au propriétaire originel ou à moi ?

Mon ami a dit que c’était le propriétaire initial qui l’avait fait. Je ne suis pas d’accord. Si je prends un tableau du Louvre et que je le remplace par un tableau identique, et que tout le monde le reconnaît comme étant le « tableau », qui possède le « vrai » tableau ? Aux yeux de mon collègue, ai-je donc vraiment volé quelque chose ?

Je soutiens que j’ai, à tout le moins, volé la certitude du navire de Thésée . J’ai volé, ou j’ai potentiellement volé, l’idée du navire. Mais ces réflexions douloureuses ont un but : elles nous aident à déterminer notre identité – les réponses à la question : Qui suis-je ?

On peut trouver un article brillant sur ce sujet sur Brainpickings . Je vous encourage à regarder les autres courtes vidéos de ce site : non seulement celle sur Qui suis-je est stimulante, mais elle contient également des liens vers d’autres grandes questions de la vie. Comment puis-je savoir que j’existe ? Quelle est la nature de la réalité ? Mais je m’égare.

La question est de savoir à quel moment notre moi cesse d’être « nous » ? Est-ce lorsque toutes les cellules de notre corps se sont remplacées ? Qu’en est-il des nouvelles voies neuronales ou des cellules cérébrales ? Si nous remplaçons une jambe, un bras ou un cœur, sommes-nous la même personne ? 

Les francs-maçons vivent selon le dicton « Connais-toi toi-même », qui ornait également l’ oracle de Delphes  au temple d’Apollon. Nous devons d’abord comprendre ce qui constitue notre « moi » et à quel moment ce « moi » devient quelque chose d’autre. Je pense qu’il s’agit d’une exploration qui dure toute la vie et, puisque le moi subit constamment des changements, sommes-nous toujours ce que nous étions ? Peut-être pas.

Mais alors, où sommes-nous passés ? Notre identité perdure-t-elle ? Si oui, comment ? Qu’est-ce qui fait de nous ce que nous sommes ?

J’ai posé une question à mon collègue franc-maçon sur les clones, ce qui nous a conduits sur une voie complètement différente, en discutant des jumeaux identiques et autres. Le temps fait-il une différence ? Si une planche est pourrie sur le navire de Thésée et qu’elle est remplacée, est-ce que cela fait perdurer l’identité, par opposition au remplacement d’une « nouvelle » planche ? Si je change d’avis sur ce que je ressens à propos de quelque chose, suis-je toujours la même personne ? Et si je crée de nouvelles habitudes ? Et alors ?

Nous cherchons toujours à comprendre notre véritable nature, mais celle-ci est en perpétuel changement. La Franc-Maçonnerie nous enseigne les cycles de la vie, de la mort, de la renaissance, de la nature et de la science. Elle nous enseigne tous les mystères de la vie. Si la stagnation est la mort et le changement la vie, comment pouvons-nous être la même personne à chaque instant ? C’est peut-être le mystère que nous devons toujours poursuivre : une découverte constante et persistante de qui nous sommes et de ce que nous faisons.

Par Kristine Wilson-Slack

A.S.: