Voici la traduction d’un texte polonais sur la symbolique et le symbolisme du Compas et de l’Equerre que j’ai trouvé sur le Net.
Le texte est d’un dénommé « Dominico Rossi«
1. Introduction
Plus de questions que de réponses
En Franc-maçonnerie, tout est symbole. Cette assertion, maintes fois entendue, maintes fois lue, ne reflète, peut-être, qu’une partie de la réalité. En effet, si le symbole facilite la communication, pousse à la réflexion ésotérique, réveille l’intuition et donne ainsi accès au mystère, il ne peut être qu’un intermédiaire entre le message, son contenu, la manière de le comprendre et de le traduire dans notre comportement comme dans nos actes quotidiens.
Le travail intérieur du Maçon ne devrait-il pas toujours déboucher sur des actions concrètes, à la recherche du Bien dans le cadre de la Loge comme dans celui de la famille et de la vie socioprofessionnelle? Si non, à quoi servons-nous, quel est le but de notre idéal de liberté et de fraternité?
Cette question, je me la suis souvent posée, en particulier après la lecture d’un texte introductif, très court, de notre T.C.F :. Préparateur qui écrivait en substance : il est difficile de parler des travaux que se doit de réaliser un Maçon alors qu’en vérité son ouvrage devrait se traduire par des actes. Plus loin, dans la même veine, notre F :. Préparateur soulignait que les apprentis s’interrogeaient souvent (trop ?) sur le pourquoi de la timidité de la Franc- Maçonnerie sur le terrain profane. Je ne devais donc pas être le seul à m’interroger sur ce point quelque peu iconoclaste aux yeux de certains. Ouf !
A plus d’une année de mon initiation, de ma naissance à la Lumière, cette question reste pour moi sans réponse malgré mes efforts laborieux pour polir ma pierre brute, ciseau et maillet en mains, et m’intégrer ainsi harmonieusement dans la Loge.
En m’ouvrant de mes difficultés à mon F:. Préparateur, en m’étonnant devant lui de cette apparente primauté du symbolisme dans notre Loge par rapport, peut-être, à notre discrétion face à l’action dans le domaine profane, responsable de l’instruction pour les Apprentis me proposa «l’Equerre et le Compas au niveau de l’Apprenti» comme sujet de Planche de passage au grade de Compagnon.
J’avais osé la question qui me titillait depuis des mois ; à moi maintenant de découvrir les outils pour y apporter une réponse non sans avoir pu bénéficier des conseils de notre F :. Préparateur.
2. Développement
Pour le profane : l’équerre et le compas, de simples outils
L’Equerre et le Compas, deux instruments sans mystères, presque vulgaires quel que soit leur usage, leur forme ou leurs destinataires. Le premier, pour le géomètre, le dessinateur, l’architecte, le menuisier, le charpentier ou le maçon sert à tracer ou à élever des angles droits ; il est fixe. Le second, fait de deux branches articulées à une extrémité, pour pratiquement les mêmes métiers, permet de dessiner des cercles et de rapporter des mesures; il est mobile.
Chacun, dès son plus jeune âge, les a observés, manipulés avec plus ou moins de dextérité sans savoir qu’ils appartenaient depuis la plus haute antiquité aux outils indispensables aux grands bâtisseurs et à leurs ouvriers. L’Equerre et le Compas, au même titre que la corde à nœuds, la règle, le fil à plomb, la truelle, le maillet et le ciseau ont constitué les instruments indispensables à la construction de toutes les merveilles du monde, des pyramides égyptiennes, aux temples grecs ou romains, comme aux cathédrales du Moyen-Âge et aux palais de la Renaissance.
L’Equerre et le Compas nous viennent en ligne directe de la Franc-maçonnerie opérative mais leur valeur symbolique remonterait, selon la littérature, à la pensée chinoise antique. Pour celle-ci, leur couple signifiait déjà bonnes mœurs. Ce sont les outils du géomètre bâtisseur tels que les plus anciens textes connus de la Franc-maçonnerie (?) nous les auraient présentés en 1390 et 1425 (manuscrits Regius et Cooke). La Franc-maçonnerie, déjà discrète et bien structurée, organisait, entre autres choses, la transmission des techniques d’utilisation des outils de Maçons à d’autres Maçons, de générations en générations.
Alors que la Franc-maçonnerie spéculative a près de trois cents ans, les profanes , aujourd’hui encore, n’ont qu’une vision purement utilitaire des ces deux instruments. Et pourtant, ces derniers sont présents, visibles presque partout en tant que symboles, cela même en dehors de la Franc-Maçonnerie. Les profanes peuvent en effet les voir au fronton de maints édifices, de notre Temple par exemple, ou sur les vêtements et bijoux de certains de leurs amis Francs-maçons. Par manque de curiosité pour l’ésotérisme, malgré tous ces indices, enfermé dans les ténèbres de la vie quotidienne, le profane ne perçoit l’Equerre et le Compas que comme deux des instruments de l’architecte. Rien à voir avec deux des Grandes Lumières de l’Art Royal, le chemin tracé par le Grand Architecte de l’Univers.
L’initié : de l’instrument au symbole
Au contraire, l’initié lorsqu’il a reçu la Lumière, découvre une réalité tout autre. Après avoir effectué les trois voyages et prononcé par deux fois un serment solennel d’engagement, de droiture et de discrétion, une première fois en tant que récipiendaire, une seconde en tant qu’Apprenti, le nouveau Frère est un homme si non nouveau du moins aspirant à le devenir. Il sait désormais, que l’Equerre, deuxième Grande lumière après la Bible, est la marque de la justice et de la droiture. Il vient d’apprendre, lors de sa première instruction, à rentrer dans le Temple les pieds formant un angle droit, s’engageant ainsi sur l’honneur à toujours agir selon le droit et le devoir. Plus tard, face au Vénérable, l’Apprenti s’est mis à l’ordre, comme au grade- à-vous, le bras gauche allongé et tendu sur sa cuisse, la droite repliée à l’horizontale dans le prolongement de l’épaule, l’avant bras et la main tendus, à plat, au niveau du cou sur la pomme d’Adam. Son corps, ses membres forment alors une Equerre, solide et ferme, face à celle qui pend sur le poitrail du Vénérable mais dont la forme est différente puisque sa hauteur ne représente que les trois quarts de sa base.
Concernant le Compas, la troisième Grande lumière, symbole entre autres, de l’amour fraternel et universel, le chemin qui sépare le profane de l’Apprenti tient également pour l’essentiel au rituel du premier grade, donc à la première initiation à l’Art Royal, héritage de la Franc-maçonnerie opérative et objectif ô combien exigeant de notre idéal maçonnique. Cette consécration, cette prise de contact avec le compas, sa pointe nue appuyée sur mon cœur, ma main droite posée sur les statuts de l’Ordre, fut l’un des moments les plus émouvants car certainement parmi les plus énigmatiques de mon initiation.
L’apprenti : de la matière au réveil dans le doute et l’incertitude
L’initiation avait éveillé en moi des besoins insoupçonnés d’ésotérisme, des appétits que je croyais assouvis à jamais. Elle m’avait appris à me méfier des trésors matériels, des apparences, des idées toutes faites. Restait à travailler, à tendre vers la connaissance, vers l’excellence puisque la perfection n’est pas de ce monde. Ce fut le début de mes lectures maçonniques, un effort que j’aurais souhaité moins solitaire même s’il est vrai que l’on ne saurait confondre parcours initiatique avec cours ex cathedra.
Voici donc venu le temps de mesurer le chemin que j’ai effectué avec vous en un peu plus d’une année, de faire le point sur mes connaissances d’Apprenti, de vous montrer ce que m’inspirent et m’ordonnent l’Equerre et le Compas, afin de me soumettre à vos questions et à votre jugement. Hier, profane, j’étais aveuglé par le matérialisme de notre quotidien mais j’étais serein dans les ténèbres ; aujourd’hui, Apprenti, je doute mais je m’acharne à évacuer mon scepticisme par la méditation, mes lectures et les trop rares discussions avec mes Frères.
Conclusion
Le silence, l’écoute, le cœur, la raison ; ensuite, seulement l’action
Qu’ai-je retiré des ces lectures, de ces contacts, de ces réflexions ? Qu’en ai-je conclu qui puisse éclairer désormais ma route maçonnique d’un jour nouveau?
L’Equerre et le Compas sont deux des trois Grandes Lumières de la Franc-maçonnerie. Placés sur l’autel, sur le plateau devant le Vénérable, ils s’imposent d’emblée à l’attention du nouveau Frère que je suis. Contrairement à la Bible, la première des trois Grandes Lumières, dont la présence sur l’autel, même au niveau du symbole, paraît à certains comme inopportune, à d’autres comme illogique, l’Equerre et le Compas, à quelques nuances près, ne prêtent guère à discussion quand bien même quelques auteurs tentent d’établir entre eux une hiérarchie : quel outil est né le premier, quel est le plus significatif, le plus déterminant?
Pour la grande majorité des auteurs, l’Equerre et le Compas sont indissociables. Ils ne peuvent pas être étudiés séparément car leurs fonctions, parfois distinctes, sont néanmoins convergentes.
L’Equerre est le premier outil du Franc-Maçon. Il est destiné, rappelons-le, à tracer des angles droits afin d’obtenir des rectangles, des carrés, des losanges, des croix orthogonales, certains labyrinthes, etc. C’est l’emblème de la régularité, de la droiture, de l’équité et du devoir. Il exprime la terre, la matière, la pierre qu’il sert à rectifier. Selon J. Boucher, il représente, en un sens, l’action de l’Homme sur la matière et, dans un autre sens, l’action de l’Homme sur lui-même. Quant à O. Wirth, qui semble dans les « Mystères de l’Art Royal » lier davantage la Règle que l’Equerre au Compas, il écrit: «sans Equerre, pas de taille correcte, d’où le culte de l’Equerre pour le Maçon.»
Le Compas, à la différence notable de l’Equerre, est mobile. Il sert à tracer des cercles, des arcs de cercles, à prendre et à reporter des mesures. Il est l’emblème de la précision. Son maniement est souvent mal aisé mais ses pointes acérées lui assurent une bonne prise sur la pierre. C’est pourquoi, alors qu’elle fait de l’Equerre un instrument passif, la Tradition accorde au Compas une nature active. Ce dernier, au demeurant, permet à ses deux branches de s’écarter jusqu’à se transformer en une ligne droite tendant comme la Règle vers l’infini. En ne s’ouvrant qu’à l’angle droit, il devient Equerre, indice de la rectitude, autre et impressionnante dualité. Qui plus est, sa forme rappelle celle d’un homme debout, un être tout de contrastes. Pour J. Boucher, le Compas évoque la vie de l’Esprit. O. Wirth, quant à lui, remarque, en substance, que le Compas donne la sensation d’un infini temps limité dans l’espace; il serait par conséquent le symbole du relatif ; sa tête à deux bras s’écartant à volonté, il mesurerait le domaine que peut atteindre le génie humain, le connu au-delà duquel s’étend l’immensité de l’inexploré, provisoirement inconnaissable.
Oserai-je ici préférer une autre explication, une interprétation qui m’est plus proche, celle de Gédalge dans son Dictionnaire Rhéa, mentionnée par J. Boucher dans son ouvrage la «Symbolique maçonnique». Je cite : le cercle centré par le point est la première figure qu’on peut tracer à l’aide du Compas ; cette figure est l’emblème solaire par excellence ; elle combine le Cercle (infini) avec le point (symbole de toute manifestation…); elle ajoute: l’Absolu et le Relatif sont donc représentés par l’action du Compas qui lui-même offre la figure de la dualité (branches) et de l’union (tête du Compas).
Equerre et Compas : deux fonctions distinctes mais convergentes ; des symboles différents mais indissociables car complémentaires ; en quelque sorte, la réunion des contraires, de l’actif et du passif, de l’action et de la réflexion.
S’arrêter à cette constatation reviendrait à tronquer la symbolique maçonnique et, surtout, à en diminuer considérablement la portée, la subtilité.
On ne peut, selon Plantagenet, lui demander plus que sincérité et confiance, il est donc contraint de garder le silence en Loge. N’ayant pas encore réussi à se défaire de sa gangue matérialiste, il profite de parfaire l’écoute de ses voix intérieures et l’entendement de ses Frères. Il développe ainsi ses capacités de réflexion et renforce la maîtrise de ses impulsions. Ses yeux se sont ouverts à la Lumière, ses oreilles et son cerveau sont d’ores et déjà en alerte mais son cœur doit encore se déverrouiller. Alors seulement, il entendra ce qui est dit et non qui parle. Il pourra enfin aspirer à être un homme libre dépourvu de toutes entraves matérielles et de tous préjugés.
L’Equerre et le Compas au degré de l’Apprenti, donc pour moi, symbolisent le début de ma route maçonnique, une voix difficile mais que j’espère longue et féconde. Avec l’aide de mes Frères, je m’efforcerai d’agir désormais sans gesticulation, après mûre réflexion, avec mesure et rigueur. J’abandonnerai, ou je tenterai d’abandonner, le paraître, le clinquant, pour le mieux être, le mieux faire : le cœur et la raison plutôt que le verbe et le geste.
J’aimerais citer ici une affirmation qui me paraît résumer fidèlement, après mes lectures et mes réflexions, mon état d’esprit et mes espoirs d’Apprenti. Dans son ouvrage «Symboles des Francs-maçons», Daniel Béresniak explique: L’Equerre et le Compas ne sont pas des objets exerçant un pouvoir par eux-mêmes. Ils sont des outils conçus par l’homme pour l’assister dans l’exercice d’un pouvoir qu’il se reconnaît sur le réel. Le symbolisme éclaire le sens de ces outils car il les montre comme les images de l’esprit qui les conçoit et les crée. L’Equerre et le Compas sont des symboles parce qu’ils réfractent dans la matière les formes de l’esprit. Et, plus loin surtout, ce même auteur assène : Le cherchant ne doit pas se contenter de mémoriser ce fait. Le travail sur le symbolisme commence avec la question: pourquoi?
Rabelais disait que science sans conscience n’est que ruine de l’âme. En réponse à la question de Daniel Béresniak et en tant qu’Apprenti, je conclurai: action sans réflexion ni raison n’est que chaos ou anarchie; ce n’est certainement pas la voie la plus harmonieuse pour construire le Temple de l’humanité.
L’étude des symboles est fondamentale pour essayer de comprendre le monde .
Bon courage à tous
FRATERNITE