Communiqué du Collectif Laïque National du 19 mars 2021 – Laïcité à Mayotte : Appliquer la départementalisation jusqu’au bout
Depuis le 31 mars 2011, 240 ans après son acquisition par la France, Mayotte est devenue le cinquième département d’outre-mer et le cent-unième département français, avec l’approbation massive de la population consultée par plusieurs referendums.
Ce territoire de la République, dont la population est considérée à 95% musulmane, jouissait auparavant d’un régime ambigu : il faisait coexister un « statut personnel » hérité du colonialisme et faisant application de la charia, et le droit civil de la République. Ce statut personnel était évidemment défavorable aux droits des femmes (polygamie, mariages précoces, répudiation, inégalité devant l’héritage), et de la famille. Tout individu gardait néanmoins le droit d’y renoncer explicitement et d’opter pour le droit civil. Les cadis, juges coutumiers appliquant le droit religieux musulman aux Mahorais sous statut personnel, étaient salariés par la République.
La conséquence de la départementalisation, effectuée sous l’empire de la Constitution de 1958, ne pouvait être que l’application des lois et règlements de la République, notamment la loi du 9 décembre 1905 relative à la séparation des Églises et de l’État.
De fait, la situation des femmes a été améliorée (âge de 18 ans requis pour se marier, interdiction de la polygamie et de la répudiation). Certes, ces avancées sont incomplètes, car le « statut local de droit civil » persiste ; de même, le projet de loi « confortant le respect des principes de la République » exclut encore partiellement Mayotte des dispositions contre la polygamie. Néanmoins, la justice cadiale a été supprimée : désormais, seul le juge de droit commun est compétent, y compris en matière d’application du « statut civil de droit local ». Les cadis ne sont plus agents publics.
Or, le département, par une convention qu’il vient de passer avec la ville de Mamoudzou et qu’il souhaite étendre aux 17 villes de Mayotte, accorde un rôle de « médiateurs » aux cadis. Cette convention leur permet de trancher les litiges de voisinage et de jouer un rôle de conseil et de surveillance des associations liées à la jeunesse et enfin de « contribuer à la transmission des valeurs éducatives et à la promotion de l’identité culturelle de Mayotte ».
Il s’agit là d’un formidable retour en arrière, qui méconnait les principes élémentaires de la République. Le département confie ce faisant à ces autorités religieuses une mission de maintien de la paix civile qui relève de l’État, de sa police et de sa justice. Le préfet et le procureur sont en pratique dessaisis d’une partie de leurs prérogatives.
Le Collectif Laïque National estime que cette mission relevant de l’ordre public, confiée aux religieux par le département sans opposition de l’État, ainsi que la consolidation du séparatisme qui en résulte, sont tout le contraire du respect du principe constitutionnel de laïcité, seul garant de l’égalité et de la paix dans la République.
Il demande aux autorités compétentes, nationales et locales, de prendre les mesures nécessaires au respect des principes de la République, dans ce département comme dans les autres.
Fait à Paris, le 19 mars 2021