Pensées à Claude DARCHE qui nous manque tant !
Claude Darche avait rejoint GADLU.INFO pour une chronique toute en beauté et symbolisme !
En mai 2015, Claude Darche nous contait :
LES QUALITES ET VERTUS D’UN FRANC MACON
La Franc maçonnerie est l’école de la tolérance et de la vertu, vertu au sens de morale, car nous en avons bien besoin de cette morale qui nous structure et nous permet le bien vivre ensemble, qui nous éduque et permet à chacun et à chacune d’entre nous d’exprimer ses différences, de nous en enrichir, tout en nous retrouvant sur des bases solides et fermes, celles de l’initiation .
Voyons d’abord ce qu’est-ce que la morale ? C’est l’ensemble de ce qu’un individu s’interdit à lui-même, non pour augmenter son bonheur ou son bien être, ce qui ne serait qu’égoïsme, mais pour tenir compte des intérêts ou des droits de l’autre, mais pour n’être pas un » salaud « , mais pour rester fidèle à une certaine idée de l’humanité et de soi. La morale répond à la question, que dois-je faire ? C’est l’ensemble de mes devoirs , autrement dit des impératifs que je reconnais légitimement – quand bien même il m’arrive comme tout à chacun de les violer. C’est la loi que je m’impose à moi-même , ou que je devrais m’imposer, indépendamment du regard d’autrui et de toute sanction ou récompense attendue. Une action n’est bonne que si le principe auquel elle se soumet peut être érigé en loi universelle : agir moralement c’est agir de telle sorte que tu puisses désirer, sans contradiction, qu tout le monde se soumette aux mêmes principes que toi. Cela rejoint l’esprit des évangiles, ou l’esprit tout court, tel que Rousseau le définit » fais à autrui comme tu veux qu’on te fasse « .
Il s’agit de ne pas être indigne de ce que l’humanité a fait de soi et de nous, il s’agit de faire bien l’homme, comme disait Montaigne, et dûment, autrement dit de réaliser au mieux notre humanité en faisant, quand nécessaire, notre devoir. Cela ne tient pas lieu de bonheur, et c’est pourquoi la morale n’est pas tout, cela ne tient pas lieu d’amour, et c’est pourquoi la morale n’est pas l’essentiel. Mais aucun bonheur n’en dispense , mais aucun amour n’y suffit : c’est dire que la morale toujours reste nécessaire.
La FRANC MACONNERIE n’est pas le système D , ni une solution miracle, c’est une école d’éveil, d’écoute, de respect, et surtout de travail . Ce qu’elle peut proposer aux hommes et aux femmes , un espace et un outil, un lieu et une méthode .
Le lieu, c’est la loge elle –même, l’espace philosophique où le temps d’une tenue des hommes et des femmes se réunissent , lieu temporel et spirituel, situé dans l’espace et dans le temps, lieu de rencontre entre des êtres humains que les conditions de vie, les activités professionnelles, les croyances religieuses, les convictions politiques, les nationalités tenaient éloignés les uns des autres, lieu d’un échange véritable , d’un échange qui suppose la reconnaissance en chaque homme de la liberté et la présence en lui de la raison, mais aussi du respect et de la générosité d’esprit et de cœur . Dans le même temps, il ne peut y avoir de dialogue si l’on ne pense pas que le désir le plus profond de l’homme est désir de vérité et si on ne reconnaît pas à chaque conscience la liberté de chercher la vérité . Tout dialogue implique une tolérance réciproque et l’idéal de la tolérance n’est pas un idéal dépassé ; Et certes aujourd’hui, beaucoup nous disent rechercher et souhaiter le dialogue avec les autres hommes. Mais cherchent-ils ou souhaitent-ils un dialogue authentique ? Ou seulement sa caricature ? Ce qu’ils souhaitent le plus souvent, c’est de parler eux-mêmes et qu’on les écoute , ce qu’ils veulent le plus souvent c’est la « mort « de l’autre conscience, c’est-à-dire la soumettre à leur propre opinion . Voilà pourquoi beaucoup de dialogues ressemblent à une polémique et souvenons-nous que polémique vient du polémos qui signifie guerre. Sous prétexte de dialogue, nous assistons à la guerre de tous contre tous, à des efforts de domination des uns sur les autres . Le véritable dialogue consiste aussi à s’écouter l’autre s’enrichir de sa pensée et à rechercher l’épanouissement de chaque conscience dans la recherche commune de la vérité.
La Loge maçonnique nous offre un lieu et un outil, l’initiation est un chemin , un processus, qui veut amener le franc maçon des ténèbres à la lumière, l’aider à opérer une conversion de son regard intellectuel vers la Connaissance , conversion qui ne doit pas toucher seulement le savoir, le connaître, mais l’être intérieur de l’homme, car c’est par l’initiation, la recherche incessante de la vérité que l’homme pourra se rendre libre. La Loge est en ce sens outil et œuvre de libération . La pensée symbolique veut amener le Maçon à comprendre que le monde de l’ici et du maintenant , celui de l’apparence, n’est pas le tout du monde, qu’il existe autre chose derrière le voile de l’apparence , que l’être est au-delà de l’objet.
Le Rite, quant à lui, veut permettre au Maçon, de retrouver une discipline, une Règle, une Loi . La fonction du Rite comme celle de l’initiation et du symbolisme est d’entraîner le maçon à dépasser le profane pour aller vers le sacré, à le conduire de l’homme de la nature à l’homme de l’esprit. L’initiation, le symbole, le rite permettent au FM de se dépasser lui-même et de créer les conditions de ce dépassement, de reconnaître que l’homme qu’il est n’est pas l’être réduit à soi et séparé, mais relié au Cosmos, aux autres hommes . La situation du maçon est complexe , il y a toujours une distance entre ce qu’il est et ce qu’il veut être, ce qu’il doit être. Elle signifie la distance qu’il y a entre la réalité et l’idéal et qu’il doit faire entrer cet idéal dans la réalité. Dans l’âme du maçon, il existe une sorte de mélange de certitude et de doute, car le FM est à la fois un être habité par la foi et un être habité par le doute. Il croit à la Vérité, à la Justice, au Bien, au Bon, au Beau, mais il doute dans sa lucidité de jamais les atteindre, et les réaliser dans leur intégralité et leur totalité. Ainsi une certitude qui se nourrit de son doute et un doute qui se nourrit de sa certitude, dans une sorte de tension dialectique, car la FM ne prétend pas nous apporter en quelque domaine que ce soit , une vérité totale, absolue et définitive, car l’homme n’est qu’un homme , fini, imparfait, et souvent aveugle. Mais ce même homme est aussi tension, désir d’infini et de perfection. Dès lors sa fonction est de lui apporter une méthode pour l’éclairer, de lui indiquer une direction, de lui montrer un chemin, et de susciter en lui une espérance . La loge, disions-nous au début de cette planche est un lieu, mais plus qu’un lieu, elle est une sorte de Havre, de Port, une Porte vers la Lumière.
La quête maçonnique s’articule autour de quelques idées force , qui étaient celles des maçons du 18ème et qui restent celles des maçons du 21ème siècle . Celle de la reconnaissance d’une Vérité universelle , d’une Lumière qui éclaire tous les hommes , s’ils veulent bien se tourner vers elle. Celle d’une liberté qui habite la conscience de tout homme , qui est inaliénable et que l’on ne saurait lui enlever, car ce serait lui enlever sa dignité d’homme . La Franc-Maçonnerie affirme à la fois l’universalité et l’éternité de la Vérité et la liberté de sa recherche . Cette Vérité ne saurait se découvrir immédiatement, sa découverte suppose d’abord la volonté d’aller vers elle de toute son âme, elle suppose du courage,de la persévérance, un travail incessant . L’honneur et la fierté du maçon c’est le travail, un travail qu’il mène à bien , en son âme et conscience, être un homme juste, humain, un être généreux, compatissant, ouvert , debout, car le maçon est un être qui résiste, qui ne plie pas aux règles sans les comprendre et les reconnaître comme nécessaires, un être qui sait tout à la fois donner et recevoir.
La Franc Maçonnerie nous demande dès de début de notre quête du courage. Le fameux connais-toi toi-même prend ici toute sa signification, et cette invitation à se connaître n’est pas seulement une interrogation d’ordre psychologique et sociologique , il faut l’entendre dans son sens moral, dans sa signification métaphysique. Elle est une invitation à la découverte de l’homme dans sa dimension éthique, métaphysique et spirituelle, une invitation à reconnaître quelle est son origine et quelle est sa destination. C’est à cette condition que de vagabond, nous deviendrons pélerins, en pérégrination vers un but. C’est parce que nous apprendrons à découvrir d’où nous venons , de quel passé, de quelle mémoire, de quelle tradition sa vie et son âme sont faites, que nous pourrons découvrir une direction à son chemin, un sens à sa vie, trouver une espérance .
Vivre, c’est d’abord rendre sa vie, son existence utile, utile à soi-même au sens où nous apprenons et répercutons ce que nous apprenons dans nos existences , et vivre c’est aussi agir, non pas au sens de ré-agir, mais au sens de choisir une action ou des actions qui nous mèneront sur un chemin de réalisation personnelle mais également universelle. Le MACON ne voyage pas seul, il est toujours avec, il œuvre pour.
Travailler en maçon , c’est faire œuvre d’utilité générale, c’est se mettre au service de la collectivité à laquelle l’individu se dévoue. L’apprenti reste égoiste, en sens qu’il travaille sur lui-même et qu’il poursuit son propre perfectionnement, il applique le précepte : charité bien ordonnée commence par soi-même. Afin de pouvoir donner, il faut acquérir, il faut savoir acquérir à soi, prendre et s’approprier…. Il vient un temps où l’individu atteint son maximum de croissance, le midi de sa vie. La collectivité dont il fait partie intégrante réclame alors ses droits. Elle exige que l’individu , sans s’oublier lui-même et sans négliger sa propre conservation, prenne de plus en plus conscience des intérêts généraux et qu’il sache y subordonner les siens ( Oswald Wirth, le livre du Compagnon)
Morale peu courante de nos jours, où la société de loisirs et d’apparence tente de prendre en vain le pouvoir. Je dis en vain, car chacun au fond de soi cherche le sens de sa vie et ce sens , il ne le trouvera que par un travail, une activité, un engagement.
Si la Genèse , comme châtiment suprême, dit à l’homme : tu travailleras à la sueur de ton front , la philosophie maçonnique dit à l’être : tu seras libre de travailler et d’y trouver les plus grandes joies possibles. Car le travail n’est pas seulement le moyen de vivre et de faire vivre ses enfants, sa famille, la dure nécessité à laquelle nous devons nous soumettre pour subsister, il est aussi l’instrument qui permet à l’homme de s’élever , de trouver sa place propre dans la société et aussi dans l’histoire . Comme l’écrit le Père Chenu « le travail est la production d’une œuvre , c’est en produisant une œuvre , en se subordonnant à elle , en se soumettant à ses lois que l’homme au travail trouve sa perfection d’homme » ( pour une théologie du travail ).Ainsi pour le maçon opératif, le travail n’est pas réduit à la seule finalité économique, il devient outil de perfectionnement intérieur et d’élévation spirituelle ; Ainsi la loge des Free Masons apparaît à l’époque médiévale « comme le lieu et l’outil d’une mutation dans le statut du travailleur et de l’homme lui-même « ( l’idée maçonnique, Henri Tort Nouguès) ;
Au terme de ses voyages, le maçon doit réaliser son chef d’œuvre, chef d’œuvre sur lequel les jugements seront toujours nuancés, la perfection ne sera jamais atteinte, qu’il s’en souvienne. Cependant il doit continuer à œuvrer pour approcher de près cette perfection, il doit affiner son ciseau, tracer le trait , buriner encore et encore, œuvrer dans un souci constant de beauté et d’harmonie.
Si l’homme du quotidien travaille pour vivre, l’ initié vit pour travailler.
Sans le travail, sans l’action, l’homme végète et s’endort. Travailler avec et pour les autres , s’intéresser au bonheur universel de tous les hommes , agir en conséquence, pratiquer la fraternité dans toute son amplitude , voilà bien ce que l’on appelle se sentir exister.
Tout ce qui existe ici-bas le concerne et l’interpelle. Il rejette l’indifférence et se tourne vers la tolérance et la reconnaissance des différences qui enrichissent , qui ouvrent et motivent l’homme, le maçon est celui qui choisit de vivre autrement en faisant sienne la grande loi de la fraternité sur terre :
Ne fais pas autrui ce que tu ne voudrais pas qu’il te fasse.
C’est aussi celui qui ne vit pas que du présent mais réfléchit et anticipe l’avenir, élabore les plans pour le futur, il se sent responsable de lui-même bien sûr, des êtres qu’il chérit, mais aussi de tous les autres femmes et hommes qui vivent sur cette terre, il se sent responsable de l’univers et ne fait pas partie de ces gens qui disent : après moi, le déluge ! non, il est de ceux qui disent : oeuvrons, travaillons, transmettons, vivons d’espérance et de joie, et quand l’heure de la mort viendra, acceptons la avec humilité comme la fin de notre existence terrestre. Je suis encore dans cette grande chaîne d’union qui nous relie, et là où je vais, s’il y a quelque chose à faire, je le ferai.
Voilà la morale et l’honneur d’un Maçon.
Un maçon sait qu’il n’est point parfait, il a compris qu’il était humain, c’est-à-dire de nature, complexe, et que son choix d’être initié , d’avoir continué son chemin initiatique, ne fait pas de lui un sur-homme ou une super-femme. Au contraire, il va apprendre et comprendre que tous ses efforts, parfois désespérés, pour avancer , seront réduits à néant s’il ne cultive pas trois vertus essentielles : la compassion qui est la grande force d’amour de l’humanité, l’humilité qui toujours nous remet à notre place face à l’immensité de l’univers et à son fonctionnement fait d’ordre et de démesure, le courage de s’affronter soi-même, de ne pas mettre un voile sur nos passions, nos erreurs, nos joies, nos défis et nos sentiments,le courage de se voir tel que l’on est , pas toujours glorieux ou parfaitement glorieux, mais nous-même, toujours, vivant, debout, résistant.
Etre maçon c’est tenter de vivre sa vie non plus en spectateur mais en acteur, en metteur en scène, c’est se lancer dans l’aventure de l’existence avec curiosité, spontanéité, joie, c’est tomber sous les coups et toujours se relever, c’est enfin accepter d’être ce que l’on est et non plus vivre en rêvant d’un autre que nous ne serons jamais. C’’est exister avec nos talents et nos manques , c’est enfin faire le tri de l’essentiel et du superflu.
En chemin, l’être comprendra qu’il n’y a rien à comprendre, que la vie suit son cours, que le cancer touche tout le monde, même nous, que celui ou celle que l’on aime ne partage pas forcément nos sentiments, que l’enfance peut être brisée sans raison , qu’il n’y a rien à gagner , rien à expier, juste à vivre, du mieux qu’il le pourra et à mourir du mieux qu’il le pourra. Entre, de l’amour et de la force pour construire inlassablement l’édifice, son temple intérieur qui rejaillira, un jour ou l’autre, sur le temple extérieur de l’humanité.
En homme juste, il apprécie chaque jour qui passe simplement pour ce qu’il est, pour le travail qu’il a pu accomplir, pour ce soleil qui se lève et se couche, pour l’ordre du monde tel qu’il est. Cet ordonnancement suprême de la nature et de l’univers le dépasse, mais avec le temps le remplit de joie silencieuse et souriante, la vie est une acceptation joyeuse, il y a toujours en nous quelque chose à élaguer, une part qui meurt et une autre qui renaît. A L’infini…
Claude Darche
Claude Darche, née le 15 juillet 1958 à Saint-Cloud, est une auteur d’ouvrages concernant l’ésotérisme et la franc-maçonnerie. Elle fut grand maître de la Grande Loge féminine de Memphis-Misraïm de 2002 à 2006. Aujourd’hui, elle se consacre à ses domaines de prédilection : le symbolisme du tarot, l’intelligence, intuitive, les phénomènes de synchronicité, le coaching. Elle est membre du comité scientifique du Musée de la franc-maçonnerie.
Sites de Claude Darche :
Bibliographie de Claude Darche :
- Les poèmes de l’île, éditions Saint Germain des Près, 1973
- Ouvertures, poèmes publiés aux éditions Saint Germain des Prés, 1978
- Initiation Pratique au Tarot, éditions Dangles, 1992
- Le Grand Livre des Tarots, éditions Solar, 1993
- La Pratique du Tarot de Marseille, Éditions du Rocher, 1994
- Le Grand Livre de l’Astrologie, Éditions Solar, 1995
- Libérez votre intuition, Éditions du Rocher, 1995
- La Maîtrise du Tarot de Marseille, Éditions du Rocher, 1997
- Le Tarot, Voie de l’Amour, Éditions du Rocher, 2000
- Initiation Pratique au Tarot Égyptien, Éditions Dangles, 2002
- Le Tarot de Mademoiselle Lenormand, Éditions Dangles, 2003
- L’Oracle de Belline, Éditions Dangles, 2004
- Images du Patrimoine Maçonnique, Tome II, Les Hommes, Detrad, 2004
- Le vade-mecum de l’Apprenti, Dervy, 2006
- Le vade-mecum du Compagnon, Dervy 2007
- Le vade-mecum du Maître, Dervy 2008
- Tarot, outil de développement intérieur, Éditions Dangles, 2008
- Le vade-mecum des Hauts Grades, Éditions Dervy, 2009
- Le Tarot divinatoire, Éditions Eyrolles, 2009
- Développer son intuition, Éditions Eyrolles, 2009
- Le vade-mecum des Ordres de Sagesse du Rite Français, Dervy, 2011
- Méditations dans le Temple, Dervy, 2012
- Femme de Lumière, roman initiatique, Ed du Désir, novembre 2014
- Le vade-mecum du Second Surveillant, Dervy, 2014