L’éditorial belge « La Libre.be » a publie le 10 novembre 2011, un article de Christian Laporte intitulé « Catholiques et francs-maçons: vers l’ère de la transgression ? » qui nous compte au travers du livre d’Hervé Hasquin, « Les catholiques belges et la Franc-maçonnerie. De la rigidité Ratzinger à la transgression » les relations entre catholiques et francs-maçons.
Quand est il de ces relations ? Quel avenir les uns et les autres vont ils construire individuellement et ensemble ?
Les rapports entre catholiques et francs-maçons vont du dialogue sincère à l’affrontement stupide. Hervé Hasquin éclaire ces hauts et ces bas qui ont aussi singulièrement marqué notre histoire politique.
Sur des sites Web chrétiens qui flirtent avec l’intégrisme et dont les zélateurs sont souvent plus catholiques que le Pape, mais aussi dans des cénacles plus classiques de l’Eglise belge, la franc-maçonnerie est encore vue comme une puissance ennemie voire diabolique (!) qui veut faire table rase de l’enseignement du Christ et de l’action ecclésiale. Inversement, dans certains ateliers maçonniques adogmatiques, l’on met toujours volontiers un curé bien dodu entre ses tartines. Le rapprochement entre hommes et femmes de bonne volonté mais surtout mûs par de mêmes idéaux démocratiques face aux thèses anti-démocratiques et liberticides est-il donc vraiment impossible ? Non si l’on admet que cela entraîne nécessairement une transgression, ce dernier acte étant vu comme une vertu, pas comme un vice. Et puis, tout au long des trois siècles de coexistence plus ou moins pacifique entre l’Eglise et la maçonnerie, notre pays ne s’est-il pas démarqué par de nombreuses tentatives de dialogue sincère entre ceux qui fréquentent les églises et ceux qui sont en quête d’une meilleure connaissance d’eux-mêmes dans les ateliers ? C’est la conclusion d’un nouvel ouvrage d’Hervé Hasquin sur les rapports entre les catholiques belges et la franc-maçonnerie. Un livre qui vient à son heure même si actuellement les positions respectives restent bloquées en raison de l’intransigeance romaine ou plutôt ratzingérienne et de l’obstruction de certains courants laïcards pour qui l’Eglise a raté le rendez-vous avec la modernité. Au-delà de la double préface encourageante qui n’émane pas par hasard de deux grands professionnels des médias – en d’autres temps, les responsables des émissions concédées à la RTB pas encore F avaient aussi fait montre d’une heureuse ouverture… – le mérite d’Hasquin est de relancer le débat à partir d’une approche sereine.
Ainsi, l’historien de Silly nous rappelle à juste titre qu’à la base, la franc-maçonnerie belge était de souche catholique. Plus d’un clerc brava les interdits de Rome et ses textes excommunicateurs afin « d’assurer son salut de chrétien et son perfectionnement d’homme » à l’exemple du marquis de Gages. En spécialiste du XVIIIe siècle, Hervé Hasquin montre ensuite comment le temps des révolutions et des changements de régime influença très fort le paysage philosophique belge. Mais à l’évidence, si jusqu’à la naissance de la Belgique actuelle, l’unionisme domina, les antagonismes allaient se développer de manière irréversible, notamment lors de la création de l’UCL à laquelle le monde libéral répliqua par la création de l’ULB.
Mais il faut rappeler, et Hasquin le fait à bon escient, que son fondateur Pierre-Théodore Verhaegen était un catholique convaincu toutefois résolument anticlérical… Au fil des décennies, le combat laïque et chrétien se focalisa sur l’enseignement et sur l’assistance publique et au débat philosophique se superposa une discussion partisane entre croyants et non-croyants. Puis, la spécificité belge fut fort mise à mal par l’intransigeance vaticane dont Pie IX ne fut hélas pas le seul protagoniste. Lorsque Paris éternue, Bruxelles a la goutte au nez : les théories du complot judéo-maçonnique eurent des répercussions dans nos contrées et l’on ne peut pas dire que cela s’améliora à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Moult textes à l’appui, Hervé Hasquin rappelle aussi comment la presse catholique contribua à exécuter les plus noirs desseins nazis à la veille du conflit.
Tout était-il perdu pour autant ? Non, car dans l’adversité, catholiques et maçons se retrouvèrent, par exemple au camp d’Esterwegen où une loge « Liberté chérie » se déploya avec la complicité de prisonniers catholiques. Mais les plus grands espoirs de rapprochement naquirent lors du concile Vatican II. Certes, le fossé restait grand mais une frange de l’Eglise était prête à aller plus loin dans le rapprochement avec les maçons. Toutefois à la veille d’y parvenir, un certain cardinal Josef Ratzinger, fraîchement nommé à la tête de la Congrégation pour la doctrine de la foi anéantit tous les espoirs et finit par radicaliser le point de vue de l’Eglise sur la maçonnerie. Sans réel espoir de retrouvailles, comme l’attestent les écrits de Mgr Michel Schooyans, proche de la direction romaine actuelle. Et pourtant, si l’on examine l’histoire des relations entre catholiques et maçons belges au cours de ces dernières décennies, il ne faut pas désespérer. Quoi qu’aient pu en penser les plus radicaux de l’Eglise belge, le cardinal Danneels est allé à la rencontre des maçons, dans un de leurs ateliers mais aussi en acceptant un vrai débat public avec le Grand Maître du Grand Orient de Belgique. Et les plus hauts responsables maçonniques n’ont plus de problème, tout au contraire, à s’exprimer dans une « Libre Belgique » qui a aussi beaucoup évolué, aux antipodes de celle qui publia juste avant la guerre des listes de maçons. Ce qui amène Hasquin a émettre le vœu que « celles et ceux qui se sentent suffisamment animés de la vertu de transgression rayonnent, la transmettent à d’autres individus pour les mettre en capacité de surmonter, en l’occurrence, les interdits dogmatiques ou ceux de l’habitude »…
« Les catholiques belges et la Franc-maçonnerie. De la rigidité Ratzinger à la transgression« , Hervé Hasquin, Avant-Propos, 280 pp,