Un homme de 70 ans, prévenu d’atteintes sexuelles à Arras, a comparu le 22 septembre 20009 devant le Tribunal Correctionnel. Il aurait avancé sa qualité de franc-maçon, et par conséquent d’homme libre, pour argumenter lui-même sa défense ….« personnage haut placé dans la franc-maçonnerie, il a dit à tous ses amis qu’il était prévenu des faits pour lesquels il est là aujourd’hui car il n’a rien à cacher. Il sait ce qu’il a dit, il sait ce qu’il a fait, il ne s’en cache jamais. Franc-maçon, ça veut dire libre, donc Alain M. dit et fait ce qu’il veut.».
On m’avait dit que je ne serai jamais déçu par la Franc-Maçonnerie mais uniquement par les francs-maçons…
Alain M. 70 ans, a été condamné à 18 mois de prison avec sursis et 8000 euros de préjudice moral pour des attouchements sur sa petite-fille.
Très propre sur lui, vétu d’un impeccable costume de couleur sombre, Alain M., presque 70 ans, se présente devant le tribunal d’Arras, ce 22 septembre, en fin d’après midi. Il y est prévenu d’attouchements sur sa propre petite-fille, Laura. Mais ce qui retient l’attention du public présent c’est que ce dernier est conseillé par le talentueux et non moins médiatique avocat lillois, Emmanuel Riglaire. Le prévenu n’est pas un prévenu comme les autres. C’est un franc maçon reconnu, gardien de la moralité au sein de sa loge maçonnique.
Lors du rappel des faits par le Président, le prévenu ne dit mot mais n’en pense visiblement pas moins puisqu’il alterne entre rires amers et étouffés ou hochements de tête de dénégation. Le président rappelle une première audition de l’accusé «qui s’est normalement déroulée» le 14 décembre 2004 au commissariat. Alain n’avoue rien, alors qu’à l’époque des «caresses répétées sous les vêtements» furent évoquées.
Voici comment les faits auraient été révélés. Lors d’une discussion entre filles, une amie de collège aurait révèle que «dans son enfance elle a été abusée sexuellement par un proche», assure Laura lors d’une audition. Et les propos de son amie provoquent un déclic pour Laura qui explique à son tour les agissements de son grand-père. Les deux filles en parlent et gardent cela secret. L’amie de Laura finit tout de même par relater ce que Laura lui a confié à la principale du collège. Cette dernière effectue un signalement auprès de la police et des services sociaux de la région.
«Alain ne peut pas avoir commis de tels actes, c’est inconcevable»
Lors des premières auditions, certains proches assurent «Alain ne peut pas avoir commis de tels actes, c’est inconcevable». Sa maitresse, que l’accusé a eu durant plus de 32 ans, déclare lors de son audition «il n’a jamais eu d’attirance dans sa vie pour de jeunes filles et encore moins vu son âge actuel. Qu’il ait fait de tels agissements, c’est impossible ! Il en est incapable». Répondant aux questions de son avocat Me Riglaire, Alain M. précise simplement : «On ne vivait pas confiné, ce n’était pas une maison fermée chez nous, on recevait souvent les amis et amies de Laura».
«Anxieux, apprêté, spontané mais souvent superficiel, irritable, avec une estime de soi particulièrement sur-évaluée»
Lors de l’expertise qu’il a pratiqué sur Alain Marville, l’expert psychiatre relève un patient «anxieux, apprêté, spontané mais souvent superficiel, irritable, avec une estime de soi particulièrement sur-évaluée».
Lors de sa plaidoirie, Me Linquercq, pour la partie civille affirme : «Laura est une demoiselle coquette, menue, simple… Mais elle a très peur de son grand père.» L’avocate ajoute «à la maison, Laura se taisait, elle n’avait pas à parler !» A l’adresse du prévenu, l’avocate conclut «vu son grand âge, je ne demande pas à l’envoyer en prison, je réclame 1 euro symbolique et 10 000 euros pour le préjudice moral subi.»
«L’échec lui est impossible, à tous les niveaux, c’est inconcevable pour Alain M.»
Le substitut, dans ses réquisitions, ne fera pas dans la dentelle pour tenter d’expliquer les actes du grand-père : «avec l’impuissance nouvelle qu’il a dû subir, les actes déplacés ont commencés et c’est fort regrettable». Avant de souligner quelques traits de peronnalité : «L’échec lui est impossible, à tous les niveaux, c’est inconcevable pour Alain M.» Il requiert «un sérieux avertissement et 18 mois de prison avec sursis.»
Après avoir très attentivement écouté la plaidoirie de sa consoeur puis les réquisitions du ministère public, Me Riglaire s’est lancé dans une longue (48 minutes) mais très précise plaidoirie. Souligne méthodiquement toutes «les surprises, les aberrations» de ce dossier. Il s’est demandé successivement si «ce dossier était cohérent», si «dans ce dossier, il y a un seul petit élément neutre, objectif et indépendant», si «le moindre petit faisceau d’indices laisse supposer la culpabilité d’Alain M.». A toutes ces questions, sa réponse est immuable : «non, bien sûr que non !».
«Personnage haut placé dans la franc-maçonnerie, il a dit à tous ses amis qu’il était prévenu des faits pour lesquels il est là aujourd’hui car il n’a rien à cacher.»
Il regrette que la police «n’ait absolument jamais auditionné la jeune amie de Laura, qui avait dit à Laura avoir été violée !». Il déplore que, dans cette affaire, «aucune confrontation n’a été faite entre Laura et mon client ou entre Laura et son amie ou entre les parents de Laura et M. M. !».
«M. Marville est probablement innocent, il faut arrêter de vouloir réécrire l’Histoire», finit-il par s’esclamer. «Trop souvent, la justice française oublie de prouver, de démontrer la culpabilité des accusés». Il a conclu en deux temps sa plaidoirie. Dans un premier, il a martelé que «M, c’est un homme sérieux, qui s’en fout des petites filles». Dans un second temps, il a expliqué qu’en tant de «personnage haut placé dans la franc-maçonnerie, il a dit à tous ses amis qu’il était prévenu des faits pour lesquels il est là aujourd’hui car il n’a rien à cacher. Il sait ce qu’il a dit, il sait ce qu’il a fait, il ne s’en cache jamais. Franc-maçon, ça veut dire libre, donc Alain M. dit et fait ce qu’il veut.».
Après un court moment de silence, il répète «Alain Marville est libre !» Il le restera. Le franc maçon est déclaré coupable des faits qui lui sont reprochés. condamné à 18 mois de prison avec sursis, il devra verser 8000 euros au titre du préjudice moral et 500 euros de dommages et intérêts.
Compte rendu d’audience : C. D-S. (CLP)