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APPORT DE LA FRANC-MAÇONNERIE AU PROJET RÉPUBLICAIN


Georges Sérignac est grand maître du Grand Orient de France, une des principales organisations maçonniques de France. Nous avons souhaité échanger avec lui afin de revenir sur la spécificité maçonnique française : ses liens avec la République, comme avec le processus révolutionnaire. Nous l’interrogeons aussi ici sur la place du travail et de l’écologie dans les réflexions du Grand Orient, ainsi que sur la signification de l’anti-maçonnisme toujours en vogue dans les organisations d’extrême droite.

GEORGES SÉRIGNAC : « LE PROJET RÉPUBLICAIN EST NÉ SOUS LA RÉVOLUTION FRANÇAISE » – Un article du média d’opinion indépendant LVSL du 30 novembre 2022

LVSL – Commençons par un petit point historique sur la franc-maçonnerie française. Y a-t-il selon vous une spécificité française de la maçonnerie ?

Georges Sérignac – Historiquement, oui. Au début du XVIIIᵉ siècle, quand la franc-maçonnerie des premières loges françaises commence à travailler, elle coexiste avec une franc-maçonnerie anglo-saxonne déjà en place depuis une dizaine d’années. C’est la même maçonnerie, ce sont les mêmes rituels et les mêmes méthodes.

Au bout de quelques années, la franc-maçonnerie anglo-saxonne cherche à se remettre en question, à travers une querelle des « Anciens » et des « Modernes ». Les « Anciens » se considèrent comme détenteurs de la véritable tradition maçonnique et reviennent sur certaines pratiques usuelles de la maçonnerie anglaise de l’époque. Ils vont absorber la maçonnerie anglo-saxonne. Ainsi, la maçonnerie devient une institution qui se consacre aux rituels, à la solidarité et à la convivialité. Ce sont ces marques de fabrique. Ces éléments sont communs à la maçonnerie française.

Mais la franc-maçonnerie française ajoute un nouvel élément : la liberté absolue de conscience. Elle attend la fin du XIXᵉ siècle pour l’intégrer réellement dans ses statuts et abroger l’obligation de croyance – ce qui constitue la summa divisio entre la franc-maçonnerie anglo-saxonne et la nôtre. Dans la tradition maçonnique anglo-saxonne, l’obligation de croyance en Dieu est centrale, tandis que dans la tradition française, c’est la liberté absolue de conscience. On peut croire ou ne pas croire, pratiquer ou ne pas pratiquer. Est religieux qui veut, est athée qui le souhaite. Cette division est fondamentale, et c’est à partir de cette évolution que la maçonnerie anglo-saxonne ne reconnaît plus son homologue française.

En 1877, année de cette mutation, l’engagement dans la cité devient un élément de plus en plus débattu au sein du Grand Orient de France – ce qui est tout à fait cohérent.

Au moment de la Commune, les archives des loges montrent des débats à son sujet, ce qui les distinguent des loges anglo-saxonnes, où l’on ne parle pas de politique, comme l’indiquent les règlements. Au sein de la maçonnerie française, la politique fait partie des sujets qui ne sont pas tabous – ce qui montre à quel point la liberté absolue de conscience est centrale chez nous.

LVSL – Quel a été l’apport de la maçonnerie française à l’édification de la République ?

Georges Sérignac – Il y a toujours eu, au sein du Grand Orient de France, du fait de cette liberté absolue de conscience qui dépasse l’aspect religieux, une grande liberté de pensée. Le fait d’avoir des opinions, même différentes, mais liées par des valeurs communes, humanistes, était un pilier fondamental de la maçonnerie française.

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A.S.:

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  • Ce qui est né sous la Révolution Française, ou plus exactement ce qui a été manifesté pendant la Révolution, car le concept est né au début du 18ème siècle, en réaction à l'absolutisme des Bourbons et sous l'influence des "Lumières", c'est la Nation. Non pas la Nation identitaire qui en est une dérive, mais la Nation pluraliste et volontariste dont la définition est donnée par la déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789:
    "Article 2.
    - Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression.
    Article 3.
    - Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément."

    Le fait que la forme du gouvernement soit monarchiste ou républicaine n'est plus alors le critère principal du droit des peuples: il y a des monarchies constitutionnelles et des Républiques absolutistes.

    En 1792, c'est parce que le roi était traître et parjure (Il avait prêté serment de protéger la Constitution à la fête de la fédération) que la République a été instaurée. La dérive dictatoriale de Robespierre (comme celle de Cromwell un siècle auparavant en Angleterre) a induit la transformation de la Nation en Empire.