De nombreuses voix populistes remettent en question l’intérêt et le sens de l’existence de la franc-maçonnerie. Les traditions initiatiques sont, tout naturellement, la cible de regards inquisitoriaux nourris d’une grammaire presque aussi vieille qu’elles-mêmes : le secret, la construction de complots, la protection et le soutien poussés jusqu’à la corruption, ou encore la domination sociale sur la majorité sont quelques-uns des thèmes les plus courants dans la vision populaire de la franc-maçonnerie.

En temps de crise, quand s’affirment des courants porteurs de vérités incontestables et claires, quand sont tentantes des définitions qui indiquent des chemins certains, sûrs et sans doute, cette franc-maçonneriephobie prend souvent la dimension d’attaques, de violences physiques comme nous commençons à en être témoins aujourd’hui, nous rappelant des temps pas si lointains où une grande partie de l’Europe vivait sous les ténèbres du totalitarisme.

Cependant, si de bons conseils en toute chose nous conduiraient à adopter des positions plus réservées, amicales, qui valorisent les positions défensives, aujourd’hui est précisément le moment de mettre fin à ce détachement prescrit, la Franc-Maçonnerie devant affirmer de la manière la plus claire les contenus qui nous ont marqués et distingués en tant que civilisation.

Et les civilisations évoluent sur une longue période de temps où les changements de jours n’ont que peu ou pas de signification. Mais, pour qu’ils ne le pensent pas, ce long temps se nourrit de la hiérarchie des valeurs qui sont le ciment des différentes parties des sociétés. Non seulement la Franc-Maçonnerie, mais toutes les traditions spirituelles humanistes, doivent fournir une nourriture en dehors du tourbillon du temps immédiat et dramatique qui est si naturel dans les crises comme celle que nous traversons.

La Franc-Maçonnerie, en tant que gardienne des valeurs de Liberté, d’Egalité et de Fraternité, doit réussir à faire en sorte que le ciment social, malgré les tensions du moment, ne soit autre que la base qui nous a fondés dans la civilisation, loin de l’obscurantisme et proche de la critique.

Si dans d’autres endroits il semble que le « vernis de la modernité » se fissure à chaque discours de Bolsonaro ou de Trump, tous deux alimentés et alimentant des hordes populistes de religieux acritiques qui nient l’ensemble du « Paquet Modernité », enlevant la primauté de la prise de décision à l’opinion médicale comme s’il s’agissait d’une simple opinion, heureusement, il semble qu’en Europe la science continue d’être la mesure de la prise de décision politique.

Cependant, cette évidence apparente apparue dans le contexte d’une pandémie ne doit pas nous donner de tranquillité d’esprit, car tout le cadre des valeurs subit des changements majeurs, que ce soit en termes de Libertés, d’Égalité et, pire encore, de Fraternité. Si le soi-disant « Paquet Modernité » semble toujours avoir une efficacité significative en ce qui concerne son applicabilité à la maladie, dans tout le reste, la nature critique de l’être humain semble s’éloigner de plus en plus de nos sociétés et de nos concitoyens.

Et c’est précisément à la jonction entre le besoin de nourriture spirituelle et le temps qui ne s’épuise pas dans « l’ici et maintenant », que la grammaire des symboles prend une place de la plus haute importance. Parallèlement à la découverte d’un vaccin contre ce virus qui a réduit l’Humanité à sa place la plus élémentaire dans les écosystèmes, avec un aperçu de l’impuissance de Sapiens Sapiens , il nous manque un « Vaccin Symbolique » [1] qui nous permettra de surmonter les temps que nous vivons de franche distanciation de l’humanisme le plus élémentaire.

C’est la tâche herculéenne que devront accomplir les Ateliers, en marquant dans la société la valorisation de ce qui, après tout, étant si naturel, n’est pas acquis. Ce vernis a besoin de couches constantes d’appréciation, d’exemple et de démonstration civique qui le solidifient, qui le rendent culture populaire, non pas à travers le négatif hérité de l’antimaçonnisme traditionnel, mais à travers l’affirmation de la primauté de l’Humain comme relationnel, comme interdépendant et comme critique.

Paulo Mendes Pinto