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A la recherche du symbole perdu…

« Le Symbole Perdu » de Dan Brown n’en finit plus de faire couler de l’encre : dernier article en date celui de Corine Lesnes dans l’éditorial « Le Monde« .

Il s’agit d’une analyse assez pertinente de nouveau roman ….de quoi nous faire patienter d’ici la fin novembre…

Source : http://www.lemonde.fr/opinions/article/2009/11/04/a-la-recherche-du-symbole-perdu-par-corine-lesnes_1262664_3232.html

Les Etats-Unis n’ont pas été fondés comme une nation chrétienne. Pour bon nombre de républicains, le dernier roman de Dan Brown, l’auteur du Da Vinci Code, risque d’être une révélation. Eux qui font facilement référence au livre de prières de George Washington (un faux) ou à la piété des Fondateurs, ils vont tomber de haut.

Comme le confirme le livre, le « père » de la nation américaine était un franc-maçon déclaré. Et, avec lui, une douzaine des auteurs de la Constitution. Contrairement à ce que croient 55 % des Américains (et 75 % des républicains), le texte de 1787 ne fait pas référence à Dieu. Et si la Déclaration d’indépendance, l’autre document fondateur, fait bien mention d’un « Créateur » ayant paré les hommes de droits inaliénables, c’est presque une figure de style, celle d’un grand Horloger n’ayant qu’une lointaine parenté avec le Dieu chrétien.

Les Fondateurs n’étaient pas des dévots, bien au contraire. Ils étaient en rupture avec les excès de zèle des Eglises de leur temps. Les références religieuses sont venues plus tard, dans des périodes troublées. La devise « In God We Trust », qui figure sur la monnaie, est apparue pendant la guerre civile, en 1863. Le « Under God » du serment d’allégeance (« une nation sous Dieu ») en 1954, en plein maccarthysme. Depuis Pearl Harbour, le Congrès célèbre la Semaine nationale de la Bible, chaque année en novembre. En séance, les parlementaires s’épanchent sur leur foi.

Le livre de Dan Brown The Lost Symbol est sorti mi-septembre chez Doubleday, avec le modeste tirage de 6 millions d’exemplaires. Dès le premier jour, 2 millions d’exemplaires avaient été vendus. L’ouvrage est toujours en tête des ventes, quoi qu’il ait été dépassé dans certains baromètres par un opus moins ésotérique, le Journal d’un jeune dégonflé. Mais, même en deuxième position, Le Symbole perdu (parution le 27 novembre chez Lattès), est omniprésent. Qui n’a pas encore aperçu la couverture rouge sang, marquée d’un sceau et du dôme du Capitole, n’a pas pris l’avion récemment.

La facture est la même que dans le Da Vinci Code, à condition de remplacer Paris par Washington, et le Vatican par la franc-maçonnerie. On y retrouve les coïncidences qui « donnent à penser ». Et les aphorismes qui plongent dans la perplexité : du désordre jaillit l’ordre (« ordo ab chao », la devise des maçons). Du chaos émerge la perfection secrète. Le monde, comme dit Dan Brown, est « un endroit plus étrange qu’on ne le pensait « . Cette fois, Robert Langdon, le « symbologiste » d’Harvard, n’a que douze heures pour résoudre une énigme, qui commence au Capitole. Son ami, le professeur Salomon, maçon initié au 33e degré, a été kidnappé. Vite, il se lance à la recherche d’une pyramide qui renferme la clef de la sagesse mystique…

Dan Brown détaille les cérémonies maçonniques sur un mode plutôt admiratif et les intéressés ont eux-mêmes qualifié de « très positive » la présentation qu’il fait de leur ordre. Les loges locales ont tout de même mis en service un dispositif Internet pour parer au déluge. Sachant que le Da Vinci Code a été vendu à 81 millions d’exemplaires depuis sa sortie, en mars 2003 (la veille du début de la guerre en Irak), elles estiment qu’il n’est « pas déraisonnable » de penser que Le Symbole perdu pourrait atteindre plus de 40 millions d’exemplaires.

L’intrigue conduit le héros à parcourir les trésors architecturaux de la capitale fédérale. On y croise une représentation de George Washington posant la première pierre du Capitole dans son tablier de maçon, entouré de l’équerre et du compas. « Cela pourrait choquer certains lecteurs », a mis en garde la chaîne NBC. Non seulement Dan Brown insiste lourdement sur le passé de libre-penseur du premier président. Mais il laisse entendre que les Fondateurs se sont inspirés de certains principes maçonniques – élection des leaders, vote à bulletin secret – lorsqu’ils ont dessiné les institutions.

Washington avait déjà été le décor du film National Treasure, avec Nicolas Cage dans le rôle de l’archéologue Benjamin Gates. Sous la plume de Dan Brown, elle est devenue la capitale de l’ésotérique. Les Lost Symbol Tours ont commencé (75 dollars pour deux heures de « tour maçonnique » en Segway). On passe par le temple maçonnique de George Washington à Alexandria, l’un des édifices les plus élevés de la région, inspiré du phare d’Alexandrie. Puis le temple du Rite écossais de la 16e Rue, surdimensionné sur son piédestal, flanqué de deux sphinx. Il abrite aujourd’hui 33 fauteuils de cérémonie et 33 colonnes de 33 pieds de haut. 33 comme 15 + 9 + 09, la date de publication du Symbole perdu…

La presse s’est amusée à comptabiliser les francs-maçons dans la classe politique. Ils sont nombreux au Congrès, mais le dernier président en date est Gerald Ford, l’adjoint de Nixon, le 13e président maçon après Washington. Comme s’est amusé à le constater le critique de Time, Washington peut maintenant faire jeu égal avec Rome ou Paris pour les symboles. Les Américains ne sont pas que « des touristes à tee-shirts et surcharge pondérale ». Ils ont une histoire « aussi bizarre » que celle des autres, un dollar frappé d’une pyramide inachevée et une capitale pleine d’ombres, de mystères gothiques et de rites secrets.


A.S.: