« Respublica » : Journal du réseau de la gauche républicaine, laïque, écologique et sociale, a publié ces jours-ci deux articles consacrés à la Franc-Maçonnerie et plus particulièrement au Grand Orient de France et l’initiation des femmes désormais autorisées au sein de cette obédience.
– « Un nouvel élan pour la première obédience maçonnique de France ? » – article du 09/09/2010 par Zohra Ramdane
– « Les Francs-maçons du Grand Orient de France accouchent de la mixité aux forceps » – Article du 09/09/2010 par Nicolas Gavrilenko
Un événement important vient de se produire au Grand Orient de France : les loges qui le souhaitent pourront désormais initier des femmes. Cette heureuse décision qui marque le refus de segmenter l’humanité ne manquera pas de renforcer la première obédience maçonnique de France. Cela suffira-t-il à lui redonner l’influence qu’elle a perdue depuis les années 70 ?
Il en est du Grand Orient de France comme de toute autre organisation politique, syndicale ou associative : cette obédience subit aussi les effets du rouleau compresseur néolibéral. Cette idéologie est tellement hégémonique qu’elle parvient à imposer l’idée qu’il n’y a pas d’alternative politique possible voire même que la seule politique qui vaille est la “politique des choses” au sens où l’entend Jean-Claude Milner, autrement dit la négation même de la politique. Rien d’étonnant, dans un tel contexte, que le Grand Orient de France se soit dépolitisé et ait donc perdu de son influence.
A ses débuts, la Franc-Maçonnerie française était aux prises avec l’histoire. Née au siècle des Lumières, porteuse d’un projet politique inédit et cohérent, elle fut fortement impliquée dans la Révolution française. Un siècle plus tard, durant la deuxième partie du règne de Napoléon III, elle devint un lieu de rassemblement pour les républicains anti-bonapartistes. Elle contribua très largement à l’instauration de la Troisième République et à l’édification de ses grandes lois sociales, scolaires et laïques. Au temps de l’Occupation allemande, nombre de maçons s’engagèrent dans la Résistance. Mais depuis l’adoption de la loi Veil en 1975, force est de constater que le Grand Orient de France n’a plus d’influence, que ce soit par ses travaux ou par l’action d’un nombre significatif de ses membres.
Le dernier Convent1 du Grand Orient de France qui s’est tenu le 2 septembre a donné une courte majorité aux tenants de l’égalité homme-femme au sein de leur obédience.
Il leur aura fallu 150 ans !
Ce débat surréaliste empoisonnait la première obédience maçonnique française depuis des décennies2. Surréaliste, car si les francs-maçons sont souvent considérés comme étant aux avant-postes de l’histoire, force est de constater que sur la question de la mixité homme-femme, ils arrivent largement après la bataille. Surréaliste, surtout, puisque le Grand Orient de France connut des périodes où il était le fer de lance des principes républicains issus des Lumières, y compris du combat féministe. Ainsi, cette obédience porta le combat en faveur de la contraception et du droit à l’IVG. Comment expliquer un tel paradoxe ? Lorsque le courant conservateur, arc-bouté sur la tradition, devint majoritaire au cours des années 70, les francs-maçons attachés à la mixité préférèrent aller travailler dans les obédiences mixtes. Quant aux autres, ils créèrent au sein du GODF le CLIF (Comité pour la Liberté d’Initier les Femmes), continuant ainsi le combat en interne. Mais les conservateurs restèrent sourds à leurs arguments.
Une première brèche a été ouverte il y a quelque temps quand il a fallu trancher sur le cas d’un frère devenu… soeur ! Le Grand Orient de France n’ayant pas osé résilier son adhésion, cette soeur est devenue par conséquent la première femme membre à part entière de cette obédience.3.