Le magazine « Capital » publie un dossier spécial sur la franc-maçonnerie intitulé « Ville par ville, les francs-maçons dans le business« .
Sommaire et présentation du dossier :
BTP, banques, CCI… De Lille à Marseille, les frères tissent leur toile partout dans les affaires. Tour de France de leurs réseaux.
Les habitants de Carsac-Aillac en ont encore des frissons. Le 22 novembre dernier, ils ont vu déferler dans les rues de leur bourgade du Périgord une centaine d’hommes et de femmes vêtus d’étranges tabliers et de gants blancs. Certains étaient même armés d’un maillet et d’un glaive. Un jeu de rôle grandeur nature ? La confrérie des amateurs de truffe noire ? Bien plus sérieux que ça. Le Grand Orient de France venait inaugurer une loge dans cette commune de 1 500 habitants.
Décidément, les fanas de l’équerre sont partout ! C’est bien simple, avec sa dizaine d’obédiences, ses 5 000 loges et ses 150 000 adeptes, la franc-maçonnerie n’a jamais été aussi puissante dans notre pays. De Dunkerque à Perpignan, les grands maîtres passent leurs week-ends à allumer des feux pour célébrer l’inauguration des antennes locales et les temples poussent jusque dans les chefs-lieux de canton. La Grande Loge de France (GLDF) vient d’en consacrer un à Montpellier, le Grand Orient de France (GODF) a récemment débarqué à Six-Fours-les-Plages et la Grande Loge nationale française (GLNF) s’apprête à déménager dans des locaux plus spacieux à Strasbourg. Signe que l’initiation se démocratise, les femmes elles-mêmes adhèrent en masse aux quelques obédiences qui veulent bien les ¬accepter, comme Droit humain (16 000 membres) ou la Grande Loge féminine de France (13 000 aficionados).
En dépit de cette affluence, la confrérie des «fils de la lumière» reste haut de gamme. On ne trouve pas beaucoup de vrais maçons chez les francs-maçons ! «Il faut reconnaître que nous hébergeons plus de cadres supérieurs que d’ouvriers métallurgistes», euphémise Alain-Noël Dubart, le grand maître de la GLDF. Dans chaque grande ville, notre enquête le prouve, de plus en plus de dirigeants économiques s’intéressent au Grand Architecte de l’Univers. Leurs fiefs ? Les tribunaux et les chambres de commerce, les mutuelles, les entreprises du bâtiment, les clubs de foot, et aussi parfois… le banc des accusés.
Mais, au fait, que viennent donc chercher ces huiles du business dans les cabinets à tête de mort ? «La réponse à des questions essentielles sur le sens de sa vie et le rapport à l’autre», philosophe François Larrère, patron d’un groupe de BTP de 172 salariés à Bordeaux, qui a choisi d’adhérer à la GLNF. Ces derniers mois, la crise financière et les suicides chez Orange ont, par exemple, nourri les débats des initiés. «L’idée y fait aussi son chemin qu’une société est plus performante si les salariés sont considérés comme des hommes», témoigne Alain-Noël Dubard. «Tous nos membres ont pris conscience des excès de la finance», ajoute Pierre Lambicchi, grand maître du GODF.