L’illustrissime blogueur Franck Fouqueray, très en forme, nous offre ce billet d’humeur maçonnique, sur fond d’humour :
Polir sa pierre jusqu’à la poudre
Tous les maçons ont entendu les anciens leur conseiller de polir leur Pierre. C’est logique, puisque les Apprentis sont appelés des pierres brutes, qui grâce aux outils symboliques, tels que le ciseau et le maillet, vont se transformer en pierre cubique.
Alors moi, depuis des années une question me taraude : « Si on doit passer sa vie à polir sa Pierre, après 40 ou 50 ans de pratique maçonnique, ne risque t’on pas de trouver le jour de l’enterrement du Frère un petit tas de poudre à la place d’une Pierre cubique ? C’est vrai quoi, à force d’astiquer cette maudite Pierre elle va finir par se désagréger ! »
Par ailleurs, si toutes les Pierres d’une Loge sont polies et lisses comme des patinoires olympiques, comment vont-elles s’unir pour créer un bel édifice ? N’est-ce pas par les aspérités que les humains se complètent, s’unissent et s’enrichissent ? Si tout le monde est lisse, on glisse de pierre en pierre jusqu’au trou final. N’est-ce pas la singularité qui fait la personnalité d’un être ?
J’avoue que j’y perds mon Rituel en latin, car si je dois polir ma pierre, et qu’elle doit garder sa particularité et ses aspérités alors pourquoi la polir ? Ma grand-mère était taquine, elle aurait répondu : « C’est en forgeant qu’on devient forgeron et c’est en polissant… », mais cela ne fait pas beaucoup avancer ma recherche. Alors j’ai contacté un vieux Frère qui a réponse à tout, un certain Roger E. Oui je sais, j’ai cessé de contacter Roger D., car cela créait des confusions et j’ai reçu une demande d’explication d’un certain Roger Durant et son frère Roger Dupont, tous deux bien connus des amateurs de BD. Ces derniers croyaient à tort que je parlais d’eux. Quelle méprise !
Je me suis assis pour y penser et j’ai fini par arriver à une conclusion que je vous soumets : « Et si le but de la Franc-maçonnerie était tout simplement d’arriver à se connaitre et à s’aimer soi même, sans aucune condition, pour arriver enfin à aimer tous les autres. C’est ainsi que peut naitre la vraie fraternité ; Sinon il s’agit d’une fraternité de façade qui vole en éclats au premier dérangement »
On peut imaginer que les fameuses aspérités de la Pierre sont des restes de petits blocages pour révéler la Lumière intérieure. Mais dès que l’éclairage devient complet par la révélation de qui nous sommes réellement, il n’est plus utile de polir, ça rayonne suffisamment de l’intérieur. C’est comme en musique, l’accord est parfait et les sons sont alignés.
Comme certains maçons cherchent à transformer le monde pour le mettre en harmonie avec leur vision intérieure, au lieu de rayonner, ils consacrent leur vie à briller. C’est là que les problèmes commencent, car après une vie à amasser de la poudre de Pierre par un travail acharné, au moindre coup de vent, tout le brillant se ternit. Il est vrai qu’une Pierre à toujours un pouvoir d’aimantation et la poudre reste très fidèle à sa Pierre.
Comme disait Krisnamurti : « Il est bon de naitre dans une religion mais pas d’y mourir ». Il est bien possible que ce soit la même chose en Franc-maçonnerie, il est bon de naître à la Franc-maçonnerie mais il est fort possible que la finalité soit d’en sortir… du moins lorsque le Temple du dedans et celui du dehors se confondent, mais là, le nombre d’appelés arrivés à cette fusion est moins important que le nombre d’élus. C’est probablement ce qui explique que dans certains milieux maçonniques, il arrive encore trop souvent que ça sente très fort la poudre.
Je dois vous laisser, je vais mettre aux abris.
Bonne soirée à bientôt
Franck
Tailler, polir, ajuster… et l’essentiel, la composition vibratoire de la Pierre ?
Des Pierres d’octaves trop différentes ne créent-elles pas ainsi un trop grand décalage
et donc une incompatibilité de Cimentage dans une certaine mesure,
rendant l’Édifice bancal, fragile, et d’une certaine façon non-positivement constructif(ble) au final ?
Je propose une réflexion essentielle sur le pyramidion de la pierre cubique à pointe, clé du franc- maçon pour parvenir à «faire le vide», montrant que celui (ou celle) qui taille sa pierre, n’est ni dans le renoncement ni dans l’abnégation de ce qu’il est. Il est dans l’épuration de son être, parvenant ainsi à la découverte de ce qui est caché en lui pour faire résonner, dans sa conscience, l’écho de l’unité de l’Esprit et de la Matière.
Un scénario universel de la réalisation de soi est présent sur tous les continents, dans de nombreux mythes, légendes et textes sacrés pour lesquels il constitue un véritable paradigme : le cœur, organe de la connaissance immédiate, doit se vider de la pensée dualiste et passionnelle qui exerce son emprise sur l’individu. Les images associées à cette étape, dans différents légendes et mythes, seront une coupe, un lac en vidange, un puits d’eau salée, des terres stériles envahies par l’eau salée ou irriguées à l’eau douce, des symboles des pensées tels que des chevaux qui courent ou des armes blanches (les épées sont symbole d’air, donc de paroles et de pensées), une mort symbolique exprimant la fin d’une certaine manière de penser et de voir les choses.
La voie maçonnique met en scène cette symbolique en développant un thème particulier, celui de « tailler sa pierre », reprenant la voie de toute discipline ésotérique visant la transcendance de l’être. Une préparation mentale est nécessaire ; les expressions employées, telles que le « dépouillement des métaux », « ni nu ni vêtu », l’ « abandon du vieil homme », convergent toutes vers une notion de vide préliminaire à opérer.
Abandonner le vieil homme, c’est se vider du « moins » pour aller vers le « plus », en renonçant jusqu’aux menues complaisances, aux commodités quotidiennes où nous nous engluons. Ce vieil homme qu’il faut quitter, dont il faut se séparer est une vêture de l’être. La franc-maçonnerie illustre cette dé-marche par la façon dont le récipiendaire est reçu lors de sa cérémonie d’initiation, « ni nu ni vêtu ».
À partir de la pierre brute, la forme de la pierre cubique se fait par enlèvement de matière superflue, par renoncement en quelque sorte. Il s’agit non de se mortifier, non de s’émacier mais de se réanimer.
C’est au moyen d’outils spécifiques (équerre, ciseau, maillet et levier), qui rattachent étroitement leurs symbolismes à la taille de la pierre, qu’une forme cubique est recherchée et produite. La Franc-maçonnerie nous donne des outils pour fabriquer de la spiritualité qui augmente la pierre au fur et à mesure qu’elle est polie dans sa matérialité.
Mais surtout, quand on est en présence d’une pierre cubique, il faut trouver un moyen de passer de celle-ci à la pierre cubique à pointe, en ne disposant que du cube. On ne saurait rajouter un élément extérieur puisque, symboliquement, la pierre évoque un seul individu….
Extraits du livre « Que signifie tailler sa pierre ? » de Solange Sudarskis, éd. de la Hutte