Marianne Blancherie partage dans notre rubrique Les illustrissimes blogueurs : « Les empêcheurs de maçonner en rond », un billet intitulé
La Franc-Maçonnerie : club de vieilles barbes ou Ecole initiatique ?
Je viens de re-écouter l’émission « les Sœurs trois points » dans mes vieux podcasts de France Culture… une émission qui date de 2009.
Toujours aussi convenu. Affligeant ! Heureusement que les choses sont progressivement en train de changer.
Vous êtes choqués ? Moi aussi. Je suis atterrée. Atterrée de voir à quel point est constamment spoliée l’image de la Franc-Maçonnerie auprès du public. Un club pour vieilles barbes, englué dans des scandales politico-financiers, qui ne sait parler que de syndicalisme et militer pour la laïcité. Heureusement que les illustrissimes blogueurs sont là pour jeter un bon pavé dans la mare des idées reçues !
Je vais oser l’inconcevable, proférer l’inaudible : la Franc-Maçonnerie est d’abord et avant tout une école initiatique, porteuse aujourd’hui des valeurs d’une authentique spiritualité durable. Elle possède la maîtrise de puissants outils de développement personnel et collectif, de méditation, d’amour. Sur cette planète au bord du gouffre, la Franc-Maçonnerie, est capable de porter des discours apaisants, d’être un messager de la paix, de l’harmonie, de l’écologie participative, pour un développement durable qui intègre les valeurs d’une spiritualité durable.
Un club aux propos convenus ?
Comment veut-on que la Franc-Maçonnerie ait l’air d’être autre chose qu’un club pour vieilles barbes quand on entend à la radio la syndicaliste de service, expliquer les raisons qui l’ont poussée à entrer en Franc-Maçonnerie. On comprend grosso modo qu’elle se délecte dans une prolongation rituelle des discussions de la section locale de la fédération !!!
Et le rituel, à quoi sert-il ? A prendre la parole poliment et tour à tour, de façon dépassionnée, sans se couper la parole. Allons Messieurs-dames, un peu de sérieux !!! On ne parlera surtout pas d’autre chose que de la possibilité de rendre le monde profane plus juste et plus équitable, en réfléchissant à l’intérieur des loges. La seule question qu’on se pose est de savoir comment porter à l’extérieur du temple le fruit des réflexions menées à l’intérieur… mais on s’interroge sur le « comment » pas sur le contenu.
Se demander comment, c’est une vraie question, je le reconnais, mais il n’y pas que cela ! Quelle place est laissée à l’initiatique dans un tel discours ? Je reconnais que les objectifs affichés du Grand Orient de France au travers des questions à l’étude des loges ont leur intérêt. Je reconnais aussi que les franc-maçons par leur action dans la cité ont été source de progrès social au fil des siècles. Mais de là à refuser de parler de spiritualité et pire encore, ne même pas évoquer la question dans une émission d’une heure consacrée à la Franc-Maçonnerie, il y a des limites. La ligne rouge est franchie. Le plus drôle est quand le journaliste se demande en toute sincérité pourquoi la Franc-Maçonnerie n’intéresse plus personne en France. Il est certain qu’avec un pareil discours on a plutôt envie de lui tourner le dos.
Je vais peut-être vous choquer, mais il me semble clair que tant qu’un franc-maçon n’est pas conscient de la portée de ses gestes et de ses mots, tant qu’il n’a pas à l’esprit la dimension immatérielle du rite, il demeure d’une certaine façon à côté de son initiation.
La responsabilité des medias
Mais c’est de votre faute à vous aussi, Messieurs les journalistes. Vous aimez les faits. Ceux dont le discours plonge l’auditeur dans les profondeurs de l’âme humaine plombent l’audimat. Pour eux, point de salut à l’antenne ! Vous demeurez persuadés que les discours maçonnico-syndicalistes sont plus de nature à intéresser le grand public que les considérations spiritualo-sulfureuses des cercles maçonniques spiritualistes. Détrompez-vous ! Le maçonnico-syndicalisme appartient déjà à une époque révolue et dans les obédiences qui ont pignon sur rue, il est aussi des franc-maçons qui travaillent à des rites spiritualistes, mais dont on ne parle jamais.
Le rôle des femmes
Par ailleurs, la mixité aujourd’hui va de soi. C’est une question dépassée… sauf pour les franc-maçons les plus classiques qui ont peur d’introduire la tentation dans leurs loges. Je dirai simplement à ce propos que la mixité va de soi chez les plus jeunes. Elle témoigne d’une certaine maturité, qui place l’humanité au-delà des rapports de séduction, dans une attitude simple, naturelle et responsable.
Ce qui est très drôle, c’est le miroir déformé que nous renvoient les medias, encore une fois. On ne cesse de parler à longueur des colonnes de l’Express et du Point, pour ne citer que ces supports là, des Frères qui œuvrent dans les coulisses du pouvoir. On n’évoque même pas les Sœurs ! Elles sont tellement soupçonnées de n’avoir aucun pouvoir, que vous n’y prêtez même pas attention, Messieurs et Mesdames les journalistes. Elles ont tout simplement l’air de ne pas exister, d’être une minorité sans conséquence. Elles sont pourtant présentes, et bien présentes, je vous l’assure. Certainement beaucoup plus discrètes, cela dit, que leurs homologues masculins. Et c’est sans doute un cadeau que vous leur faites, que de les oublier ainsi.
Mais revenons à ce qui est important. En ces temps troublés, ce qui intéresse l’humain, c’est ce qui l’interroge au plus profond de son humanité, lui permet de se forger des repères tout en renouant avec le chemin de son âme. Malraux était sans doute un visionnaire. On ne peut que le constater aujourd’hui.
La Franc-Maçonnerie, transmission ou bavardage convenu ?
La dimension de la transmission est essentielle dans les cercles initiatiques. Mais que peut-on transmettre quand on se contente de parler de société ? On est en droit de se le demander quand on entend pareille platitude de propos convenus dans ce vieux podcast !… qui a cependant quelques résonnances avec ce qu’on entend parfois encore aujourd’hui sur les ondes de France Culture le dimanche matin (non, je ne parle pas de la messe, mais bien de la Franc-Maçonnerie, qui s’exprime chaque semaine juste avant Monsieur le curé en alternance avec la libre pensée…). Ah l’ironie de la programmation radiophonique ! On dirait que tout cela est fait exprès pour ne pas choquer les oreilles des profanes en évoquant des sujets qu’ils ne seraient pas capables de comprendre. Mais celui qui n’est pas initié n’est pas aussi béotien qu’on veut bien l’imaginer. Il ne faut pas prendre les profanes pour plus bêtes qu’ils ne sont. L’auditeur qui a le désir d’écouter une émission consacrée à la Franc-Maçonnerie a bien souvent déjà effectué seul une bonne partie du chemin.
Mais ne soyons pas pessimistes, ce discours est très clairement, hélas, « formaté » pour le monde profane et n’est certainement pas représentatif de ce qui se fait dans la plupart des loges. J’ai eu souvent l’occasion d’assister à de très belles tenues philosophiques au Grand Orient de France.
Qu’on ne s’y trompe pas. Je respecte profondément l’engagement pour les valeurs de la cité. Il est une noble cause. Mais qu’on laisse dans les discours aussi peu de place à l’initiatique quand on cherche à faire de « l’extériorisation » est proprement consternant. Il y a plusieurs raisons possibles à cette espèce de désinformation. La première – et la plus simple – est que l’orateur franc-maçon qui s’exprime à la radio, ne souhaite pas évoquer ce qu’il estime faire partie de la sphère intime de la loge. Il y a suffisamment de livres, nous dira-t-on. Je ne partage pas cette opinion et m’en explique pleinement ici. L’autre raison – ce qui n’est malheureusement pas impossible – est que dans des rituels épurés de leur substance initiatique, les symboles agissent mais inconsciemment, en quelque sorte à l’insu des protagonistes, qui ne sont alors que très peu conscients de la dimension initiatique de leurs réunions, même s’ils en intègrent pleinement dans leur vie les effets bénéfiques.
Ce coup de gueule passé, je vais vous donner un exemple. Je viens de regarder sur internet une vidéo. Une de ces vidéos poubelle qui accumulent un fatras de contre symboles pour faire croire au complot de l’instauration d’un nouvel ordre mondial par les franc-maçons et les illuminati. Les symboles utilisés dans ce type de vidéo sont laids, les pentagrammes sont inversés et représentent des diables autant que l’imagination peut en créer, le tout associé à des images de guerre et d’horreur. J’ai regardé cette vidéo quatre minutes et je m’estime relativement immunisé contre ce type de propagande négationniste. Toujours est-il que cinq minutes plus tard encore, au fond de moi il demeure une espèce de malaise diffus, une espèce d’envie de vomir due à l’accumulation de tous ces symboles utilisés en sens inverse.
Cet espèce de contre exemple montre comment des symboles universellement partagés, qu’ils soient bénéfiques ou maléfiques peuvent agir sur l’inconscient et entrainer le corps dans la mouvance. Ainsi certains franc-maçons ne perçoivent-ils peut-être pas toujours la portée réelle mais inconsciente d’un rituel qui touche leur être profond, tout en leur donnant l’impression d’assister à une simple réunion philosophique.
Marianne Blancherie
- Marianne Blancherie
Née à la GLMMM en 2006, Marianne Blancherie est la directrice de rédaction de la Planche à Tracer, magazine pluriel d’expression maçonnique sans attache obédientielle, ayant pour unique limite éditoriale la quête de sens de nos contemporains. Elle est Écrivain et auteur du blogwww.spiritualites.fr, Marianne Blancherie étudie en profondeur depuis de nombreuses années l’approche symbolique et initiatique des courants spirituels. Au 21ème siècle, la quête spirituelle de nos contemporains se fait de plus en plus intense. Nous sommes tous aujourd’hui dans une quête de sens et une recherche intérieure que les approches classiques ne permettent plus de satisfaire. C’est pourquoi au travers de ses écrits Marianne Blancherie explore depuis plusieurs années les différentes voies d’accès à la Lumière.
Site : www.la-planche-a-tracer.com
Blog www.spiritualites.fr
Site de Spiritualités Magazine : www.spiritualitesmagazine.com