Jacques Fontaine poursuit sa contribution dans notre nouvelle rubrique Les illustrissimes blogueurs : « Les empêcheurs de maçonner en rond », avec le troisème et dernier billet de sa série « CISEAU, MAILLET »
Lire la 1ère partie : Ciseau – Maillet par l’illustrissime blogueur Jacques Fontaine
Lire la 2ème partie : Ciseau – Maillet par l’illustrissime blogueur Jacques Fontaine
CISEAU, MAILLET 3
Dans le précédent billet, je t’ai soumis un savoir-faire qui concourt à motiver tes FF, ⸫tes SS⸫ à la fin d’une planche. Tu te rappelles peut être : les félicitations ou, dans une moindre mesure, les blâmes ont tendance à augmenter la motivation de ceux qui en sont les destinataires. Et je t’ai encouragé à utiliser cette technique dans les tenues, si le Vénérable ou un Maître confirmé ne le fait pas. Fort bien. Si tu as essayé, tu a pu sans doute prendre en mesure le bon impact de ton comportement. J’ai terminé en sous-entendant que féliciter ou critiquer recelait des conséquences a priori positives mais, tu vas comprendre pourquoi, regrettables, dans une certaine mesure. A toi d’apprécier en fonction de la vie de ta Loge ce que tu décides faire.
Un leit motiv se répand actuellement dans l’Ordre, en France: « On ne félicite pas , dans la Franc-maçonnerie ! » C’est une recommandation nouvelle, que je sache ; et je la comprends fort bien. Mais elle est de plus en plus souvent déformée de la manière suivante : « On ne remercie pas chez nous ». C’est une erreur et voici pourquoi : le remerciement n’engage que celui (celle) qui remercie, dans l’idée sous-jacente : « Je suis bien content(e » . Le remercié prend acte, un point c’est tout. Je ne vois pas du tout pourquoi on bannirait de nos usages cette courtoisie qui concourt à la fraternité.
En revanche, féliciter ou blâmer sont, ouvertement ,des jugements sur ce qu’a produit la personne ou, ce qui est bien pis, sur ce qu’elle est aux yeux du « juge ». Fais la différence entre : « J’ai apprécié la richesse de tes idées, ma Sœur » et « Tu es imaginative, ma Sœur ». Dans le premier cas, on évalue ce qui a été fait ; dans le second, c’est la qualité inhérente à la personne qui est soulignée. Et que dire alors quand on entend : « tu manques un peu d’imagination, ma Sœur »
Dans les deux cas et, en particulier avec les félicitations qui portent sur la personne, on crée une relation de dépendance. La Sœur en question, pour peu que le « juge » ait l’habitude de s’exprimer ainsi en tenue, est en attente des félicitations, et des réprimandes aussi, dès qu’elle prend la parole. Ce phénomène est bien étudié depuis quelques 40 ans par la psychologie sociale. « Et alors diras-tu ? C’est sympathique de soutenir ses Frères, ses Sœurs ! » Voire et je vais t’en expliquer la raison. Si tu admets qu’une des fi alités de notre voie est la libération de l’individu, tu seras sans doute d’accord pour estimer qu’il vaut mieux ne pas le juger à tout bout de champ. Car la dépendance créée va à l’encontre de cette mission de l’Ordre.
La chose devient, d’un seul coup, compliquée :d’une part il est utile de renforcer par une félicitation ou, dans une moindre mesure, par un blâme ; d’autre part, il vaut mieux l’éviter à cause de la dépendance qui s’ensuit.
Sommes-nous alors dans un cul-de-sac ? On pourrait le penser. En fait, il y a un moyen qui évitez l’inconvénient et préserve l’avantage. Le voici.
Au lieu de s’intéresser à la cause, en l’occurrence la personne et ce qu’elle a dit, tu peux te centrer sur la conséquence pour toi de ses paroles. Je te montre avec deux exemples : « J’ai trouvé des tas d’idées que je n’avais pas ma sœur » et, dans le cas d’une restriction, « J’ai encore pas mal d’autres idées sur le sujet, ma Sœur. »
Je ne doute pas que le procédé te paraît simple. En fait il résulte de bien des délicatesses d’expression qui ne sont pas des détails dans les relations fraternelles. Sauras-tu t’y faire avec facilité ? Oui si tu as ,en toi, une attitude spontanément tournée vers l’autre. Sinon je t’engage vivement à t’entraîner. Tu en tireras bien des bénéfices…et les autres aussi.
-
Jacques Fontaine
Jacques Fontaine est né au Grand Orient de France en 1969.Il se consacre à diffuser, par ses conférences, par un séminaire, l’Atelier des Trois Maillets et par une trentaine d’ouvrages, une Franc-maçonnerie de style français qui devient de plus en plus, chaque jour, « une spiritualité pour agir ». Il s’appuie sur les récentes découvertes en psychologie pour caractériser la voie maçonnique et pour proposer les moyens concrets de sa mise en œuvre.
Ouvrages de Jacques Fontaine :Page Jacques Fontaine