Fraternité, Laïcité: un combat d’arrière-garde ? est l’intitulé de la tribune libre de Roger BRUNI, Conseiller National de la Fédération Française du Droit Humain publié sur le site de l’obédience le 10 janvier 2013.
Encore un bel exercice d’ouverture du travail maçonnique à saluer !
La Fraternité, mot essentiel et parfois galvaudé, peut-elle être un ferment du progrès de l’humanité ? Et en quoi la Laïcité est-elle un des constituants fondateurs d’une Fraternité du XXI° siècle ?
Le mot Fraternité appartient à l’inconscient collectif. Il est de fait le rappel de l’unicité de l’espèce animale humaine, issue d’une souche commune, dont le mythe d’Adam et Eve est, dans les espaces de culture monothéiste, l’image la plus populaire. Ce lien familial entre les hommes, ce lien de sang en quelque sorte, a préexisté à toute autre création mentale ou intellectuelle, parce qu’issu de la nature et de l’instinct de procréation. La nécessité d’adapter le groupe familial primitif aux contraintes de son environnement a dispersé les clans dont sont issus tous les rameaux humains, et les conditions géographiques régionales ont conduit à la conception de règles de survie, à la création de cultures aux manifestations différentes. Mais la notion de fraternité s’est conservée partout, soit par une métaphore religieuse (Abraham), soit en accordant à la généalogie une importance primordiale comme dans l’aristocratie ou dans les sociétés traditionnelles, et est même illustrée dans des expressions populaires. La fraternité c’est donc le rappel que l’individu, même le plus retiré de la vie sociale, appartient à un ensemble de maillons dont il est issu et dont il est membre, ce qui implique des devoirs. Il peut lui être demandé de porter assistance, de défendre, de contribuer.
Dans la triade républicaine française, par rapport à la liberté et l’égalité, la fraternité s’ajoute, se différencie et modère. Avec la déclaration d’indépendance des USA, puis celle des droits de l’homme et du citoyen, Liberté et Egalité deviennent les fondements de l’individu, et presque de l’individualisme, en ce sens qu’elles se déclinent d’abord par des droits personnels. L’exercice de ces droits implique-t-il des devoirs ? C’est le rôle de la loi d’encadrer les droits, de les limiter, de préciser leur domaine et conduite d’application, de fixer les devoirs. Le seul respect de la loi crée-t-il société ? Les inégalités sociales favorisent-elles l’exercice démocratique ? Les révolutionnaires de 1789 et de 1793 pensaient que seule la Vertu pouvait permettre de surmonter ces obstacles, parce qu’elle travaille à l’intérêt commun sans cesse menacé par les égoïsmes particuliers. En ajoutant Fraternité à la devise républicaine, ceux de 1848 mirent en valeur le lien entre les personnes, rappelant que la dignité humaine exige non seulement le respect et la reconnaissance de l’individualité de chacun, mais aussi la prise en compte de ses besoins. Rappelant la nécessité du lien social, de l’encadrement des égoïsmes et des droits personnels imprescriptibles, la Fraternité établit la responsabilité dans la solidarité. Elle est le symbole de la paix sociale, une paix semblable à celle qui réunit la famille autour du repas.
Cependant, la Fraternité ne peut se définir comme une affection, un sentiment, comme la camaraderie, l’amitié ou l’amour qui naissent de la fréquentation d’autrui dans des circonstances particulières. Ce n’est pas un dogme, c’est un principe politique qui demande à chacun de reconnaître l’autre comme son semblable et comme différent afin de coexister dans la construction sociale commune, une entreprise qui se définit comme un processus en mouvement perpétuel dans la recherche d’un équilibre harmonieux, donc idéal. Comme toute construction mouvante, le risque est le déséquilibre, le retour en arrière, la chute.
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