ON A DÉCROCHÉ MA LUNE
Histoire vraie !
Pas une seule tenue, avant que les lumières ne s’éteignent à l’Orient
Je n’ai manqué de porter sur ma lune un regard attendri.
Son croissant noirci par les ténèbres
Étreignait sur sa face éclairée une pâle rondeur.
Splendeur du croissant de lumière noire
Qui polissait nos outils de sa lueur malicieuse
Et attestait l’ascendant de l’œuvre au noir
Sur la brillance des métaux.
Nos clins d’œil enjoués me rendaient son galbe aguichant.
Nous avions fini par nous lier d’une connivence
Qu’aucun des moments graves qui plombent parfois nos travaux
N’avait troublé la gaieté.
Nous nous souriions, nous nous aimions.
Amour lunatique, blaguent les hérauts de la mystification céleste !
Nous nous aimions sans subir la passion funeste qui déchire les amours impossibles,
Nous nous aimions sans connaître cette terrible maladie qui désunit les amants,
Si souvent,
Et qu’on nomme jalousie…
J’étais si peu jaloux qu’en maintes occasions, je soulevais
Pour mes Frères son voile mystérieux de vierge noire.
Sans effroi, comme le feignent les lunes soumises aux rayons arrogants du soleil,
Ma lune révélait aux initiés attentifs la noirceur de ses charmes trompeurs.
Des forges de Tubalcaïn elle recevait l’illumination tellurienne
Qui reléguait dans l’ombre australe la tache blafarde du jour déclinant.
Lune sulfureuse arrosée par l’éclat noir de l’œuvre souterraine,
Lune généreuse baignée du sang noirci des aventures humaines…
Et vint un jour où le rationalisme militant
Imbu d’infaillible science, décrocha ma lune…
La nouvelle qui trône à présent au sanctuaire des astres vieillissants
N’offre plus que la forme froide d’un croissant convenu.
Lune sans imagination, affichée comme un néon dans la lumière crue du réel,
Lune sans intuition qui ne distingue plus, dans leur quête, les Pierrots des Charlots.
Adieu ma lune, tu ne me verras plus rêver…
Source : HILARION HUMOUR FRANC-MACONNERIE