En tant qu’individus, nous faisons l’expérience douloureuse d’un enfermement continuel. Le corps, les émotions et le mental semblent nous soumettre à leur dictat. Dans ces conditions, nous sommes comme des esclaves.
L’être humain est prisonnier d’une perception de lui-même qu’il ne remet pas en question et quand, par hasard, il effleure sa véritable nature, la peur s’empare de lui et il retourne compulsivement à sa prison.
Il est possible de mettre fin à cet enfermement par une détermination impérieuse à franchir le barrage de la peur et des symptômes psychologiques, physiques ou émotionnels qui se manifestent au seuil de la révélation de notre nature véritable.
Cette détermination ne demande pas de qualité particulière, sinon cette grande inspiration à ne plus demeurer prisonnier.
Pour cela, il est nécessaire de s’ouvrir à chaque instant à « ce qui est ». Il s’agit d’une acceptation spontanée de toutes choses.
Nous devons être « présents » et faire l’expérience sans détour de « ce qui est », à tout moment, quelle que soit la nature de « ce qui est ». Que nous vivions un malaise ou une satisfaction, nous accompagnons, sans manipulation, sans fuite et sans entretenir non plus, ce qui se manifeste.
Cette attitude va immanquablement éveiller la peur qui, dans un premier temps, nous conduira certainement à reproduire nos schémas de fuite. Nous préférons la prison à ce qui commence à se révéler. Mais cette ferme inspiration à ne plus être prisonnier amènera sa récompense. Nous accueillons donc simplement la sensation de peur qui apparaît en conséquence de cette confrontation à « ce qui est », nous l’accueillons comme nous accueillons toute chose et, ainsi, il devient possible de franchir le barrage de nos mécanismes émotionnels habituels.
Ces mécanismes ne peuvent pas être dépassés s’ils sont cautionnés d’une manière ou d’une autre et si nous acceptons d’y être soumis éternellement. La soumission à ces mécanismes est à l’origine de la souffrance. Sans nier leur existence mais sans les contourner non plus, nous commençons à découvrir que nous avons été en fuite presque tout le temps, et que nous avons vécu comme un automate.
Mais par cette ouverture nouvelle, cette disponibilité à tout ce qui est, dans la confiance que nous n’allons pas nous y perdre mais bien nous y retrouver, nous découvrons finalement un espace nouveau, d’une grande et belle énergie, au-delà des protections et des automatismes.
Cet espace est celui de notre véritable nature, illimitée, lumineuse et intelligente qui ne peut se révéler que dans l’abandon de toute forme de contrôle. C’est de cet espace que tout émerge. Tous les phénomènes, de la pensée jusqu’à la structure des galaxies, sont issus de cette conscience infinie qui nous contient et que nous croyons devoir maîtriser pour survivre. Telle est l’attitude de l’ego.
Cet espace est la source de toute énergie et les barrages que nous avons établis dans notre habitude ancestrale à nous protéger, à contrôler et à nous ouvrir de manière très sélective à la vie, réduit considérablement le flot de cette divine énergie.
Cette attitude nouvelle et naturelle qui consiste à s’ouvrir à « ce qui est » à tout instant n’est pas une nouvelle manipulation de l’ego spirituel. Ce n’est pas une autre de ces actions entreprise dans l’espoir d’atteindre quelque niveau « plus élevé » ou quelques états « plus agréables ». Si nous demandons à nous ouvrir de cette façon, nous ne faisons que perpétuer la névrose du coureur spirituel. Nous n’allons pas atteindre quelque chose « d’autre », nous allons redevenir les « passages », que nous sommes par nature, d’une intelligence vivante que nous avons longtemps tenté de contenir à l’intérieur de nos plans étroits et de nos ambitions mesquines.
Si nous nous ouvrons sans attente à ce qui est, une clarté nouvelle va rapidement se révéler. Une clarté simple, sans feu d’artifice mais qui porte en elle la réponse à nos attentes véritables. Nous libérons une énergie et une clarté bridée par nos instincts de protection.
Chaque instant, chaque situation, chaque rencontre, chaque événement est parfait en lui-même. Il peut se révéler inconfortable et il est possible que nous devions agir en réponse ou au contraire que rien ne semble devoir se faire. Mais, quoi qu’il en soit, c’est cet accueil sans peur, cet espace libéré, dans lequel toutes les manifestations peuvent retourner après y être nées, qui est notre nature profonde.
Nous sommes « accueil infini ». Et chaque fois que l’instinct de la peur, et les crispations qu’elle engendre, nous conduisent à refuser ce qui est, nous retournons à l’enfermement personnel.
Ce nouveau regard sur la vie quotidienne est le sens profond de l’enseignement. Nous sommes enseignés naturellement, sans cesse et de manière lumineuse par toute chose.
Le seul frein à cet enseignement est celui que nous mettons à vouloir que les choses soient autrement, et particulièrement à vouloir que la démarche spirituelle réponde aux besoins de l’enfermement, plutôt qu’à l’inspiration à se libérer. Le frein est une perte d’innocence devant l’intelligence de la vie, un accueil limité des manifestations de la vie.
Etre ouvert à cet instant, et au suivant, au suivant, sans lassitude, sans attente, sans anticipation, est l’éveil spirituel. Personne n’est éveillé, c’est simplement cet espace qui s’ouvre à lui-même et dans lequel toute crispation personnelle ne peut que se dissoudre instantanément. Il n’y a alors plus d’entrave à la libre expression de l’être et toute quête spirituelle se révèle un aspect de l’entrave.
Ces mots s’appliquent maintenant, à toute situation et à toute rencontre. La moindre justification à minimiser la portée de ce nouveau regard ne promet qu’un retour à la souffrance.
Source: Thierry Vissac