Voici un nouveau « maçon célèbre » : l’apprenti … Je pense que certains d’entre-vous vont penser que le lien entre célébrité et apprenti est plus que « mince »; mais une fois de plus je tiens à souligner que « maçon célèbre » ne revêt pas pour moi la signification que l’on lui prête habituellement.
Et lire ou relire ces lignes sur l’apprenti nous replonge peut-être sur ce que nous sommes tous en loge, avec nos droits et nos devoirs !
Apprenti (au XVIII° siècle APPRENTIF) : Adolescent lié par un contrat à un maître artisan afin d’apprendre de lui les connaissances nécessaires à l’exercice du métier, moyennant les services qu’un débutant est susceptible de rendre.
L’apprenti est l’objet d’une protection de la part de collectivité. Jadis les sociétés compagnonniques assuraient la régularité des relations entre travailleurs et patrons. Après une période difficile, les révolutionnaires ayant aboli les corporations, l’apprentissage fut à nouveau régi par des contrats tripartites. La nation intéressée à la formation, la profession, et la famille.
L’apprenti, futur artisan, et l’étudiant, futur fonctionnaire, ou futur cadre seront sans doute confondus, dans la formule d’un contrat social et professionnel qui leur assurera et la formation, et la fonction utiles auxquelles ils sont voués.
Ces observations sont nécessaires pour définir le caractère de l’apprentissage : il est contractuel, il implique l’acquisition d’une connaissance, et la progressivité de cette acquisition, en fin il conduit à un service social.
Traditionnellement, les connaissances artisanales sont entourées de la protection du secret, et tout ce qui se rattache à l’exercice du métier, d’un caractère sacré. L’apprenti n’est pas introduit seulement dans l’univers technique, il l’est dans le monde du sacré.
On comprend que les confréries compagnonniques aient conservé des traditions religieuses, en même temps que le soucis de la formation professionnelle.
Mais la maçonnerie spéculative, en adoptant le terme d’apprenti, à l’exclusion pratiquement de tout autre pour désigner les francs-maçons ayant subi les épreuves symboliques de l’initiation, a réveillé ces deux exigences, celle d’une acquisition de connaissance, celle d’un introduction au sacré.
On relève dans Ragon, les termes d’Ecossais, de Manœuvres, de chercheurs, de Novice pour désigner les titulaires du premier grade initiatique, mais le nom d’Apprenti apparaît comme universellement adopté, et a bon droit.
On devient apprenti maçon en subissant les épreuves de l’initiation. Par cette initiation l’apprenti reçoit communication de tout ce qui est symboliquement nécessaire pour pénétrer dans l’univers sacré et pour poursuivre jusqu’à ses fins la voie initiatique. La purification, la descente aux enfers, c’est à dire la mort profane, les voyages symboliques, la nuit et la lumière, et la connaissance des moyens, les outils, et les fins, le dégrossissement de la pierre brute.
L’apprenti reçoit du passé, de la tradition, des enseignements, mais c’est à une régénération de lui-même et de la société en vue du bonheur et de la paix des hommes à venir que le jeune Maçon doit travailler. Sans doute le ton des orateurs des loges d’aujourd’hui est il loin de celui de Frère Marconis, qui, dans la Tribune Maçonnique, écrivait à l’adresse d’un apprenti :
« Tu accompliras ton sublime destin – tu retrouveras cette ressemblance divine qui fut le partage de l’homme primitif, dans cet état d’innocence que les poètes ont célébré sous le nom d’âge d’or, et dont l’initiation maçonnique fait l’objet principal; tu deviendras la créature chérie du ciel; ses bénédictions fécondes s’arrêteront sur toi, et méritant le titre glorieux de sage, toujours libre et heureux, tu marcheras sur cette terre l’égal des rois, le bienfaiteur des hommes et le modèle de tes frères.«
L’apprenti, à l’aide du Ciseau et du Maillet, travaille à dégrossir la pierre brute qu’il est. Protégé par le tablier, ayant accompli les 3 voyages de l’Occident à l’Orient, ayant affronté, c’est à dire éprouvé l’Air, L4eau, le Feu, il a bu le calice d’amertume, avant d’être rendu à la lumière. Ayant visité les contrées inférieures de la Terre, dans le cabinet de réflexions, c’est à dire ayant médité sur la condition de l’homme, et sur sur sa nature profonde, ayant, le genou nu, et la poitrine découverte, avancé, vers le glaive tendu et réagi sous l’effet de la piqûre en homme dont la sensibilité est en éveil, il a juré, c’est à dire, il a engagé sa foi.
Ce serment, que certains considèrent comme une servitude, est en fait l’expression la plus noble de la foi en la liberté humaine.
« L »apprenti promet de s’appliquer de toute son intelligence à la recherche de la Vérité et de consacrer toutes ses forces au triomphe de la Justice. Il promet à ses frères de les secourir selon ses facultés. Il promet de se soumettre aux lois qui régissent la Fran-Maçonnerie » Oswald Wirth.
Plus important encore que la formule, c’est le principe même du serment qui fait le Maçon : il est voué librement à son engagement. Il travaillera à la recherche de la vérité, et à l’avènement de la Justice, convaincu de la solidarité profonde qui lie les hommes entre eux, et il travaillera à construire le Temple de Pierres, le Temple d’Amour, et le Temple d’Esprit, selon le degré de son apprentissage. Mais il ne pourra jamais quitter sa condition d’apprenti.
Un Maçon est apprenti toute sa vie, quels que soient les titres dont on le décore.
Le chiffre 3 est le nombre de l’apprenti comme il est le nombre de la Révélation.
L’apprenti porte le tablier de cuir, la languette supérieure relevée, car sa maladresse est encore grande et il doit se protéger. Ils e met à l’ordre, et le quitte, selon l’Equerre, le Niveau et la Perpendiculaire. Il ne sait ni lire ni écrire. Il ne peut qu’épeler.
Il reçoit son salaire près de la colonne J et il aspire à la Lumière. Certes, le grade d’apprenti ne prend son sens véritable que dans le cadre de la Loge. Il y travaille, assis sur la colonne du Nord ou du Septentrion éloigné de l’éclat lumineux de la connaissance, mais attentif, silencieux, et obéissant aux devoirs qui lui ont été enseignés.
La marche de l’apprenti est rectiligne et se fait à l’aide de l’Equerre, parce qu’il a été mis dans la voie droite, parce qu’il a été initié. Elle lui rappelle les difficultés qu’il va rencontrer et la nécessité où il se trouve de ne pas s’écarter de son chemin.
Le signe de l’apprenti, par Niveau et Perpendiculaire, signifie entre autres que l’apprenti travaille avec le sentiment de l’égalité sociale, et attentif à conserver sa rectitude dans le jugement (d’après argon). Certains voient dans le geste de protéger la gorge une réminiscence chevaleresque, ou même primitive de protection. D’autres pensent que c’est seulement au-dessus du coeur que se situe la raison qui doit guider notre conduite.
Ce qui est certain, c’est que, fût-il seulement demeuré apprenti, tout initié est Maçon par le fait d’avoir reçu la lumière symbolique. Le chemin parcouru depuis ce moment-là est affaire personnelle, don, grâce, ou travail.
Devoirs de l’apprenti. L’initiation n’est pas un sacrement. Le profanante devient pas un « initié » du fait d’avoir subi les épreuves. Celles-ci sont symboliques et indicatives. Le premier devoir de l’apprenti, son « obligation » est de chercher à comprendre ce qu’il vient de vivre, et d’en définir les implication.
La plupart du temps, les apprentis éprouvent des sentiments contradictoires : d’une part, celui d’être laissés à eux-mêmes et comme abandonnés par leurs Frères, après le premier moment d’enthousiasme euphorique. D’autres part, celui d’avoir participé à des vagues simulacres, sans portée réelle et surtout, parfaitement anachroniques. tempérament
Ces sentiments sont cependant rarement exprimés dans le morceau d’architecture qu’on demande rituellement à chacun, sous le nom d’impressions d’initiation. Ce qui frappe en effet, dans le comportement des initiés récents, c’est l’incompréhension qui selon les tempéraments se traduit par un désir de prosélytisme, ou une passivité complaisante.
En réalité, le travail s’opérer à un niveau qui n’est pas immédiatement intellectualisable. L’initiation maçonnique constitue un point de départ. L’apprenti doit s’initier. Ne pas se préoccuper des autres, ne pas chercher à modifier quoi que se soit dans ce qu’il doit faire, ne pas se persuader que ce à quoi il s’est engagé, c’est une expérience folklorique.
Mais il doit opérer une véritable conversion, c’est à dire reprendre en main sa propre existence.
Certes, il éprouve le désarroi de l’étranger dans la maison. mais n’est ce pas le signe de toute prise de conscience réelle ?