Il y avait un homme qui était l’ennemi du Soleil. Il détestait cette chose lumineuse et brûlante, en permanence au-dessus de lui, quoi qu’il fasse. Il détestait le Soleil à cause de la lumière crue du jour, à cause de la chaleur, de tous les contrastes, ombres et lumières, qu’il projetait sur la terre et autour de lui. Il avait l’impression que le Soleil lui volait quelque chose.
Il n’aimait que les ténèbres et la fraîcheur de l’ombre. Il ne regardait jamais le Soleil car, lorsqu’il essayait, celui-ci l’aveuglait.
Le Soleil était donc devenu son ennemi.
Un jour, il creusa un trou dans la terre pour se protéger de lui. Sa peau, qui avait commencé à noircir, redevint à nouveau blanche et le contraste des ombres cessa de l’agresser.
Lorsqu’il fut à l’intérieur de son trou, il réalisa que le Soleil continuait à l’inonder de sa lumière et le trou de ténèbres qu’il avait voulu creuser était finalement plus lumineux que la terre sur laquelle il marchait jusque-là.
Il s’enfonça alors plus profondément. Il creusa un puits et une galerie. Là, il parvint enfin à se protéger du Soleil.
Il vécut ainsi des années dans ce trou, à méditer dans la solitude et la fraîcheur d’une ombre jamais défiée par le Soleil et la lumière.
Au-dessus, sur la terre, les hommes cultivaient, se chauffaient avec le Soleil. Ils en avaient fait un Dieu protecteur et bon. Le Soleil était devenu leur ami et leur allié. Ils savaient maîtriser ses ardeurs. Ils le connaissaient à toutes les saisons. Le Soleil prodiguait ses bienfaits, sauf pour cet homme qui en vint, peu à peu, à mourir dans sa galerie. Lorsqu’il fut bien mort, on n’eut pas besoin de creuser sa tombe qui était déjà toute prête…
Publication du Groupe Présence dans L’amour qui nous guide, tome 2, p. 46-47.