Voici un article relevé sur le site du magazine « Psychologie » intitulé « 5 règles monastiques à adopter au quotidien » :
5 règles que l’on peut aisément retrouver en franc-maçonnerie
Se retirer des turbulences du monde, s’offrir le luxe du temps et du silence, plonger en soi pour redonner du sens à sa vie… Ce n’est pas un hasard si les retraites spirituelles connaissent un succès croissant. On y vient chercher un rythme apaisant ; on y vit, pendant quelques jours au moins, comme ces hommes ou ces femmes que l’on se prend parfois à envier, tant leur existence semble pleine et sereine.
L’ascèse monastique serait-elle le nouveau Graal ? Elle a en tout cas donné des clés à Sébastien Henry, formateur de coachs, qui vient de publier Quand les décideurs s’inspirent des moines (Dunod, 2012), et à l’historien Jacques Dalarun qui, dans Gouverner c’est servir (Alma Editeur, 2012), voit les ordres religieux comme « les laboratoires de nos démocraties ». Ces vies vouées à la spiritualité, construites sur les deux piliers que sont l’intériorité et la communauté, nous ont également inspirés. Parce qu’elles peuvent nous aider à donner une assise à notre quotidien, plus d’attention à nos relations, nous avons choisi d’adapter à la vie profane les cinq grands principes communs à toutes les règles monastiques, occidentales et orientales.
Une ascèse à pratiquer avec constance et modération, comme le précise saint Benoît, qui invite son lecteur à « n’établir rien de rigoureux ni de trop pénible ».
Entrer dans le silence
« L’apôtre nous recommande le silence lorsqu’il nous ordonne de travailler. Et le prophète témoigne également que le silence est l’observation de la justice ; et ailleurs : dans le silence et l’espérance sera votre force. » Règle primitive de l’ordre de Notre-Dame du Mont-Carmel (In La Règle du Mont-Carmel (Desclée de Brouwer, 1982)).
Le bénéfice : seul un temps conscient de silence peut redonner du sens et du poids aux paroles que l’on prononce en quantité et qui, venant s’ajouter au brouhaha ambiant, ne font que renforcer au fond de soi le sentiment d’une grande solitude existentielle. Faire silence, ce n’est pas se retirer, s’extraire, mais au contraire vivre sa présence au monde d’une façon plus profonde, plus consciente. Le silence entraîne l’observation, la contemplation, il éclaire souvent la compréhension et donne aux échanges une saveur et une valeur nouvelles. Y entrer permet également – c’est une évidence, mais encore faut-il l’expérimenter pour s’en convaincre – de mieux écouter, dans le sens d’un accueil généreux de la parole de l’autre.
La pratique : se fixer un rendez-vous silence régulier (par exemple, le jeudi de 18 heures à 20 heures) et noter les émotions et sensations éprouvées. Avec son conjoint : faire une balade dans la nature, en silence, main dans la main et échanger seulement au retour. Avec les enfants : ménager des temps sans écrans ni son, autour d’activités manuelles (cuisine, modelage, peinture…). Au bureau, pour ceux qui le peuvent, choisir de travailler une matinée entière en silence, en prêtant une attention critique à ce que l’on aurait dit (questions, réactions) en temps ordinaire. Au cinéma, au musée : s’abstenir de commenter en direct, différer la parole pour aiguiser sa réflexion et pouvoir mieux argumenter.
Méditer et prier
« Ce que tu médites le matin, garde-le dans l’esprit tout le jour : applique-toi diligemment à cela, c’est d’un grand profit. » Sainte Thérèse d’Ávila (« Avis de la Mère Thérèse de Jésus à ses religieuses » in OEuvres complètes (Desclée de Brouwer, deux tomes, 2007 et 2008)).
Le bénéfice : méditer et prier… Dans la plupart des traditions religieuses, les deux notions se confondent. Méditation et prière consistent à plonger en soi pour mieux se déployer à l’extérieur. Il s’agit de s’ancrer dans l’ici et le maintenant, via ses sens, ses émotions, puis de se relier à plus grand que soi. Dans ce mouvement de l’intérieur vers l’extérieur, les angoisses s’apaisent et le mental se clarifie. Méditer, la science l’a prouvé, est l’un des meilleurs antidotes à l’anxiété. Dans un monde vécu comme de plus en plus menaçant, trouver en soi un lieu-ressource procure un sentiment de sécurité. Par ailleurs, méditer, ne serait-ce que quelques minutes par jour, renforce la concentration et régule les fonctions cardiaques. Prier, en étant en demande, aide à prendre conscience de ses vrais besoins – les souhaits égocentriques et superficiels s’éteignent rapidement –, à solliciter de l’aide et à sortir des jeux de rôle de la toute-puissance.
La pratique : émailler sa journée de pauses sensorielles de « pleine conscience » – je respire vraiment, je regarde vraiment, j’écoute vraiment, je touche vraiment, je goûte vraiment. Au réveil et au coucher, prendre cinq minutes pour inspirer et expirer – inspirer, compter jusqu’à dix, expirer lentement, puis recommencer –, les yeux fermés, jusqu’à ce que l’on se sente détendu et allégé. Oser prier à haute voix – demander pour soi, pour les autres, ou bien remercier – ou écrire ses prières dans un cahier prévu à cet effet.
Pratiquer l’hospitalité
« Lorsqu’un moine étranger se présente au monastère, on le recevra autant de temps qu’il le désire pourvu qu’il ne trouble point le monastère par ses exigences. » Saint Benoît (In La Règle de saint Benoît (Cerf, 2009)).
Le bénéfice : en dépit des apparences, l’altérité est le parent pauvre de notre culture, qui favorise l’individualisme et incite à former des groupes de « mêmes ». Pourtant, rien n’est plus fécond que la rencontre avec la différence, l’étrangeté inhérente à l’autre : elle est source d’étonnement, d’enrichissement et de renforcement de sa propre identité. Accueillir celui qui ne nous ressemble pas, mais qui nous respecte, bouscule nos croyances et nos préjugés. Accueillir l’autre dans notre univers, recevoir sa différence nous permet également d’éprouver nos limites, nos valeurs et notre capacité à nous remettre en question. Cette ouverture – d’esprit et de territoire – développe notre empathie et réduit nos peurs imaginaires, toutes fondées sur la crainte de l’inconnu.
La pratique : adopter de temps en temps, mentalement, un point de vue différent, voire opposé au sien afin de voir le monde et les autres par un autre prisme. Ouvrir son groupe, amical, professionnel ou familial, en déjeunant, en recevant, en travaillant avec une personne que l’on n’aurait pas choisie spontanément. Ouvrir sa maison en échangeant avec des inconnus, en accueillant des enfants défavorisés en vacances, en lançant des invitations spontanées…
Cultiver la stabilité
« Même si votre situation est difficile, ne soyez pas pressé d’aller ailleurs. Ne suivez pas l’exemple de ceux qui viennent d’atteindre le sommet d’une montagne et s’imaginent trouver mieux à côté. » Thich Nhat Hanh, moine bouddhiste vietnamien (In Entrez dans la liberté (Dangles, 2000).
Le bénéfice : la stabilité, par la répétition consciente des actes et des gestes, est un facteur de progrès spirituel, intellectuel et manuel, et la garantie d’un vrai plaisir de faire, car c’est par la constance que vient la maîtrise. Autre bénéfice de la stabilité par la ritualisation du quotidien : renforcer le sentiment de sécurité intérieure et d’appartenance au groupe – familial, amical ou professionnel. Enfin, la persévérance face aux difficultés est sans doute l’un des meilleurs antidotes à la confusion mentale et à l’insatisfaction chronique, deux maux propres à notre culture du zapping tous azimuts. C’est en effet en persévérant que l’on peut se découvrir de nouvelles ressources et que l’on renforce son estime de soi.
La pratique : réintroduire des rites collectifs – repas, rendez- vous, fêtes… – dans son groupe familial ou amical. Ritualiser ses rendez-vous – papiers administratifs, sport, méditation, soins… – à jours et à heures fixes, puis mesurer les progrès obtenus. Lister ces progrès dus à la persévérance, dans tous les domaines. Essayer d’honorer tous les rendez-vous et engagements de la semaine ou du mois, sans les reporter ni se trouver d’excuses. Énumérer, à l’aide d’un ami chargé d’apporter la contradiction, les avantages qu’il y aurait à changer de relation, d’emploi, de lieu de vie, etc.
Oser l’humilité
« Soyez toujours un débutant. » Shunryu Suzuki, fondateur de monastères zen aux États-Unis
Le bénéfice : adopter la posture du débutant permet de sortir des jeux de rôle de l’ego – imposés ou choisis –, d’évoluer dans la connaissance de soi et des autres, de ne pas s’accrocher à des croyances erronées ou limitantes et de se rendre disponible aux opportunités que la vie nous envoie. Sortir de la toute-puissance du « moi je » nous déleste d’un poids considérable et rend également les relations avec les autres plus fluides et plus authentiques. Dernier bénéfice de l’humilité : elle favorise la prise de conscience des principes d’impermanence de toutes choses et d’interdépendance entre les êtres.
La pratique : accueillir la critique, argumentée et respectueuse, et examiner ses actes, ses choix, son comportement par son filtre. Elle entraîne une remise en question, facteur de progrès. Oser dire simplement « je ne sais pas » lorsque c’est le cas, sans se justifier. Demander de l’aide, des conseils à son entourage privé ou professionnel, établir des relations égalitaires et enrichissantes. Reconnaître ses erreurs, ses fautes, savoir s’excuser ou demander pardon.